Critique

I Inside the Old Year Dying : PJ Harvey réveille ses fantômes et atteint la sagesse

07 juillet 2023
Par Benoît Gaboriaud
PJ Harvey sort son nouvel album ce vendredi 7 juillet.
PJ Harvey sort son nouvel album ce vendredi 7 juillet. ©Steve Gullick

Après sept ans d’absence, PJ Harvey est de retour avec l’album, I Inside the Old Year Dying, une pépite musicale tendre et nostalgique à découvrir dès ce vendredi 7 juillet.

Héritière de Patti Smith et grande prêtresse du rock indé des années 1990, PJ Harvey s’est adoucie au fil des années 2000, mais n’a rien perdu de son aura. Dans ses disques, sa rage fiévreuse a laissé la place à une sobriété et une grâce détonnante. Avec I Inside the Old Year Dying, son dixième album, la star rompt un silence long de sept ans et démontre qu’elle compte parmi les artistes les plus passionnants de sa génération, à l’instar de Björk.

Un havre de paix dans une époque violente

Portishead, Massive Attack, Garbage, Beck, Placebo… Les années 1990 ont vu débarquer un grand nombre de pionniers trip hop et de post-rockeurs qui ont su moderniser et renouveler la pop dans son ensemble. Leurs œuvres de cette époque continuent d’inspirer les nouvelles générations, mais certains d’entre eux peinent à convaincre avec leurs dernières productions.

PJ Harvey résiste et, d’album en album, s’émancipe de son image de rockeuse hargneuse tout en dévoilant de nouveaux horizons fascinants. Révélée dans les années 1990 grâce à deux albums fondateurs et singuliers, Dry (1992) et To Bring You My Love (1995), la Britannique originaire de Bridport atteint désormais la sagesse dans A Child’s Question, July, un excellent cru !

PJ Harvey – I Inside the Old I Dying.

En 2007, Polly Jean Harvey avait surpris la scène rock en dévoilant le très épuré White Chalk, qui marquait la fin d’une carrière électrique. Faisant table rase du passé, ces toutes dernières chansons ont été conçues comme « un espace de repos » dans une époque tendue. PJ Harvey calme le jeu et apporte donc un peu de douceur, à sa manière évidemment.

PJ Harvey. ©Steve Gullick

Si ces deux précédents albums se faisaient l’écho du monde dans sa globalité, avec ses guerres et ses politiques contestables, celui-ci se veut davantage introspectif. De ce fait, il a été enregistré de manière improvisée, porté par l’inspiration du moment, celle d’un génie. Dépourvue de réverbérations, il s’en dégage une rare authenticité, un sentiment d’immédiateté et une chaleur humaine de proximité réconfortante.

Une période de doute

Sublime, ce dixième album a pourtant failli ne pas voir le jour. Après sa dernière tournée en 2017, PJ Harvey, en proie au doute, ne se projetait plus dans l’univers de la musique et comptait en rester là. Heureusement, le poète Don Paterson a ravivé la flamme en elle. Inspirée par l’artiste écossais et le Dorset, sa région natale où elle vit encore, elle a, dans un premier temps, écrit Orlam (2022) : un conte fantastique rédigé en partie dans un ancien dialecte rural et agrémenté de ses propres dessins.

PJ Harvey – A Child’s Question, August.

Onirique et inquiétant, l’ouvrage est devenu la source d’inspiration de ces 12 nouvelles chansons atmosphériques ancrées dans ses terres et son passé. Son précédent recueil, The Hollow of the Hand s’était lui aussi en partie transformé en album : The Hope Six Demolition Project (2016). L’exercice lui sied à merveille ! À l’époque, cet opus teinté de gospel s’était hissé en tête des charts outre-Manche, une première dans sa carrière pourtant iconique. Avec I Inside the Old Year Dying, l’autrice-compositrice et multi-instrumentiste devrait renouveler l’exploit sans problème.

L’heure des retrouvailles

Valeur sûre ! Ce nouvel album marque les retrouvailles entre la musicienne et ses collaborateurs de longue date, John Parish et Flood, qui ont produit et mixé le disque. Sur une poignée de titres, la patte de John Parish est vite identifiable et crée un pont vers le passé fougueux de l’artiste décomplexée qui laisse ici s’épanouir totalement sa voix dans les aigus. Dès le titre d’ouverture Prayer at the Gate, ce lacher-prise vocal lui confère un côté angélique troublant.

Parsemé d’images bibliques et de références à Shakespeare, le disque, certes teinté de perte et de tristesse, est chargé d’amour, le grand. Y résonnent d’ailleurs les mots et la célèbre mélodie « Love Me Tender. Tender Love » dans l’orageux August : un bouleversant hommage à Elvis Presley.

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La voix grave de l’acteur Ben Whishaw s’y mêle en parfaite osmose à celle de Polly Jean, comme dans A Child’s Question, August. Un autre acteur figure au casting : Colin Morgan. Le Britannique joue les parfaits choristes dans I Inside the Old I Dying et agrémente aussi de son flow percutant A Child’s Question, July. Ces quatre chansons comptent parmi les plus touchantes de cet ultime disque, résolument personnel et étrange, imaginé autour « d’une personne, d’un bois et d’un village ».

Difficile d’en saisir le propos, mais peu importe ! Alliant riffs de guitares, bêlements de chèvres, chants folkloriques, envolées lyriques, rafales de larsen, trombones… l’atmosphère d’I Inside the Old Year Dying est palpable et totalement enivrante.

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