
Non, les enfants ne sont pas tous mignons. L’histoire du cinéma regorge de bambins maléfiques et tueurs capables de saigner les adultes comme on joue à la poupée ou aux petites voitures. La preuve avec cette sélection de films de gamins ultra-flippants qui sèment le trouble, le sang et la terreur.
Le thème n’est pas nouveau, mais du Village des damnés originel aux Innocents, les cinéastes de tous horizons ont astucieusement su renouveler l’ambivalence de visages enfantins aux pensées ou actes diaboliques. Prétexte à des réflexions philosophiques insolubles (peut-on tuer un enfant ?) ou ressort hautement mal(f)aisant, la figure de l’enfant dans les films d’horreur est fascinante. La preuve avec ces films d’horreur particulièrement effrayants.
La Malédiction (1976)
Quand on cherche des films sur des enfants qui fichent la trouille, La Malédiction s’impose comme une évidence. Classique absolu de l’épouvante à caractère religieux, pas loin du niveau de L’Exorciste, le long-métrage de Richard Donner tire sa force intemporelle de son rutilant casting (Gregory Peck en tête) et de son adhésion rigoureuse aux codes du thriller plutôt qu’au fantastique de série. Soit la bonne formule pour nous faire croire à cette histoire de fils de Satan élevé dans les hautes sphères du pouvoir comme indiqué dans l’Apocalypse de Saint-Jean.
L’horreur commence à Rome lors de l’accouchement de l’épouse de l’ambassadeur des États-Unis en Italie. Là, des religieux dévoués au diable infiltrés parmi le personnel de l’hôpital proposent au diplomate de remplacer leur bébé mort-né par un autre enfant né pile au même moment. Quelques années plus tard, à Londres, où la famille est désormais basée, l’instinct maléfique de Damien va se réveiller et mettre en péril tous ceux qui se mettent en travers de son chemin.
Nounou suicidée, maman défenestrée, prêtre empalé, photographe décapité… Les dégâts causés par le jeune antéchrist ou par un de ses proxys diaboliques sont définitivement entrés au panthéon du cinéma d’horreur. Sans oublier que, depuis La Malédiction, le prénom Damien reste toujours aussi difficile à porter.
Les Révoltés de l’an 2000 (1977)
Desservi par un titre français qui fleure bon le nanar SF pas vraiment culte, Les Révoltés de l’an 2000 (Quien puede matar a un niño ? en VO, soit Qui peut tuer un enfant ?) arrive sur les écrans en 1977 dans une Espagne fraîchement libérée du franquisme. Fable horrifique maquillée en thriller fantastique, le film de Narciso Ibanez Serrador, spécialiste ibérique du film de genre, s’ouvre sur un long générique documentaire où sont montrées toutes les atrocités, guerres et massacres compris, subies par les enfants durant le XXe siècle. Après un préambule didactique et glaçant sans ambiguïté sur les intentions de l’auteur, place à la fiction.
Une touriste anglaise enceinte et de son fiancé accostent dans le petit port d’une charmante île des Baléares qui semble avoir été désertée par tout humain de plus de treize ans. Après avoir compris que les petits démons mutiques et souriants qui peuplent désormais les ruelles veulent les saigner, le couple va tenter de survivre coûte que coûte.
Combo de Sa Majesté des mouches et du Village des damnés, ce film sur la sauvagerie endémique de l’être humain est une véritable perle noire irradiant un profond nihilisme qui n’a pas pris une ride.
Simetierre (1989)
À ranger dans la catégorie horreur de l’œuvre de Stephen King, aux côtés des incontournables Ça, Carrie ou Shining, Simetierre devait être porté à l’écran par George Romero avant d’être repris en 1989 par Mary Lambert, dont c’est le premier long-métrage après une carrière déjà bien remplie de réalisatrice de clips, notamment pour Madonna.
L’histoire est celle d’une famille de Chicago qui a la mauvaise idée de déménager à la campagne à proximité d’un cimetière pour animaux cachant une partie hantée où les morts reviennent à la vie en version maléfique. Le père de famille dévasté par la mort brutale de son fils décide d’enterrer la dépouille de son enfant dans la terre maudite. De retour parmi les vivants, le petit Gage a une grosse envie de chair fraîche…
Gros succès au box-office américain dans les années 1980, cette variation horrifique sur le thème du deuil a fait l’objet d’un remake plus qu’honorable trente ans plus tard. Un Simetierre nouvelle version pas pour autant revisité où il est toujours conseillé de laisser reposer les morts.
Le Village des damnés (1995)
Quelques semaines après avoir été collectivement endormis par une entité mystérieuse et invisible, les habitants de la paisible bourgade de Midwich découvrent que les grossesses inexplicables d’une douzaine de femmes sont liées à cet étrange événement. Nés par l’opération d’un saint esprit pervers et mal intentionné, les enfants ont la particularité de tous se ressembler – coupe de Beatles albinos, pupilles laser et pouvoirs extra-sensoriels – et de nourrir une même volonté de nettoyer la ville par le meurtre…
Revisité par un John Carpenter fasciné depuis l’enfance par le film original de 1960, Le Village des damnés garde intacte toute sa puissance transgressive (les enfants tueurs) et sa charge symbolique (l’avortement, la parentalité) tout en intégrant un élément scénaristique inédit qui va changer la donne. Moins sombre que son modèle, notamment dans son final éclairé par une lueur d’espoir, cette version moderne d’un classique de l’épouvante reste d’une redoutable efficacité.
The Ring (2002)
Remake américain d’un classique de l’horreur japonais d’Hideo Nakata, The Ring de Gore Verbinski, à qui l’on doit entre autres la saga Pirates des Caraïbes et Rango, adapte l’effrayante intrigue originale ancrée dans les croyances surnaturelles japonaises aux standards de l’épouvante occidentale. Il modifie le film terrifiant et énigmatique, gravé sur une cassette maudite, qui fait littéralement mourir de peur celles et ceux qui la visionnent.
Rachel, une journaliste de Seattle dont la nièce a été victime de la VHS diabolique, va enquêter au péril de sa vie et de celle de son fils qu’elle élève seule. N’écoutant que son courage, elle prend le risque de regarder la vidéo et de déclencher le compte à rebours macabre qui va avec. En mettant l’accent sur la belle relation entre Rachel (Naomi Watts) et son jeune garçon, Gore Verbinski ajoute un enjeu émotionnel supplémentaire à la malédiction meurtrière et technophile du fantôme enragé.
The Children (2008)
Le séjour qui tourne au cauchemar à cause de moutards capricieux et incontrôlables est un classique des vacances (ratées) entre amis qui a visiblement inspiré Tom Shankland. À l’écriture et à la mise en scène du bien nommé The Children, le réalisateur anglais met deux familles face à la terreur primale de devoir se défendre jusqu’à la mort contre ses propres enfants.
Tout commence lors d’un week-end de Noël à la montagne. Alors que les parents investissent un charmant chalet isolé et profitent du décor, les jeunes partent faire un tour. Soudés par un mal étrange qui les a infectés dans les bois, les enfants reviennent auprès des adultes avec l’idée saugrenue de les découper en rondelles. Durs à la détente avant de comprendre qu’il en va de leur vie, les grands ne vont finalement rien s’interdire pour combattre les petits.
Dans cette guerre assassine intergénérationnelle – les moins de dix ans contre le reste du monde – tous les coups sont permis. Tout en restant vague sur la nature d’un virus qui dote, malgré eux, les enfants d’une incroyable inventivité meurtrière pour dessouder leurs parents, Tom Shankland réussit un survival horrifique singulier et malsain qui sort du lot.
Esther (2009)
En passe de devenir une trilogie, voire une franchise, Esther, première du nom, est d’abord un thriller efficace mis en scène par le réalisateur espagnol tout terrain Jaume Collet-Serra. On y trouve un couple meurtri par la perte d’un enfant qui décide d’adopter une fillette étrangement mature. Installée dans sa famille d’adoption, Esther se montre angélique en public et bien plus sombre en privé. Au gré d’une succession d’événements troublants et violents, on découvre qu’elle n’est pas l’innocente enfant qu’elle prétend être…
Voilà un thriller horrifique et domestique sur le thème du foyer menacé par un élément extérieur qui vise juste. Au-delà du profond malaise créé par ce personnage singulier, on s’incline devant la performance d’Isabelle Fuhrman, alors très jeune comédienne qui reprendra le rôle douze ans plus tard dans une suite signée William Brent Bell. L’intrigue et le personnage d’Esther rappellent l’histoire vraie et tragique de l’orpheline ukrainienne Natalia Grace à la base de la mini-série Good American Family, diffusée depuis le 16 avril 2025 sur la plateforme Disney+.
The Boy (2016)
Aimez-vous le compositeur Brahms ? Plus vraiment, après avoir vu The Boy de William Brent Bell (encore lui !), le fameux réalisateur de films où les enfants ont la particularité d’être souvent méchamment possédés. Dans l’ambiance gothique et suggestive d’un somptueux manoir perdu dans la campagne anglaise, une nounou américaine – campée par Lauren Cohan (la Maggie de The Walking Dead) – est engagée par les propriétaires des lieux pour veiller sur une poupée de porcelaine grandeur nature qu’ils traitent comme leur fils.
Après sa stupeur à l’embauche, Greta va vite comprendre que rien ne tourne vraiment rond dans cette maison. Elle est en proie à un grand danger en restant au contact de ses drôles d’employeurs et de cet affreux mannequin appelé Brahms.
Entre les murs d’une immense et angoissante demeure habilement photographiée, la mise en scène joue sur nos peurs irrationnelles des poupées et des enfants maléfiques. Le dénouement sera bien plus déroutant que ceux proposés d’ordinaire par les films de fantômes.
The Innocents (2021)
Plus jeunes que les grands ados de Chronicle, les enfants de The Innocents sont quatre gamins d’une morne cité HLM norvégienne découvrant leurs pouvoirs surnaturels. Livrés à eux-mêmes durant l’été, Ida, 9 ans, sa grande sœur autiste Anna, Ben et Aisha vont jouer à tester les limites de leurs dons télékinésiques et télépathiques jusqu’à ce que le jeu vire au pire des drames…
Scénariste de Joachim Trier, notamment de Julie (en 12 chapitres) et surtout du sombre et énigmatique Thelma – dont il s’est naturellement inspiré pour ce film – Eskil Vogt fait preuve d’une impressionnante maîtrise formelle pour révéler toute la cruauté dont les enfants sont capables.
Par une subtile économie de moyens, et une sobriété parfaitement scandinave, sa mise en scène au cordeau joue sans cesse le malaise. Le tout en distillant l’idée inconfortable que la démission des adultes représente le terreau sur lequel grandissent les salauds de demain. Petit danger deviendra grand, si nous ne sommes pas vigilants…