Benoît Poelvoorde pour Sur la branche : “Le cinéma est un perpétuel recommencement”

Quelques mois après la sortie de Normale d’Olivier Babinet, Benoît Poelvoorde est de retour au cinéma dans le nouveau film de Marie Garel-Weiss. Dans Sur la branche, le comédien incarne Paul, un avocat en bout de course. Le rustre fait un jour la connaissance de Mimi (Daphné Patakia), une fille atypique bien décidée à défendre Christophe (Raphaël Quenard), un arnaqueur dont elle est tombée sous le charme. Ensemble, les deux « inadaptés » formeront un duo qui voit en cette affaire un moyen d’avancer et d’oublier leurs problèmes personnels.

À l’occasion de la sortie du film, ce mercredi 26 juillet, Benoît Poelvoorde a accepté de se confier sur sa carrière et de donner ses recommandations pour l’été auprès de L’Éclaireur. Rencontre.

Sur la branche est un film original, entre le conte et la comédie policière. Qu’est-ce qui vous a séduit dans le projet ?

Je pense que c’est avant tout l’univers de Marie Garel-Weiss, la réalisatrice. J’aime sa singularité, elle est complètement givrée, dans le bon sens du terme. Quand tu parles avec elle, tu ne sais jamais ce qu’elle va dire. Elle a une façon d’aborder le monde bien à elle. Pendant le tournage, j’avais peur que sa singularité ne se traduise pas à l’écran, mais après avoir vu le film, je pense qu’elle a parfaitement réussi. Marie ne cherche pas à être drôle, elle veut juste mettre à l’écran ce qu’elle trouve drôle. Cette fraîcheur me rappelle les premiers films de la Nouvelle Vague.

Vous jouez un avocat dans le film. Était-ce un défi pour vous ?

Non, je ne prépare pas vraiment mes films maintenant. Bizarrement, on m’a souvent proposé de jouer un avocat au cinéma, mais j’ai toujours refusé. Le côté plaidoirie m’ennuie, j’ai l’impression de plaider suffisamment comme ça au quotidien… Ce qui m’intéressait dans ce rôle, c’est que Paul est en bout de course. Sa carrière est derrière lui, il va se faire radier du barreau. Beaucoup de critiques le voient comme un « loser », mais je me bats contre cette idée. La seule chose qui le rend triste, c’est que sa femme a porté plainte contre lui. Le reste, il s’en fiche.

Il y a une belle alchimie à l’écran entre Daphné Patakia et vous. Comment avez-vous travaillé votre dynamique ?

Le choix de l’actrice était déterminant pour moi. C’était important de savoir qui allait me donner la réplique, le personnage de Mimi est un peu casse-gueule, rempli de TOC, angoissé socialement… Jouer cette « différence » peut donner lieu à tous les excès.

Dès les premières lectures avec Daphné et Raphaël, j’ai su que le casting était bon, je me suis lancé dans l’aventure, et je ne le regrette pas. Ce qui était impressionnant, c’était de voir la rigueur avec laquelle Marie dirigeait Daphné. Évidemment, le film parle beaucoup d’elle, donc elle voulait retranscrire le mieux possible cette différence.

Vous avez dit avoir accepté de jouer dans Sur la branche sur un coup de cœur pour l’univers de sa réalisatrice. Comment choisissez-vous vos rôles à ce stade de votre carrière ?

Je fais beaucoup plus attention aux films que je choisis maintenant. J’ai longtemps accepté des rôles pour des raisons étranges… J’en ai fait beaucoup pour faire plaisir, pour rendre service, pour aider… À ce stade de ma carrière, je pense que je vais bientôt devoir me remettre à écrire de nouveau, si je veux continuer à tourner.

Vous savez, le cinéma est un perpétuel recommencement. Au départ, j’ai écrit pour moi, puis je suis entré dans l’industrie comme un cheval dans un cirque qu’on fouette pour qu’il aille dans le bon sens. Puis, à un moment, tu deviens une vieille carne, le téléphone ne sonne plus… Je vais peut-être finir à Aubervilliers, au théâtre équestre Zingaro [rires].

Vous dites ne pas regarder beaucoup de films aujourd’hui, pourquoi ?

On peut même dire que je ne regarde rien. Ce n’est pas du mépris de ma part, mais le cinéma m’intéresse de moins en moins. Quand je regarde un film, je pense à la table régie, au gars qui crie « fin de journée ! » après le plan. J’ai surtout des coups de cœur pour les films où je ne connais pas les acteurs. Les films danois, japonais, turcs, j’adore ! J’aime voir un acteur et ne pas savoir s’il va jouer un gentil ou un méchant.

Le problème quand on voit un type comme moi à l’écran, c’est qu’on se doute bien que je ne vais pas mourir dès la première minute. Je fais des films pour que les gens s’exclament quand ils découvrent qui est le grand méchant de l’histoire. Si je devais faire un film maintenant, je ne prendrais que des inconnus.

La littérature a toujours joué un rôle important dans votre vie, est-ce toujours le cas ?

Oui, plus que jamais ! Récemment, j’ai lu Un roi sans divertissement de Jean Giono (1963). C’est assez génial, même si ce n’est pas un livre facile d’accès. Il faut parfois prendre un dictionnaire quand Giono se met à décrire les arbres…

J’aime bien être éclectique dans mes lectures. Par exemple, je suis en train de lire Décadanse (2023) de Patrick Buisson, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy. Dans le même genre, j’ai bien ri en lisant La Faute à Rousseau (2023) d’Éric Naulleau. J’aime bien cette langue mondaine et châtiée pour tirer à la sulfateuse sur une personnalité publique comme ça. J’ai également commencé le dernier Douglas Kennedy, Et c’est ainsi que nous vivrons.

Niveau conseils, j’oblige les gens à lire La Conjuration des imbéciles (1980) de John Kennedy Toole. Je pense aussi à la littérature sud-américaine. Tout le monde devrait lire au moins une fois Ernesto Sábato, c’est vraiment magnifique. Et puis, pour la plage, lisez Marcel Aymé ; pas besoin de se compliquer la vie, Marcel Aymé ça se lit bien et c’est super.

Justement, qu’est-ce que l’été vous inspire ?

C’est drôle, quand on me parle d’été, je pense directement au goudron qui fume au loin sur la route. L’été de la route m’horripile et je ne suis vraiment pas fan de la saison.

Regardez-moi, je suis tout rougeaud. Quand je pense été, je pense Mad Max (1979). Ce désert déprimant, le regard désabusé de Mel Gibson, la mort du bébé… J’adore le côté fauché et désespéré du premier film. Par contre, je dois avouer que Mad Max : Fury Road (2015), ce n’est pas ma tasse de thé : trop de cuts, et trop de cirque avec tous ces gars qui sautent dans tous les sens…[rires].

Sur la branche de Marie Garel-Weiss. Avec Daphné Patakia, Benoît Poelvoorde, Agnès Jaoui et Raphaël Quenard, 1h31, en salles le 26 juillet 2023.

L’interview a été réalisée quelques jours avant que Benoît Poelvoorde n’annonce la fin de sa carrière au cinéma.