
Sont-ils partis un jour, sans retour ? Et bien non : sous la houlette de Frank des 2Be3 et Chris des G-Squad, le projet « Génération Boys Band » a sorti un disque de reprises. Et un best of en vinyle des 2Be3 sera disponible en mai, en attendant une saison entière de la série « Culte » consacrée au plus célèbre groupe de garçons de France. 2025, l’année du come-back des boys bands ?
Des tournées pharaoniques, des membres recrutés sur casting, des fan-clubs, un relais massif de la presse spécialisée, des millions de disques vendus… Ce genre d’énumération pourrait résumer la réception actuelle de la K-pop, mais elle s’applique aussi à une vague qu’a connue l’Europe au milieu des années 1990, avec l’éclosion des boys bands.
Finalement, les « boys » sont souvent retournés à l’anonymat en quelques semaines, les fan-clubs loi 1901 n’ont duré qu’une ou deux années civiles, et les principaux titres de la presse spécialisée (Ok Podium et Salut !) ont disparu des kiosques.
Et pourtant, une partie des garçons qui composaient les G-Squad, Alliage et autres 2B3 entretient, d’une manière ou d’une autre, la nostalgie. C’est notamment le cas de Frank Delay et Chris Keller, qui reviennent sous le nom de Génération Boys Band, et qui ont même publié un album de reprises des plus grands succès des années boys bands version acoustique, J’me souviens, fin 2024.
Ce même Frank Delay, que l’on connaît aussi comme comédien, conseille actuellement les producteurs de la saison 2 de Culte : après une première saison centrée sur l’émission de télé-réalité Loft Story, la série de Prime s’intéressera à nouveau à des anonymes devenus célèbres en quelques semaines : les 2Be3. Un groupe composé de Filip Nikolic (décédé en 2009), Adel Kachermi et Frank Delay qui symbolise ce phénomène marketing des boys band. Et dont un best of en édition limitée sortira le 2 mai prochain.
Enfin, un livre Garçons perdus. L’ascension et la chute des boys bands signé Astrid Farguer sorira le 22 mai, promettant de décrypter « le destin tragique des ‘boys bands’ qui ont rythmé la culture pop des années 1990 ». Allechant.
Des micros et des backflips
Il y a trente ans, la musique en France était affaire de chapelles. Le rap, le rock ou la musique électronique étaient alors autant de phénomènes de « tribus », tandis que la variété péinait à conquérir les moins de 25 ans. C’est donc une formule anglo-saxonne qui va occuper les oreilles des adolescents : la pop mâtinée de dance ou de R&B fait un malheur outre-Atlantique (avec les Backstreet Boys) et en Angleterre (grâce à Take That, première formation de Robbie Williams, et Worlds Apart).
Abdos saillants, chorégraphies léchées… C’est par l’image que les boys bands captent l’attention. Les maisons de disques françaises décident donc de s’aligner : EMI repère à travers un télé-crochet de danse une bande d’amis de Longjumeau, et les transforme en un rouleau compresseur dance-pop.
Adel, Filip, Frank deviennent bientôt des idoles avec un premier single, Partir un jour, et des passages TV très récurrents. Les trois garçons, particulièrement sportifs, intègrent backflips et appuis tendus renversés à leurs chorés. Bientôt, leurs jolis minois ornent des posters affichés dans des milliers de chambres, et TF1 diffuse même une sitcom très kitsch à leur gloire, dans laquelle ils incarnent leur propre rôle.
Si les 2Be3 seront les chefs de file du phénomène boys band en France, les trois amis de Longjumeau ne sont pas les pionniers : c’est une autre maison de disque, BMG, qui avait décroché la timbale en organisant le casting de G-Squad, aux sonorités principalement inspirées du G-funk californien et du R&B.
Pour la petite histoire, leur parolier Laurent Chalumeau, est également l’auteur des sketchs d’Antoine De Caunes et José Garcia à la télévision.
Troisième formation à se démarquer, Alliage cartonne avec ses chansons estivales, notamment Baïla. Comme leurs confrères des autres formations, ils sont propulsés par M6, qui, à l’époque, est la principale chaîne de télé musicale en France.
Les émissions comme Fan de, présentée par Séverine Ferrer, et Hit Machine – déclinaison à succès de Top of the Pop adaptée par Charly & Lulu – constituent le relais de ce phénomène qui galvanise les (jeunes) foules.
Vers un retour en grâce ?
Le phénomène boys band, en réalité, n’aura duré que 18 mois. Dès leur deuxième album, ces différentes formations masculines francophones ont été marginalisées. Et la plupart de ces ex-idoles se reconvertiront dans les téléfilms ou le cinéma.
Malgré ce caractère éphémère, Alliage, 2Be3 ou G-Squad auront marqué leur temps : la mort tragique de Filip Nikolic des 2Be3 en 2009, a déclenché une émotion réelle.
Pour nombre de trentenaires et quelques quadras, les visages familiers des Gerald, Nathan, Adel et consorts évoquent des années bénies, de préadolescence, des crushs sur des stars et un répertoire qui, s’il se limite à quelques tubes, a le mérite d’entrer facilement en tête.
À l’image des jeunes retraités d’aujourd’hui qui ont aimé le film et les tournées Star 80, ou des septuagénaires qui ont suivi les artistes Âge tendre et tête de bois (en concert et en croisière), celles et ceux qui ont connu les heures de gloire de Dance Machine, des Minikeums et du hit Le Feu, ça brûle ne peuvent être immunisés contre la rétromania. En 2025, on replonge dans le kitsch et le culte ?