Entre la sortie de la série Daryl Dixon et celle des comics Clementine chez Delcourt le 2 novembre, la franchise The Walking Dead semble ne jamais prendre fin. Au risque de générer un sentiment de lassitude ?
Mais qui est Clementine ? Si vous avez la réponse, c’est que vous avez probablement dévoré les quatre saisons du jeu narratif The Walking Dead: A Telltale Game Series paru entre 2012 et 2018. Dans ce spin-off du comics de Robert Kirkman, cette petite fille afro-américaine passait peu à peu du statut de personnage à protéger à celui protagoniste intrépide, dans un monde détruit par une invasion de zombies.
Quelques années après la fin douce-amère de ses aventures, la dessinatrice et scénariste Tillie Walden s’est vu confier la suite de la saga de notre héroïne : un récit en trois parties sobrement intitulé Clementine.
Quand Tillie rencontre Clem
Tillie Walden n’est pas un nom que l’on associerait spontanément à un récit de zombies survivaliste : cette jeune dessinatrice prodige du comics indépendant a déjà gagné des récompenses prestigieuses (dont un mérité Eisner Award pour son œuvre autobiographique Spinning) et a su imposer sa patte à coups d’histoires intimistes particulièrement sensibles.
On était en droit de se demander si la greffe allait prendre avec l’univers vidéoludique particulier des studios Telltale. On y suit une Clem légèrement plus âgée que dans les jeux, désormais à la fin de son adolescence, diminuée par l’amputation de l’une de ses jambes et bien décidée à fuir les autres survivants pour ne pas s’attirer davantage d’ennuis.
Ce besoin de solitude prend la forme d’un long voyage vers le nord du continent américain, au cours duquel elle finira néanmoins par se lier d’amitié avec Amos, un survivant amish en route vers une station de ski qui, pense-t-il, abriterait un groupe de survivants.
Beaucoup moins basé sur les rebondissements et les scènes d’action que la série principale de Robert Kirkman, Clementine est un récit qui se concentre sur la vie quotidienne d’une minuscule communauté coupée du reste du pays – et ce dans des montagnes particulièrement isolées, y compris de la menace immédiate des hordes de morts-vivants.
Une fresque tenant presque du huis clos hivernal, au sein d’une bande de personnages où Clementine est elle-même considérée comme l’élément extérieur et potentiellement dangereux. Au fil des chapitres, on découvre lentement les secrets et les problèmes de ces adolescents ayant choisi d’éloigner les dangers des morts-vivants pour les troquer contre un cadre de vie extrême. Malgré toute l’adversité qui les entoure, ils doivent trouver un semblant de normalité dans leur quotidien – et ça fonctionne.
La patte de Tillie Walden est bien là : les sujets intimes prennent corps sous sa plume (le membre perdu de l’héroïne, la religion, la perte d’un animal domestique…) et arrivent à faire mouche sans jamais ennuyer le lecteur. On referme le premier volume de Clementine avec la certitude qu’elle était la bonne autrice pour raconter la suite de l’épopée entamée dans le jeu vidéo.
The Walking Dead n’est plus qu’un (joli) décor
Toujours est-il que, quatre ans après la fin de la publication de la bande dessinée de Kirkman, on ne peut que s’étonner de la vitalité de la marque, au point de s’en retrouver presque épuisé : a-t-on vraiment besoin de suivre les aventures de Daryl à Paris ? Celles de Rick et Michonne après la fin de la saison 11 ? Et de s’intéresser à un nouveau groupe de survivants du côté de Manhattan ?
En moins d’une quinzaine d’années, pas moins d’une trentaine de séries, webséries, comics ou romans ont prolongé l’univers de la BD à l’origine du phénomène. Une production dont le rythme s’accroît et s’accélère jusqu’à la saturation, avec trois shows télévisés différents en deux ans, pour une qualité qui peine parfois à retrouver les standards de la toute première.
Cependant, des comics comme Clementine donnent une lueur d’espoir : ici, l’univers imaginé par Kirkman n’est plus qu’un lointain décor. On y croise finalement assez peu de zombies, les enjeux dramatiques ne singent jamais ceux de la série télévisée, et les nouveaux personnages, peu nombreux, sont parfaitement cohérents avec la force du récit insufflé par Walden.
Ce genre de spin-off très personnel, quasi expérimental, est précieux. Il nous prouve qu’il est encore possible de produire du contenu original, captivant et sensible dans un univers qui semblait voué à être exploité jusqu’à la dernière goutte par son éditeur. Peut-être que cette œuvre montre la voie : The Walking Dead est avant tout un décor idéal permettant de raconter un tas d’histoires, et pas seulement des récits de communautés assiégées s’entre-déchirant sans fin.