Entretien

Jean-Paul Rouve pour God Save the Tuche : “Quand on joue les Tuche, on joue comme si on était au théâtre”

05 février 2025
Par Lisa Muratore
La famille Tuche est de retour le 5 février au cinéma. Cette fois-ci, direction l'Angleterre.
La famille Tuche est de retour le 5 février au cinéma. Cette fois-ci, direction l'Angleterre. ©Marine Danaux

La famille la plus drôle du cinéma est de retour ce 5 février. À l’occasion de la sortie de God Save the Tuche, L’Éclaireur a pu rencontrer les interprètes de Jeff et Cathy Tuche en personne, Jean-Paul Rouve et Isabelle Nanty, afin d’évoquer ce nouveau chapitre qui se déroule en Angleterre, au cœur de la royauté.

Comment écrit-on un film Tuche ? Comment s’empare-t-on de cette saga quand on a la double casquette d’acteur et de réalisateur ? 

Jean-Paul Rouve : C’est une écriture qui se déroule à quatre. Il y avait des personnes qui étaient là depuis le début, comme Philippe Mechelen, qui a créé les Tuche. Après, comment écrit-on un film Tuche, véritablement ? On essaie de trouver un sujet en partant du principe que les Tuche, c’est comme le poisson hors de l’eau. Ils ont leur monde et on les place dans un monde qui n’est pas le leur. Au lieu de s’adapter au monde dans lequel ils vont se retrouver, ils vont perturber celui des autres en ne changeant pas.

Jean-Paul Rouve et Isabelle Nanty dans God Save the Tuche. ©Pathé Films – Nolita Cinéma

Quand on cherche, on a souvent plusieurs idées les concernant. On commence avec plusieurs pistes. Puis, on voit les pistes qui sont des impasses ; celles qui ne vont pas jusqu’au bout. Dans God Save the Tuche, en l’occurrence, on savait qu’on allait les confronter à la monarchie, aux codes de la noblesse. On est donc allé en Angleterre, parce que c’est la monarchie qu’on connaît le mieux. Puis, en extrapolant, on s’est rendu compte que la monarchie était intéressante, mais que l’Angleterre aussi était très intéressante par ses codes, sa culture, à la fois proche de nous, mais aussi très éloignée. C’était un bon terrain de jeu pour les Tuche.

Isabelle Nanty, votre personnage se distingue du reste de la famille dans ce volet. C’était un plaisir d’aller dans cette direction avec Cathy Tuche ? 

Isabelle Nanty : Mon personnage est le seul à essayer de bien faire les choses. Elle voit bien que Mamie Suze n’est pas là, que sa fille est déconnectée et que son mari est simplement intéressé par le derby. Cathy aimerait, cette fois-ci, que ça se passe bien, surtout avec la royauté, car c’est une chose tellement ancestrale, qu’elle respecte. C’est comme s’il lui restait un brin de morale et qu’elle voulait que tout le monde fasse un effort.

« Les Tuche mènent une forme de révolution ou de contre-révolution par essence, parce qu’ils n’ont pas vraiment conscience de ce qu’ils produisent comme effet. »

Isabelle Nanty

Le “cette fois-ci” est important, car God Save the Tuche est très centré sur le personnage de Cathy. Le film lui offre une partition plus sensible. Pourquoi un tel choix ? 

J.-P. R. : Ce choix a été conscient dès l’écriture. Ce qu’on aime avec les Tuche, c’est qu’ils sont dans la société, mais ne donnent jamais de leçons. Ils ne sont pas moralisateurs. Mais on voit que la société bouge et on voit que le rôle des femmes change. Chez les jeunes femmes, c’est très clair, et heureusement ! On sent que ça déteint sur leurs mères aussi, qui n’ont pas vécu ça et qui se disent : “Tiens, ça, c’est possible.” Cathy, c’est ce qu’elle fait en disant à Jeff qu’elle peut partir sans lui en Angleterre. C’est quelque chose qu’elle n’aurait pas fait avant. Du coup, ce choix le déstabilise aujourd’hui. J’aimais bien l’idée de développer ça avec ce personnage et de le faire évoluer vers quelque chose de plus féministe.

Isabelle Nanty retrouve le personnage de Cathy Tuche dans God Save the Tuche. ©Pathé Films – Nolita Cinéma

I. N. : Il y a aussi cette idée que les femmes de plus de 50 ans n’ont plus grand-chose à perdre. C’est vrai que la jeunesse a fait bouger beaucoup de choses sur la place de la femme. Pendant un temps, les femmes plus âgées ont regardé ça avec désillusion, sans penser que ça pourrait changer. Puis, finalement, elles se sont dit qu’elles allaient s’y mettre aussi. C’est une vraie révolution à travers laquelle les femmes entendent obtenir une certaine forme de respect. Cathy compte faire de même. Les Tuche mènent une forme de révolution ou de contre-révolution par essence, parce qu’ils n’ont pas vraiment conscience de ce qu’ils produisent comme effet. Ils vivent dans l’instant présent, même dans l’hyper présent. Ils n’ont pas de projet ni de revendications, mais ça passe à travers eux ! 

Ce film est encore plus absurde que les précédents, du fait de votre lien, Jean-Paul, avec les Robins des Bois. Comment arrive-t-on à pousser l’absurde encore plus loin ?  

J.-P. R. : C’est vraiment de cela qu’il est question : comment rendre les Tuche encore plus absurdes ? C’est quelque chose qu’on a en commun avec les auteurs et avec Olivier Baroux, qui a réalisé les précédents films. Cet aspect-là s’est fait par étape, mais de manière consciente et inconsciente. C’est un mélange des deux : c’est-à-dire qu’il y en avait à l’écriture, puis on a ajouté des choses au tournage. Il y a aussi des improvisations durant le tournage, voire des plans improvisés… Par exemple, l’interlude des fleurs a été trouvé au tournage. 

Bande-annonce de God Save the Tuche.

La caméra était posée sur la table sur laquelle il y avait le retour du bouquet de fleurs. Je me suis dit que c’était super beau et que j’allais le filmer pendant deux minutes, car ça me faisait rire de marquer une pause et d’en faire un interlude promotionnel. J’ai trouvé plein de conneries pendant le tournage, comme le panneau qui rentre dans le champ aussi, puis j’ai commencé à les insérer au montage. Cependant, si avec un sketch tu peux faire ce que tu veux, au cinéma, il faut faire attention. Si tu sors des choses, c’est difficile d’y revenir ensuite. Comme je voyais que ça marchait, j’en ai rajouté, j’ai mis tout ce que j’avais. J’ai encore des idées aujourd’hui, d’ailleurs, je pourrais encore tourner plein de choses ! Ce film est particulièrement absurde et je suis content que les gens rient à ce genre de choses. On fait un sketch de 10 minutes sur une clé qui n’existe pas, quand même…

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Les Tuche sont comme une troupe de théâtre que l’on suit depuis de longues années. Jean-Paul, vous jouez également votre seul-en-scène L’air de rien. En quoi l’art de la scène vous a-t-il aidé sur ce nouveau film ? 

J.-P. R. : Ça vient de nous, et j’inclus Isabelle puisqu’elle a fait la pièce des Robins des Bois avec nous. On vient de la scène, au départ, on faisait du théâtre. Après, on a fait de la télévision, mais quand on faisait les Robins des Bois, c’était du théâtre. On avait un rideau rouge, on jouait en direct, on n’avait pas de prompteur… On a toujours fonctionné comme ça et je continue. Quand on joue les Robins des Bois comme les Tuche, tout le monde joue comme si on était au théâtre. On joue tous, en même temps, même si la caméra ne nous filme pas. 

Les Tuche dans God Save the Tuche. ©Marine Danaux

I. N. : On est obligés, parce qu’une certaine énergie vient naturellement de cette famille. En tant qu’acteurs, on ne peut pas être en dessous. Même quand c’est un plan sur quelqu’un d’autre, on rejoue la scène. On joue toujours à fond, toujours ensemble, comme une vraie famille.

God Save the Tuche, de et avec Jean-Paul Rouve, Isabelle Nanty, Pierre Lottin, Sarah Stern, Théo Fernandez et Claire Nadeau, 1h35, le 5 février au cinéma.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste