Un nouveau format s’impose en librairie : la bande dessinée de poche. Alors que la période estivale commence à peine, on vous explique pourquoi ces petits albums sont à glisser absolument dans vos bagages.
Elles coûtent une dizaine d’euros. Mesurent moins de 14×21 cm. Et s’emmènent partout. Les bandes dessinées au format poche ont fait leur apparition dans les rayons des librairies il y a quelques années maintenant. Les éditions Casterman sont les premières en France à s’être lancées dans l’aventure. Il ne faut pas attendre longtemps avant que d’autres maisons d’édition suivent la tendance : Futuropolis, Dargaud, Steinkis et même Folio proposent désormais une collection de modèles réduits.
Voyager avec une BD
Mais le petit format est un véritable pari pour les éditeurs et éditrices de bandes dessinées, puisque la réduction de la taille d’un album implique de repenser toute sa conception : de la typographie au lettrage, en passant par la lisibilité et la taille des cases. Le confort de lecture étant la boussole de toute l’opération. « On fait passer une série de tests aux albums que l’on envisage de passer en poche afin de voir s’ils peuvent le supporter, détaille Anne-Charlotte Velge. Bien sûr, tous ne peuvent pas être adaptés. Mais on s’est aperçu qu’un certain nombre de nos ouvrages supportent assez facilement la réduction de la taille des planches puisqu’elles ne comptent que six à huit cases maximum. »
A5. 14,8 cm sur 21 cm. C’est la taille de ces nouvelles bandes dessinées de poche qui envahissent les catalogues des maisons d’édition. Il faut dire que ce format donne une nouvelle portée aux albums de BD, qui peuvent aisément se glisser dans nos sacs à chacune de nos sorties. Il est désormais possible d’aller lire les Culottées de Pénélope Bagieu (Gallimard) au parc ou d’embarquer dans les aventures de Corto Maltese d’Hugo Pratt (Casterman) lors de son trajet quotidien en transports en commun.
« Aujourd’hui, il y a une mobilité de la lecture importante. Le poche, qui existe depuis très longtemps en littérature, se prête bien à l’idée de lire un peu partout, à la différence des grands formats à la pagination importante et qui peuvent vite être lourds à transporter », estime Anne-Charlotte Velge, éditrice chez Steinkis. Cette maison d’édition s’est lancée dans le poche en 2023 avec trois titres emblématiques de son catalogue : Simone Veil ou la force d’une femme, Les Espionnes racontent et En attendant Bojangles.
Offrir une BD à un coût réduit
Qui dit petit format, dit petit prix. Les dimensions du poche permettent de proposer des prix de vente attractifs : entre 9 € et 12 €. Alors que le prix moyen d’un roman graphique se situe aujourd’hui aux alentours d’une vingtaine d’euros, ces nouveaux modèles offrent une alternative plus économique. « Avec ces albums, le but est clair : permettre à un public au pouvoir d’achat moins important, comme les étudiants, de consommer de la bande dessinée, soutient Anne-Charlotte Velge. Ces nouveaux acheteurs sont moins des lectrices et lecteurs traditionnels de BD. On observe que ce sont plutôt des personnes curieuses des sujets traités dans nos livres. Le poche devient une occasion d’achat. »
Serait-il possible d’imaginer développer des projets originaux de BD en poche ? « Non, admet Anne-Charlotte Velge. L’économie de la bande dessinée est coûteuse. Ce sont des projets sur lesquels les auteurs et les dessinateurs passent beaucoup de temps et cela ne serait pas rentable. »
Prolonger leur durée de vie en librairie
« L’objectif est de faire vivre le fond de notre collection », affirme l’éditrice. Toutes maisons d’édition confondues, les poches restent, pour le moment, de simples adaptations de grands formats déjà publiés. C’est aussi l’occasion de voir des titres – tels que le roman graphique Joséphine Baker (Casterman) de Catel Muller (dessin) et José-Louis Bocquet (scénario), le premier tome de la saga Celle que… (Dargaud) de l’autrice Vanyda ou encore Lulu femme nue (Futuropolis) d’Étienne Davodeau – faire leur grand retour dans les vitrines des librairies.
« Le catalogue de Steinkis est centré autour des sujets documentaires. Ce sont des ouvrages qui demandent un temps long de réalisation. Notre travail est de les faire durer le plus longtemps possible en librairie, confirme Anne-Charlotte Velge. Le but est de faire passer nos albums par le circuit de la nouveauté une seconde fois. »
Alors que plusieurs milliers de nouvelles bandes dessinées sont publiées chaque année, les poches proposent un nouveau modèle de consommation littéraire. En attirant l’attention sur des titres plus anciens, qui ont déjà fait leurs preuves en librairie, ces petits formats donnent aux lecteurs et lectrices la possibilité de se détacher de la frénésie du marché du livre. « Ces rééditions sont aussi l’occasion pour les gens de redécouvrir des BD qu’ils n’avaient pas vu passer lors de leur première sortie », se réjouit l’éditrice de Steinkis.
Après une première fournée en 2023, Steinkis fait le pari d’agrandir sa collection avec quatre nouveaux titres en 2024. « L’année dernière était un test et cela a plutôt bien marché. On a même pu lancer un nouveau tirage de l’album sur Simone Veil. Même si ces ventes restent marginales, on est désormais en mesure de penser que les titres de la collection seront pérennes. »
Moins coûteuses que les grands formats traditionnels et plus faciles à transporter au quotidien. Les raisons sont trop nombreuses pour ne pas se laisser tenter par les bandes dessinées de poche, qui semblent être le bon plan de l’été 2024.