Entretien

“La fantasy est le triomphe de la magie face à la raison de la science”

05 avril 2022
Par Alexandre Manceau
Le jeune auteur traite dans ses récits fantastiques des thèmes tels que l’écologie ou la transmission intergénérationnelle.
Le jeune auteur traite dans ses récits fantastiques des thèmes tels que l’écologie ou la transmission intergénérationnelle. ©JLebourg

Rencontre avec Joffrey Lebourg, jeune auteur d’heroic fantasy qui vient de publier le premier tome des Sept reliques.

Imaginer un univers tout entier est une tâche aussi prenante que risquée. Malgré son jeune âge, Joffrey Lebourg commence à avoir une certaine expérience dans le domaine. Après la saga Les Chroniques des Gardiens, ce passionné de fantastique, d’imaginaire et de magie s’est récemment lancé dans une nouvelle aventure : Les Sept Reliques.

Comment décririez-vous votre saga Les Sept reliques ?

Jusqu’à présent, je m’étais plutôt attelé à du fantastique, mais, là, la série tend plus vers le jeu de rôle, avec des aspects tirés de la culture populaire. Tout en m’inspirant de classiques, j’ai essayé d’apporter ma part d’originalité. Côté intrigue, Les Sept Reliques se déroule en Alkymia, un monde médiéval que j’ai entièrement inventé et cartographié. Au début du roman, il est notamment possible de trouver une carte du continent qui occupe le premier volume. Lorsque nous le découvrons, c’est un monde qui est en paix, mais cela ne peut évidemment pas durer. La faute à un prince-démon qui est enfermé depuis 3 000 ans et qui a envie de s’échapper… Pour l’arrêter, les espoirs reposent sur Cordélia, élue d’une prophétie. Le problème, c’est qu’elle n’a pas du tout envie de se lancer là-dedans ! Elle ne se sent pas prête et c’est même à contrecœur qu’elle va accepter d’y aller. Elle va tout de même entamer une vaste quête qui s’étalera sur sept tomes, chaque relique étant au cœur d’un ouvrage. Son périple nous permettra de découvrir les différentes civilisations, humaines ou non, qui vivent en Alkymia, et des quêtes secondaires.

Comment est née cette aventure ? Quelles ont été vos inspirations ?

C’est difficile à dire… Tout cela vient d’un assemblage de petits bouts que je ne serais même pas capable de citer en entier ! Mais le déclic qui a permis de rassembler toutes les pièces de puzzle, c’est un rêve. Il s’agissait d’une scène assez surréaliste, mais il y avait un personnage qui m’a marqué, au point de me dire “Il faut que je l’insère dans mon histoire”. Je pensais en faire mon héros, mais j’ai finalement choisi une jeune fille. Ce fameux personnage a perdu sa fonction d’origine, mais l’idée, l’impulsion a vraiment été lancée grâce à lui. À côté, je me suis inspiré d’éléments classiques, tels que les jeux de rôle, Tolkien ou encore The Legend of Zelda. C’est classique en soi, mais j’ai essayé de mettre ma griffe, avec des choses qui cassent un peu les codes et des personnages qui ne sont pas stéréotypés.

« J’écris avant tout pour moi, pour me faire plaisir et partager mes récits avec mon public. Tant que je peux continuer à rencontrer les gens et échanger avec eux, ça me suffit amplement. »

Joffrey Lebourg

Avant Les Sept Reliques, vous étiez connus pour votre saga Les Chroniques des Gardiens, un univers que vous avez commencé à imaginer très jeune.

La saga des Chroniques des Gardiens était différente, puisque l’on se rapprochait plus de l’univers Harry Potter que de celui de Tolkien. Elle mettait en scène des magiciens avec des pouvoirs qui ont une mission : maintenir l’équilibre entre la lumière et les ténèbres. Une thématique que l’on retrouve assez souvent dans mes livres, mais qui est ici très présente, tout comme celle du voyage, de la rencontre d’autres formes de pensée et de la transmission intergénérationnelle. 

Certains vous considèrent comme le nouveau Tolkien français de l’heroic fantasy. Est-ce pour vous une source de motivation ou de pression ?

Je ne me considère pas comme le nouveau Tolkien et il y a peut-être beaucoup d’auteurs dont on pourrait dire ça ! Honnêtement, ça ne m’affecte pas, ça ne me met pas de pression. Évidemment, j’aimerais un jour arriver au niveau de Tolkien (dont les secrets continuent de fleurir), mais ce n’est pas ma principale motivation. Comme tout bon auteur, j’écris avant tout pour moi, pour me faire plaisir et partager mes récits avec mon public. Tant que je peux continuer à rencontrer les gens et échanger avec eux, ça me suffit amplement.

On a parfois tendance à confondre science-fiction ou fantastique et heroic fantasy. Qu’en est-il ?

Il y a une énorme différence entre la science-fiction et le reste puisque, comme son nom l’indique, c’est avant tout de la science. On part de faits rationnels et l’on met en scène des robots ou l’espace, en partant toujours d’un principe scientifique. De leur côté, la fantasy et le fantastique sont soit contemporains, soit volontairement dans le passé, avec une certaine appétence pour l’époque médiévale. Mais, surtout, c’est le triomphe de la magie sur la raison de la science.

« Mes personnages ont besoin d’aller voir du pays et souvent des paysages un peu extrêmes : jungles, volcans, hautes montagnes… Autant de décors qui permettent de voyager et même de s’évader par l’esprit. »

Joffrey Lebourg

Quelle est la principale difficulté dans la création d’un univers d’heroic fantasy ?

Savoir s’arrêter, je pense ! Ce qui était mon problème, notamment avec une héroïne et un monde qui n’arrêtent pas de s’étoffer. Il m’arrive de voir ou de lire des choses qui n’ont rien à voir et de me dire : “Tiens, et si j’introduisais ce paysage, ce métier ?” Si je commence à raconter tout ce qui me passe par la tête, on se retrouve à la fin avec d’énormes pavés et ce n’est pas ce que je cherche.

La plupart des auteurs ont des thèmes de prédilection. Quels sont ceux que vous chérissez lorsque vous concevez une nouvelle histoire ?

Comme je l’ai mentionné plus tôt, on retrouve souvent la notion du voyage. Il y en a qui le font très bien, mais je n’arrive pas à rester coincé sur un espace réduit. Mes personnages ont besoin d’aller voir du pays et souvent des paysages un peu extrêmes : jungles, volcans, hautes montagnes… Autant de décors qui permettent de voyager et même de s’évader par l’esprit. Il y a également cette envie de transmission, avec des personnages savants qui vont aider les autres à s’améliorer par l’apprentissage. Des échanges qui permettent aussi d’aborder différents sujets comme l’égalité des genres, la politique, l’écologie ou des notions d’équilibre.

La couverture du premier tome des Sept Reliques.

L’heroic fantasy a longtemps été vue comme un genre réservé à une communauté de fans, avec certains clichés. Aujourd’hui, de plus en plus d’adaptations d’œuvres de ce genre voient le jour. Comment expliquez-vous cette forte popularité ?

Je pense que les adaptations permettent aux personnes qui ne sont pas habituées à ces univers d’y entrer. De plus, il y a une modernisation du genre, puisque l’heroic fantasy a commencé avec Conan le Barbare et l’on ne peut pas dire que ce soit un personnage franchement porté sur la réflexion. Le fait d’assister à l’arrivée de plusieurs genres et sous-genres permet aux curieux de mieux s’y retrouver, tout comme le fait de pouvoir déroger aux standards. Il faut que les gens continuent à inventer des choses différentes de ces standards pour que l’on puisse élargir les horizons du fantastique.

L’auteur du Seigneur des Anneaux reste-t-il une grande source d’inspiration pour tout auteur d’heroic fantasy ?

Bien entendu, son travail et son œuvre sont marquants et quiconque veut créer une langue se doit d’adopter la “méthode tolkienne”. Il en a inventé une bonne trentaine, dont une douzaine assez complexes. Bien qu’il ait été linguiste, ce n’est pas donné à tout le monde. Ce qui est sûr, c’est qu’il a été le premier à œuvrer sur ce genre-là, à le démocratiser. Fatalement, même si l’on n’a pas lu ou vu les films adaptés des œuvres de Tolkien (en attendant la série prévue sur Amazon), on a forcément entendu parler de lui. Le fait qu’il ait été le premier à imaginer ces mondes fantastiques a sans doute participé à ce que des gens en inventent d’autres et osent en parler.

La suite des Sept Reliques fait-elle partie de vos projets en cours, ou y a-t-il d’autres univers que vous imaginez actuellement ?

Bien entendu, la suite des Sept Reliques fait partie de mes principaux projets. J’ai d’autres idées, mais, pour l’instant, elles ne sont qu’à l’état de brouillon. Il s’agit surtout d’éléments qui ne pourront pas être dans les Sept Reliques et qui viendront nourrir un autre récit. Si tout se passe bien, le tome 2 devrait sortir en août ou septembre et le troisième vraisemblablement en 2023.

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Article rédigé par
Alexandre Manceau
Alexandre Manceau
Journaliste