Décryptage

Aux origines de la folk music

20 avril 2022
Par Mathieu M.
Aux origines de la folk music

Ressuscitant les grands airs de la musique anglo-saxonne, la folk music a explosé aux Etats-Unis pendant les années 1960. Le succès des Bob Dylan, Joan Baez Joni Mitchell et autres Leonard Cohen a entraîné la naissance d’un courant riche, qui s’est depuis renouvelé à plusieurs reprises en se teintant de rock ou de musique indé.

Le folk, une musique d’origine européenne

Les vagues de colonisation successive du continent américain ont amené des cultures européennes différentes à influencer les Etats-Unis naissants. Ainsi, après les Français, les Espagnols et les Anglais, ce sont les Écossais et les Irlandais qui apportèrent avec eux leurs mélodies, influencées par leur folklore celtique. A une époque où les paroles et les airs se transmettaient essentiellement à l’oral, les « folk songs » de ces Britanniques parlant gaëlique se diffusent jusque dans les Appalaches, terre d’émigration privilégiée. Peu à peu, ces chansons folkloriques se nourrissent d’influences diverses : les chants de marin, les harmonies liturgiques et les structures mélodiques et rythmiques des esclaves afro-américains enrichissent par petites touches le répertoire « folk ».

La caractéristique assez classique du folk est sa facilité : un morceau de ce type se base sur trois ou quatre accords, afin d’être plus simple à retenir et à accompagner. Les mélodies, mêmes, reposent sur une alternance couplet/refrain. L’instrumentation, enfin, comprend des instruments aisés à transporter et à accorder : la guitare, l’harmonica, parfois le violon ou la flûte. Ce modèle explique que les premiers interprètes de folk songs soient davantage des ouvriers, paysans, cow-boys ou vendeurs d’élixir : le genre est affaire de petites gens et de prolétaires, non de musiciens professionnels.

La découverte du folk par l’ethnomusicologie

American Folk Lead BellyAu XXe siècle, la musique américaine s’enracine et se codifie. Les Noirs inventent le jazz à La Nouvelle-Orléans, le blues débute son aventure dans la population d’anciens esclaves du delta du Mississippi puis à Chicago, tandis que la country, venue également des folkloristes des Appalaches, s’établit parmi les ruraux blancs. Le folk a la particularité de ne pas être, à l’origine, une affaire de race. C’est en cheminant auprès des populations noires et blanches qu’Alan Lomax, musicologue progressiste, recueille sur disque des enregistrements folk d’origine britannique, afro-américaine, et aussi française et espagnole. Ses compilations, de même que Anthology of American Folk Music réalisée par Harry Smith, fournissent des centaines d’airs aux auditeurs du Nord, notamment de la région de New York, qui vont se passionner pour ces mélodies et leurs premiers interprètes, comme les chanteurs noirs Lead Belly (Where Did You SLeep Last Night, repris par Nirvana) et Blind Lemon Jefferson, proches du blues, ou la Carter Family, qui s’inspira de folk songs pour créer un son country authentique.

Le folk boom

The freewheelin' Au cours des années 1940-1950, la folk music se développe en devenant aussi politique que poétique. Woody Guthrie, avec son éternelle guitare (sur laquelle était inscrit « this machine kills facists ») et sa vie terrible de vagabond orphelin, réussit à créer une œuvre à part : ses textes narrent de vraies histoires, où tout un univers se déploie. Inspirateur de la littérature beat, et, avec Pete Seeger, pionnier du folk auteuriste du Nord-Est, Woody Guthrie est très écouté par une nouvelle génération, lettrée et urbaine, qui se rassemble dans le quartier de Greenwich Village à New York. Parmi ses émules : Bob Dylan. Avec ses premiers albums (The Freewheelin’ Bob Dylan, The Times They Are a-Changin’) puis sa transition vers le folk-rock (Highway 61 Revisited, Blonde on Blonde, Blood on the Tracks), le garçon donne une tournure personnelle au folk, grâce à sa poésie unique et sa facilité à écrire de véritables tubes (Like a Rollin’ Stone) à partir du répertoire traditionnel.

All the News that's Fit to SingSes compagnons newyorkais ne sont pas en reste : Joan Baez, avec sa voix si particulière, revisite les classiques des Appalaches et du Sud et creuse un autre sillon tout au long d’albums indispensables (I, II, Farewell Angelina, Joan), Phil Ochs devient le chantre de la gauche contestataire (All The News That’s Fit To Sing) et Simon & Garfunkel renouvelle la chanson américaine classique avec de somptueuses harmonies vocales (Wesdnesday Morning, 3 A.M.).

Leonard CohenLa fin des années 1960 voit le succès de grandes voix du folk venues du Canada : Leonard Cohen et son timbre grave (Songs of Leonard Cohen) chantent le sentimentalisme poétique, Joni Mitchell (Song to A Seagull) fait merveille dans la ballade acoustique, et Neil Young, déjà à part, s’impose comme le grand auteur-compositeur-interprète folk et rock du moment, avec des disques comme After The Gold Rush ou Harvest.

Le folk d’hier à aujourd’hui : de grands mouvements d’ensemble

Jackson C. FranckDans un registre traditionnel, la folk music accouche de ces météores : Jackson C. Franck sera condamné à l’oubli après un album pourtant essentiel. L’une de ses chansons sera reprise par un autre génie disparu trop tôt : Nick Drake. Ce chanteur anglais a depuis quelques années retrouvé une grande popularité, pour ses disques mélancoliques, tel Pink Moon. Le Royaume-Uni a su, dès les années 1960, se réapproprier la folk music d’Amérique, en y apportant sa sensibilité, avec des artistes comme Donovan côté psychédélisme, ou John Martyn.

FolkloreLes Byrds, en électrifiant Mr Tambourine Man de Dylan, ont créé un courant entier, le folk-rock, par lequel beaucoup d’artistes ont renouvelé le répertoire américain au cours des années 1970-1980. The Band, Pearls Before Swine puis d’une certaine façon Bruce Springsteen ont ainsi prospéré. D’autres artistes ont quant à eux mêlé l’éthique de l’indie rock au caractère littéraire du folk. Billy Bragg (Talking with the Taxman About Poetry), Daniel Johnston (Fun), Vic Chesnutt (Is the Actor Happy ?), Bonnie « Prince » Billy (I See A Darkness) ou Elliott Smith (Either/Or) ont fait écouter du folk aux fans de grunge ou de punk. Au XXIe sièce, ce grand genre n’a jamais été si diversifié : aux côtés des grandes dames actuelles (Josephine Foster, Joanna Newson, et d’une certaine manière, Taylor Swift avec son disque Folklore), des « freak folk » (Devendra Banhart, Tunng, CocoRosie…), se tiennent d’excellents auteurs-compositeurs interprètes comme Sufjan Stevens, faisant le pont entre tradition et discours personnel. Preuve que le folk, un siècle après son apparition, a toujours beaucoup à dire.

Article rédigé par
Mathieu M.
Mathieu M.
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