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Test de Vampyr : La mort en sursis

06 juin 2018
Par Valérie Précigout (Romendil)
Test de Vampyr : La mort en sursis

En résumé

Partagé entre un certain nombre d’idées redoutables d’efficacité et d’autres qui manquent cruellement de finition, Vampyr est un titre délicat à évaluer. Si le potentiel sympathie qu’il dégage ne nous fait regretter à aucun moment le temps passé en sa compagnie, ses lacunes entachent parfois lourdement l’expérience de jeu. Mais en parvenant à faire de notre partie le parfait miroir de nos actes, avec des choix qu’il convient d’assumer jusqu’au bout, Vampyr réalise tout de même une bien belle prouesse.

Note technique

Les plus et les moins

Les plus
  • Une aventure bâtie de choix moraux intégrés de manière parfaitement logique
  • Une forte densité narrative qui donne de la substance à tous les NPC
  • L'ambiance sonore réellement immersive
  • Large personnalisation des compétences vampiriques
  • Une partie qui devient très vite le reflet de notre manière de jouer
  • Toutes les mécaniques en lien avec notre nature de vampire
  • Une difficulté qui dépend du nombre de sacrifices que l'on est prêt à assumer
  • Plusieurs conclusions différentes pouvant justifier une nouvelle partie
Les moins
  • Des limitations techniques évidentes qui gâchent un peu l'immersion
  • On pouvait espérer davantage de surprises dans le fil rouge narratif
  • Des scènes d'action qui passent trop brutalement d'un extrême à l'autre
  • Le manque de précision de la carte de Londres et l'absence de mini-map
  • L'affichage des sous-titres, trop mal découpé pour permettre une lecture rapide
  • La sauvegarde unique qui oblige à tout recommencer pour tester différentes approches

Notre test détaillé

Avec des titres aussi hétéroclites que Remember Me, Life is Strange et maintenant Vampyr, le studio français Dontnod appuie sa volonté de surprendre en renouvelant constamment ses inspirations. À l’origine de réelles attentes de la part du public, leur dernier action-RPG n’est peut-être pas aussi immaculé qu’attendu, mais il fourmille de bonnes intentions qui mériteraient de voir le studio peaufiner davantage sa formule.
(Ce test a été réalisé sur PlayStation 4.)

Déjà paralysée par les ravages de la grippe espagnole de 1918, la ville de Londres est le théâtre de phénomènes morbides ne laissant quasiment aucun doute sur l’existence de prédateurs suceurs de sang terrés dans la pénombre. Se raccrochant au peu d’humanité qu’il lui reste, le chirurgien Jonathan Reid sait qu’il doit dissimuler à tout prix sa nature de vampire s’il veut sauver la capitale et percer à jour l’origine du mal. Déchiré entre son profil d’homme de science et de créature de la nuit en proie à une soif de sang permanente et incontrôlable, l’homme abrite un conflit intérieur dévorant qui risque de se solder par l’anéantissement pur et simple de tous ceux qui l’entourent.

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Ange et démon

À l’évidence, les créateurs de Vampyr se sont efforcés d’huiler au maximum cette dualité singulière qui définit la nature du personnage principal, afin que le joueur comprenne immédiatement qu’il devra assumer jusqu’au bout les conséquences de ses actes. Que Jonathan devienne un bon samaritain ou le pire fléau de Londres dépend en effet entièrement de notre façon de jouer, le titre autorisant bel et bien les deux approches tout en appelant à un compromis plus ou moins prononcé d’un côté ou de l’autre. Il n’y a en réalité pas de bon ni de mauvais choix, mais il faut garder à l’esprit que la façon dont chaque joueur décidera de surmonter les difficultés laissera une marque indélébile sur le reste de son histoire. Ainsi, plutôt que de déployer un certain nombre de niveaux de difficulté accessibles au lancement de la partie, Vampyr opte pour une démarche innovante en laissant l’équilibrage s’ajuster en fonction de manière d’appréhender le titre.

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Par exemple, un joueur qui se refuserait à mordre qui que ce soit, résolu à épargner tout le monde en soignant les malades pour éviter la propagation des maladies, sera confronté à un challenge autrement plus élevé que celui qui choisirait de basculer sans compromis dans les ténèbres. Il est heureusement possible d’influer à tout moment sur cet équilibrage en utilisant notre entourage comme source d’expérience destinée à développer significativement nos capacités de vampire. C’est une chose de vouloir se montrer irréprochable et généreux, c’en est une autre de résister à l’envie de succomber à la soif de sang lorsque notre propre survie est compromise…

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Leur vie contre la vôtre

Sur ce point-là, les créateurs de Vampyr ont trouvé un schéma de progression idéalement adapté à la psychologie torturée de notre protagoniste. Si l’on vient d’abord en aide aux autres dans le but de mieux les comprendre et de les aider, le fait que chacun des soixante personnages non-joueurs (NPC) représente un quota de points d’expérience susceptible de gonfler à mesure que l’on en apprend plus à leur sujet décuple peu à peu notre envie de les sacrifier. Bien qu’il existe certaines conditions restrictives, il est théoriquement possible de mordre n’importe qui pour assouvir nos pulsions. Une fois sous notre emprise, la victime ne peut échapper au pouvoir d’attraction qui la conduit à l’endroit de sa délivrance, où elle subit une étreinte fatale. L’expérience, les souvenirs et même les possessions du défunt se transmettent alors à Jonathan qui doit, à l’inverse, assumer ses actes meurtriers en s’attendant à ce que le quartier bascule progressivement dans le chaos. Il n’est pas rare de voir la situation nous échapper complètement au lever du jour, alors que l’on vient d’assassiner de pauvres malheureux triés sur le volet, lorsque l’on réalise que l’insalubrité du quartier a causé bien d’autres dommages collatéraux imprévus !

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Receveur universel

Afin que cette formule fonctionne, le titre se distingue par une très forte densité narrative destinée à conférer un maximum d’épaisseur à chacun des intervenants. Tous les individus croisés ont une histoire à raconter ou à dissimuler, découverte à force de discussions et d’espionnages. Bien que l’affichage très mal découpé du sous-titrage français nuise à une lecture rapide des dialogues doublés en anglais, cet aspect constitue clairement un argument majeur du titre. La nécessité d’approfondir la connaissance du profil de chaque interlocuteur est en effet directement liée aux quêtes que ceux-ci peuvent nous proposer, ou à la qualité de leur sang susceptible d’éponger notre soif, à plus ou moins long terme. Plutôt réussie, l’immersion est renforcée par une ambiance sonore impeccable, mais desservie par des faiblesses techniques évidentes.

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Vampire Killer

Le principal motif de déception réside finalement dans le déroulement des phases d’action qui n’est pas à la hauteur du reste du jeu. Confronté à des présences nocturnes inquiétantes et à des chasseurs de vampires lourdement armés, Jonathan ne peut arpenter les rues de Londres sans être constamment obligé de se défendre. Il faut alors combiner les aptitudes vampiriques du personnage et ses capacités au corps-à-corps pour s’en sortir, ce qui implique de confectionner notre équipement en amont afin de l’améliorer et de répartir nos points d’expérience dans l’arbre de compétences. Soumis à trois jauges bien distinctes (la vie, l’endurance et le sang), notre protagoniste se montre assez délicat à contrôler, les notions de timing et de placement étant essentielles, tout comme la lecture des vulnérabilités de nos cibles.

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Sans être véritablement techniques, les affrontements apparaissent tout de même exigeants dans le sens où l’on peut mourir rapidement, surtout lorsque l’on tombe dans des traquenards où les ennemis nous cernent avec des lance-flammes à la portée délirante. Si les talents choisis définissent l’orientation des combats, ces derniers deviennent hélas vite redondants et peinent à convaincre, leur fréquence élevée mettant d’autant plus en évidence leurs défauts. Passant trop brutalement d’un extrême à l’autre, les scènes d’action sont toutefois le seul endroit où nos morsures ne sont pas comptabilisées comme des étreintes et restent donc sans conséquence. En effet, une partie jouée en alignement « bon » passe elle aussi nécessairement par d’innombrables confrontations.

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On ne vit qu’une fois

Allant de 15 à 30 heures de jeu selon notre façon de jouer et le temps passé à sillonner les différents quartiers londoniens afin de compléter les objectifs secondaires, l’aventure reste confinée dans un territoire assez étroit dans lequel on se perd pourtant facilement. L’absence de mini-map et le manque de précision de la carte des lieux sont des sources de nombreuses errances, et même nos sens vampiriques ne suffisent pas toujours à localiser les NPC les plus éloignés. Nous étions également en droit d’espérer davantage de surprises dans le fil rouge narratif, et même si le jeu comporte plusieurs fins distinctes, la sauvegarde unique et automatique oblige à tout recommencer du début pour tester des choix différents. Pas sûr que la majorité des joueurs sera prête à s’investir autant pour pouvoir balayer l’ensemble des possibilités offertes par le titre.

Conclusion

Partagé entre un certain nombre d’idées redoutables d’efficacité et d’autres qui manquent cruellement de finition, Vampyr est un titre délicat à évaluer. Si le potentiel sympathie qu’il dégage ne nous fait regretter à aucun moment le temps passé en sa compagnie, ses lacunes entachent parfois lourdement l’expérience de jeu. Mais en parvenant à faire de notre partie le parfait miroir de nos actes, avec des choix qu’il convient d’assumer jusqu’au bout, Vampyr réalise tout de même une bien belle prouesse.

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