À travers son nouveau roman, Une fille comme elle, Marc Levy nous invite à visiter New York, où il vit. L’immeuble de la Cinquième avenue où se déroule son intrigue abrite des personnages plus savoureux les uns que les autres… De passage en France, l’auteur est venu faire un tour à la Fnac et en a profité pour partager avec nous ses coups de cœur littéraires, cinématographiques et musicaux.
Quelques mots sur votre nouveau roman ?
Marc Levy : « Une fille comme elle, c’est un roman qui se situe à New York, plus précisément autour de la vie d’un immeuble sur la Cinquième avenue. Quand j’étais enfant, j’avais un vrai rêve de gosse que j’ai entretenu toute ma vie, qui était de marcher dans les rues et de regarder les façades des immeubles, en imaginant les vies qui se déroulaient à l’intérieur. En devenant écrivain j’ai pu réaliser ce rêve, pousser la porte cochère d’un immeuble, entrer et épier tous les voisins. En fait, j’avais envie d’écrire un livre sur la diversité, sur cette différence qui nous rend à la fois très fier et en même temps parfois très seul, qui nous singularise et qui parfois nous éloigne tellement d’une société qui veut tout normaliser.
C’est une comédie bourrée de quiproquo, dans laquelle un jeune et très riche entrepreneur héritier d’un palace à Bombay se retrouve accidentellement liftier de nuit dans un immeuble bourgeois de la Cinquième avenue. Il pourrait racheter l’immeuble, les appartements, voire le trottoir dehors, mais comme il est dans un costume de liftier, les propriétaires de cet immeuble le regardent avec une certaine condescendance. C’est aussi l’histoire d’un professeur d’économie à l’université de New York qui vit au dernier étage de cet immeuble cossu mais qui est fauché ; de sa fille qui se déplace en fauteuil roulant mais qui a décidé qu’elle serait une femme à part entière ; d’un vieil Indien qui est arrivé aux États-Unis il y a quarante ans parce qu’il lui était interdit dans son pays d’aimer la femme de sa vie qui n’appartenait pas à la même caste que lui ; d’un couple de Français assez libertins et d’un couple d’Américains puritains ; en bref l’histoire de toute une communauté, un peu dans la tradition des romans d’Armistead Maupin, qui a beaucoup marqué ma vie d’écrivain.
Tous ces gens se trouvent d’un coup confrontés à une situation un peu extraordinaire parce qu’ils habitent dans un immeuble rarissime à New York, l’un des 53 derniers immeubles où se trouve un ascenseur entièrement manuel, que les occupants ne peuvent pas faire fonctionner sans la présence d’un liftier. Et lorsque ce dernier tombe dans les escaliers, la vie de cette petite communauté est chamboulée. Je vous mets en garde : il n’y a pas de meurtre, de crime, de sang ou de viol : rien de sordide, mais j’y ai mis en revanche tout ce que j’ai pu apprendre des merveilles de la diversité – des gens, des pensées, des êtres, après avoir parcouru quelques centaines de milliers de kilomètres en quelques années de vie. J’espère qu’il vous plaira et surtout que vous garderez les personnages en vous une fois que vous aurez terminé le roman. »
Un coup de cœur littéraire récent ?
« La meilleure façon de marcher est celle du flamand rose, de Diane Ducret. J’ai toujours eu une grande admiration pour les gens ordinaires qui ont eu un parcours extraordinaire, pour les superhéros qui vivent dans la peau de quelqu’un de normal. J’ai pris une grande claque en lisant ce livre : je pensais entrer dans une comédie tendre et drôle, et j’ai découvert un parcours de vie, un destin, une résilience, une plume. À la fin du livre, j’avais envie de silence parce que j’étais ému, et j’ai en même temps été pris d’une bouffée de joie de vivre. J’ai aimé la plume de l’auteure, j’ai aimé son histoire qui est une histoire personnelle, et j’ai été profondément touché. C’est un livre que je n’ai pas pu lâcher et qui ne m’a pas lâché une fois terminé. C’est d’ailleurs une des qualités des romans que j’aime : ce sont des romans dont, plusieurs mois après les avoir lus, le ou les personnages sont restés des amis. Voici donc une lecture que je vous recommande vivement. »
Le livre qui vous a donné envie d’écrire ?
« Un livre qui fait partie des intemporels de ma bibliothèque : Soie, d’Alessandro Baricco. C’est un tout petit livre mais c’est un très grand livre, et c’est l’un des plus beaux voyages que j’ai faits dans ma vie en littérature. Inutile de vous faire le pitch, c’est un homme qui, pour sauver sa famille, va partir sur la route de la soie pour aller chercher des vers à soie. Cet homme s’éloigne par amour des siens et en même temps témoigne de cet amour. C’est aussi la plume d’un écrivain qui est l’auteur d’un autre livre, Mr Gwyn, l’un des plus beaux à mon sens qui parle de l’écriture et qui fait partager ce qu’est le métier d’écrivain, la vérité sur ce métier et non pas toutes les âneries qu’on peut lire dessus. Si vous avez envie de savoir ce qu’est vraiment l’écriture du point de vue de l’émotion et non pas à travers tous les clichés qu’on en fait, c’est un autre grand livre que je vous recommande. »
Un film ou une série coup de cœur ?
« Il y a bien des séries dont on pourrait parler parce qu’il est évident que la qualité des séries ne cesse de s’améliorer et qu’on trouve aujourd’hui des séries absolument remarquables. Il y en a une qui me tient à cœur, c’est La servante écarlate. C’est avant tout un très grand roman d’une très grande écrivaine, Margaret Atwood. La série a une résonnance très particulière, notamment avec l’évolution de la vie politique américaine aujourd’hui, et d’une certaine manière avec la montée du populisme dans certains pays, comme ce qui vient de se passer en Italie ou dans certains pays d’Europe centrale. La série raconte la vie d’une société démocratique, en fait, les États-Unis, où des ultra-conservateurs populistes ont pris le pouvoir et se sont servis de la religion pour installer une dictature, où, comme dans toutes les dictatures, une nomenklatura vit avec tous les privilèges tandis que la population vit totalement asservie.
C’est une série qui, sous couvert de fiction, dépeint les risques d’une dérive de la société qui ne nous sont pas totalement étrangers. Elle vous fera passer un moment d’effroi et, en même temps, ne vous laissera indifférent et vous fera vous poser plein de questions sur la vie politique et sur la responsabilité qu’on a tous de ne jamais renoncer à une certaine forme d’engagement. Il n’y a pas un temps mort, et l’actrice, que vous aviez peut-être déjà vue dans Top of the lake, est extraordinaire, tous les acteurs d’ailleurs sont justes. Ce qui se passe à l’intérieur de cette série est si proche de ce qui se passe actuellement aux États-Unis que cela vaut vraiment le coup de la voir avant qu’il ne soit trop tard. La saison 2 est en train d’être diffusée ; pour tout public, à partir de 15-16 ans ! »
Votre album préféré ?
« Les Greatest Hits I, II & III de Queen. C’est un intemporel de ma discothèque. La voix de Freddie Mercury est incontournable, inimitable et unique. La musique de Queen m’a toujours donné de l’énergie, de l’envie – vous pouvez la passer dans les moments de doute : vous en sortirez en ayant envie d’avaler le monde. Bohemian Rhapsody, c’était mon morceau rebelle et ça l’est toujours (les goûts musicaux ne vieillissent pas !). C’est une musique qui vous prend au cœur, et vous soulève la poitrine. Freddie Mercury est pour moi une icône : sa vie, son combat, son affirmation, son courage, et ce sourire avec ces dents partout. C’était un homme que je n’ai jamais connu mais que j’aimais profondément. À chaque fois que je vois une rediffusion d’une apparition de Freddie Mercury sur scène, je suis absolument bouleversé. Il y avait aussi le rapport qu’il avait avec son père… Je suis un fan, vous l’avez compris ! En plus, la particularité avec Queen, c’est que toutes leurs chansons sont des tubes, donc c’est presque un pléonasme de faire un album des plus grands tubes ! »
La musique que vous écoutez en ce moment ?
« Une chanteuse dont la voix me touche énormément : Juliette Armanet. C’est une voix à la fois cristalline et profonde ; j’aime ses paroles, sa musique. J’ai énormément aimé la chanson L’amour en solitaire. Là aussi, c’est une chanson très précieuse et très particulière parce qu’elle est à la fois pleine de mélancolie et en même temps pleine de joie de vivre. Et pourtant la chanson s’appelle « L’amour en solitaire » ! Juliette Armanet appartient à cette catégorie d’artistes dont la voix est immédiatement identifiable, vous êtes accroché à la première note. Je pense qu’elle fera une très grande carrière. Son album m’a beaucoup touché et je l’ai beaucoup écouté en écrivant, en particulier cette chanson-là : c’est une de ces chansons qui m’a permis de descendre en apnée dans mon roman et de tisser un lien entre l’héroïne du livre et ma plume. À travers la voix de Juliette Armanet, j’entrais dans la peau de mon personnage… C’est pour cela que cette chanson me tient au cœur et au corps. »
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Parution le 18 mai 2018 – 384 pages
Une fille comme elle, Marc Levy (Robert Laffont) sur Fnac.com
Une fille comme elle est également disponible au format audio, lu par l’auteur ! À retrouver sur Kobo.com.