Critique

Joann Sfar au Musée d’art et d’histoire du judaïsme

06 décembre 2023
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Joann Sfar au Musée d’art et d’histoire du judaïsme
©MAHJ

Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme, à Paris, retrace dans Joann Sfar, la vie dessinée la trajectoire unique de cet auteur de bande dessinée. Une exposition foisonnante qui rend hommage à ce dessinateur hyper productif, à voir (absolument) jusqu’au 12 mai 2024.

C’est la première rétrospective consacrée au dessinateur de bande dessinée Joann Sfar… et il était temps ! Avec près de 300 albums, une vingtaine de romans, quatre films et quatorze distinctions à son actif, il est l’un des auteurs les plus prolifiques de sa génération.

Joann Sfar©Cécile Gabriel

Une œuvre monumentale qui trouve, grâce à cette exposition, une mise en lumière et une reconnaissance attendues depuis longtemps par son public et ses lecteurs.

Bande dessinée et judaïsme : l’œuvre de Joann Sfar

Vous le connaissez sûrement pour sa bande dessinée Le Chat du rabbin, vendue à plus de deux millions d’exemplaires à travers le monde, puis adaptée en film. Mais l’œuvre de Joann Sfar est bien plus riche et vaste. Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme (MAHJ) le montre bien dans cette exposition qui reconstitue la vie du dessinateur en exposant ses premiers travaux jusqu’aux plus récents, et dévoile même en exclusivité une planche des Idolâtres, sa prochaine bande dessinée (à paraître en 2024). Ce sont donc plus de 250 planches et dessins, mais également d’extraits de ses carnets de jeunesse et des photos de famille qui sont exposés pour la première fois, après avoir dormi dans des cartons pendant des années.

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Son œuvre, construite sur plus de 30 ans, se démarque par sa diversité : créations fantaisistes, littérature jeunesse, dessins érotiques, regard sur l’actualité et récits autobiographiques… Le dessinateur a prouvé qu’il était capable de performer sur n’importe quel type de format. Néanmoins, un élément les relie : la culture juive. Moins que l’aspect religieux, c’est la dimension culturelle du judaïsme qui habite l’œuvre de Joann Sfar. Il le disait d’ailleurs lui-même en 2013 : « Je n’ai jamais cru en Dieu. Mais j’ai dû placer ma foi dans autre chose, les personnages féériques de mes BD, par exemple. »

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Le plus marquant dans l’exposition du MAHJ, c’est le souci constant de Joann Sfar pour l’idée de la transmission : « Mais si je meurs, qui prendra soin de mes morts ? Qui s’occupera d’eux ? Il n’y a que moi qui sache les faire parler comme ils parlaient de leur vivant, note-t-il dans l’exposition avant d’ajouter : Il faut vite que je les mette à l’abri dans mes livres avant de mourir à mon tour. Allez, tous dans les livres, les morts, les vivants, les imaginaires, hop ! »

Cela se retrouve dans sa célèbre série Klezmer, qui suit les pérégrinations d’un groupe de musiciens juifs au début du XXe siècle, dans Le Chat du Rabbin, où l’auteur illustre la cohabitation entre juifs, chrétiens et musulmans en Algérie, ou encore dans Chagall en Russie, « un fabuleux conte juif » mettant en scène la vie de ce peintre.

La face cachée de Joann Sfar

Cette rétrospective est l’occasion de découvrir une facette moins connue, plus intime, du dessinateur. Ainsi, l’exposition s’ouvre sur l’enfance de Joann Sfar. Né à Nice en 1971, d’un père juif séfarade et d’une mère d’origine polonaise ashkénaze, le dessinateur perd cette dernière alors qu’il est âgé d’à peine 3 ans. On lui raconte « qu’elle est partie en voyage ». Ce drame fondateur habite l’ensemble de son œuvre.

Dans sa série de BD Petit Vampire, son héros, prénommé Michel, est orphelin et est élevé par ses grands-parents, à l’instar de Joann Sfar. « Le dessin permet de tenir les choses, de les attraper et par là de vaincre le temps », voit-on écrit sur les murs de l’exposition, révélant ainsi son obsession pour la mémoire. Dès son plus jeune âge, Joann Sfar pense, s’exprime, extériorise grâce au dessin.

Extrait de La-Synagogue.©Joann Sfar

Ce besoin absolu de saisir un crayon et de raconter par le dessin, Joann Sfar le partage avec ses anciens camarades de l’Atelier des Vosges. Dans les années 1990, il s’y installe et travaille aux côtés d’Émile Bravo, Christophe Blain, Marjane Satrapi ou encore Riad Sattouf, eux-mêmes grands noms du 9e art. Cette rétrospective est même allée capter leur parole, l’occasion de découvrir Joann Sfar à travers ceux qui l’entourent et qui n’ont eu de cesse de contribuer à ses œuvres – et vice versa.

En outre, Joann Sfar retourne complètement le MAHJ afin de le transformer en atelier. Il expose ainsi sa table de travail : ses pinceaux et stylos favoris, sa palette de peinture, ses carnets, des papiers et le tout annoté. « Ne JAMAIS donner leur vraie couleur aux choses », « Tout le monde s’en sert, mais moi c’est mieux », ou encore « N’acheter que des plumes faciles à trouver, sinon le deuil ». Quelques conseils précieux.

À l’instar de ses personnages aux yeux grand ouverts, Joann Sfar porte une attention constante au le monde et aux autres. Et il les raconte comme personne. Vivre pour dessiner, dessiner pour vivre… c’est ainsi que l’on pourrait résumer cette magnifique rétrospective.

Joann Sfar, la vie dessinée, au Musée d’art et d’histoire du judaïsme (Paris 3e), jusqu’au 12 mai 2024. Ouvert du mardi au dimanche. 10€/7€. Pour la billetterie, c’est par ici !

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