Alors que les franchises Marvel et DC prônent de plus en plus le féminisme et la diversité sur grand écran, retour sur leurs sources d’inspiration littéraires et l’évolution de la place des femmes dans les pages de nos BD préférées.
Pour les héroïnes de comics, combattre le machisme se révèle aussi difficile que de livrer une bataille contre leurs pires ennemis. Souvent sexualisées par les auteurs et les lecteurs, les femmes ont longtemps souffert du fameux male gaze dans les bandes dessinées Marvel et DC.
Ce regard biaisé, entre fétichisme et imaginaire assumé, nous interroge sur la place du féminisme dans les comics. Aujourd’hui, les maisons d’édition souhaitent porter un message d’égalité. Bien que l’univers des super-héros ait toujours été relativement sexiste, on peut noter certaines avancées et une prise de conscience générale. Les comics semblent peu à peu s’adapter aux nouvelles considérations sociétales et à la question de la représentation des femmes. Explications.
Le sexisme, un crime oublié des super-héros au début des comics
Offrir des homologues féminins aux super-héros est une idée qui a rapidement germé dans l’esprit des auteurs de comics. Cependant, faire de Batwoman ou de Spider-Woman des super-héroïnes aussi badass que leurs prédécesseurs a longtemps été problématique, notamment par rapport à l’hypersexualisation de leurs corps. Bien que les aventures de Superman et d’Iron Man soient destinées à un public essentiellement masculin, la question de l’image renvoyée aux lecteurs se pose. Qu’en est-il lorsqu’elle est déformée et traite les femmes comme des objets sexuels ?
Ce constat n’est pas seulement celui des super-héroïnes, mais de l’ensemble des femmes dans les comics. On pense alors au statut de femme victime, à Tony Stark qui collectionne les conquêtes ou encore au traitement de Captain Marvel dans les premiers comics, capturée puis violée par son fils. Si les bandes dessinées sont des objets de fiction, cette caractérisation est étonnante, car elle reflète un décalage dans le traitement des hommes et des femmes.
Un fait surprenant, puisque DC comme Marvel ont su s’adapter, au fil du temps, aux évolutions de la société. Les péripéties des super-héros ont rapidement abordé l’homosexualité. La drogue chez les jeunes, ainsi que les violences conjugales ont aussi été des sujets exploités dans les BD, dès les années 1970.
Les avancées féministes à travers les pages
Il faudra attendre que les associations féministes les interpellent pour que Marvel et DC s’engagent à donner plus de place aux femmes dans leurs comics. L’évolution de la société et le nombre toujours plus croissant de lectrices ont également été des leviers non négligeables, les maisons d’édition y voyant un moyen d’éviter la mauvaise publicité, mais surtout de vendre plus d’exemplaires.
Chez DC, l’avancée est moins flagrante. Bien qu’ils profitent d’héroïnes farouches comme Black Canary, Harley Quinn ou encore Wonder Woman, les scénaristes leur ont quand même collé de sacrées casseroles. Quand l’une n’est pas ligotée et muselée par des hommes, l’autre ne jure que par le Joker avec qui elle vit une relation toxique. Quant à Diana Prince (seule femme de la Justice League, rappelons-le), elle doit combattre ses adversaires en mini-jupe et talons compensés.
Marvel apparaît comme le bon élève. Le groupe a dynamité certains codes grâce à Jennifer Walters, mais aussi à travers l’évolution de Carol Danvers. D’un côté, la cousine de Hulk est une femme aussi forte que libérée, tandis que Miss Marvel, rebaptisée Captain, parvient à surmonter ses traumatismes. On peut également noter l’appréhension de Spider-Woman, qui dans certains comics, a combattu des super-vilains alors qu’elle était enceinte et avait eu recours à une insémination artificielle.
Le féminisme sous toutes ses formes
Dans les bandes dessinées, le féminisme n’est pas seulement réservé aux héroïnes. Les super-vilaines sont à de nombreuses reprises mises en avant. On pense à Hela, la sœur de Thor, à Harley Quinn ou encore à Poison Ivy. Les anti-héroïnes ont aussi leur place. C’est le cas de Gamora du côté de Marvel ou d’Amanda Waller chez DC. Cette appréhension favorise plus de profondeur pour les personnages féminins, là où cette dualité était autrefois réservée aux hommes. L’orientation sexuelle des femmes, leurs origines et leurs croyances représentent aussi une avancée féministe majeure, tout comme le modèle familial.
Que ce soient les romances lesbiennes de la Valkyrie, de Poison Ivy ou encore la famille monoparentale de Maria Rambeau, les exemples se multiplient. Si ces progrès sont encore relatifs, il faut souligner la création de Kamala Khan, première héroïne musulmane Marvel, d’America Chavez, à la fois latina et homosexuelle, ou encore de Traci Thirteen, une héroïne asiatique made in DC. Les professions des personnages féminins s’éloignent également des clichés. L’armée, les sciences et les services secrets sont aussi des domaines associés aux femmes dans les BD.
Leur place évolue aussi grâce à l’arrivée de plusieurs autrices dans l’univers. En prônant une représentation logique entre le message progressiste et le physique de l’héroïne, elles démocratisent les enjeux féministes et offrent une nouvelle caractérisation des personnages féminins.
Le pouvoir des comics sur le cinéma et les séries
Depuis quelques années, on observe un rééquilibrage de l’égalité entre hommes et femmes dans la littérature super-héroïque. Un comportement que suivent le cinéma et les séries, notamment depuis le mouvement #MeToo. Les studios Marvel comme la Warner souhaitent miser davantage sur les femmes à l’heure actuelle, n’en déplaise à leurs détracteurs. Si, pour le moment, les hommes sont davantage représentés à l’écran, on voit fleurir de plus en plus de projets réalisés et portés par des femmes. Wonder Woman de Patty Jenkins a ouvert la voie, avant que ne débarque Captain Marvel d’Anna Boden et Ryan Fleck ou Black Widow (et ses traumatismes de l’abandon) en 2021.
Ceci étant dit, le cinéma et les séries devront rattraper leur retard sur les progrès déjà réalisés par les comics. La littérature semble avoir un coup d’avance en termes de féminisme. Les clichés se brisent petit à petit, tandis que la diversité est devenue une véritable héroïne. Il faut dire qu’après tant d’années, Marvel et DC se devaient d’assumer leur puissance et de représenter la société telle qu’elle est. Ne dit-on pas d’ailleurs qu’un « grand pouvoir implique de grandes responsabilités » ?