C’est à Paris, dans les années 1920, que Simone Rachel Kahn croise la route d’André Breton – qui est alors un jeune artiste, déjà exalté mais encore à la recherche de sa véritable voix. Nous avons rencontré Léa Chauvel-Lévy, l’autrice du superbe roman historique Simone (Éditions de l’Observatoire, 2021) qui raconte l’amour passionné entre Simone et André Breton.
1 Pourquoi avoir choisi le personnage historique de Simone pour bâtir votre premier roman ?
Je crois que j’avais peur d’écrire sans garde-fou, j’avais la crainte de ne pas réussir à un écrire un texte ex-nihilo. Je m’explique. Cela faisait longtemps que j’avais l’envie d’écrire. J’étais journaliste et j’ai toujours écrit mais je voulais écrire, inconsciemment, un roman. Et puis, un jour, lors d’un déjeuner avec un ami galeriste, le sujet me tombe dessus ! Simone Rachel Kahn, sa grand-mère était une galeriste notoire dans le Paris des années 50, elle avait connu tous les Dadas et les surréalistes, elle était l’amie de Picabia et Max Ernst et avait acheté des Picasso pour quelques bouchées de pain. Et puis elle fut la femme d’André Breton, la première… J’ai tout de suite demandé à mon ami si je pouvais écrire son histoire et je me suis lancée. Le lendemain je me suis rendue chez la fille de Simone, qui existe encore et qui m’a montré des photographies de Simone et puis je me suis précipitée à la bibliothèque et en librairie pour me documenter sur elle, ce phare dans la modernité, cette figure féminine passée sous silence.
2 Quel défi représentait la mise en récit d’un amour entre deux personnages qui ont réellement existé ?
Simone Kahn et André Breton ont existé, il est vrai, c’est indéniable, mais je voulais sortir de la vérité et mettre en place comme dit Duras, « le mentir vrai ». Mon texte est donc une tentative de me libérer de la vérité et une promesse faite au lecteur, « vous trouverez du vrai, mais vous verrez mon imaginaire et l’idée que je me fais de ces deux amants là ». Je les fais s’aimer, s’abandonner, je les expose à ce que Platon considérait comme le plus grand des dangers : l’amour ! Bien sûr, je me suis beaucoup documentée mais j’ai voulu très rapidement m’éloigner d’un document historique qui aurait été, je crois, un peu barbant. J’ai choisi la fiction. Le défi était de taille, le risque de me faire détester par les hagiographes de Breton autant que par ses détracteurs. Il a fallu que je me libère de ce poids. La fiction m’y a autorisé
3 Le récit de la passion du point de vue d’une femme était-il un enjeu particulier dans votre texte ?
Je dis souvent que j’ai donné de ma chair à Simone. Je connais ses émois, je connais ses failles, je connais ses états dépressifs, pour les avoir vécus. Simone est un peu mon double et je crois même qu’elle est une version accomplie de moi, elle a réussi, est devenue galeriste et comme je suis commissaire d’exposition, j’ai beaucoup d’humilité vis-à-vis d’elle mais elle m’inspire et je m’autorise à penser que nous avons des traits communs. Mais je m’éloigne. La passion du point de vue d’une femme… C’était oser me raconter. Tiraillée entre deux hommes, un peu perdue, fêlée, aventureuse mais frileuse, Simone est ma petite protégée et je lui suis reconnaissante d’avoir pu confier au lecteur certaines parties de mon intimité.