Décryptage

Walking Dead : comment un comics au bide commercial est devenu un phénomène mondial

21 février 2024
Par Axel Abdelli
Poster de la nouvelle série “The Walking Dead: The Ones Who Live”.
Poster de la nouvelle série “The Walking Dead: The Ones Who Live”. ©AMC

Dès le 25 février, les fans de la licence retrouveront leur couple favori, Rick et Michonne, dans le spin-off The Ones Who Live. L’occasion parfaite de revenir sur l’histoire d’un comic book qui aurait pu ne jamais voir le jour.

Après 12 ans de lutte commune face à des hordes de zombies, les survivants de The Walking Dead se sont séparés en 2022, volant de leurs propres ailes dans leur série dérivée. Après Negan, Maggie et Daryl, c’est au tour du duo Michonne/Rick de retrouver le petit écran et faire perdurer cet univers étendu. Qui aurait pu croire que la publication d’un comics anonyme en 2003 mènerait à la création d’une franchise aussi lucrative ?

Pour commencer, il faut revenir à celui qui mène la barque depuis toutes ces années : Robert Kirkman. Au début des années 2000, le scénariste venu du Kentucky a la vingtaine et tente de faire son trou dans l’industrie de la bande dessinée américaine. Jonglant entre les petits boulots, il a déjà publié quelques projets chez Image Comics (premier éditeur indépendant aux États-Unis) avec les artistes Tony Moore et Cory Walker.

Quand les humains survivent au milieu des zombies

Ils lancent en janvier 2003 une série autour d’un ado fils du plus grand super-héros de la planète qui obtient à son tour des pouvoirs : Invincible (qui deviendra à son tour populaire grâce à la série Amazon des années plus tard). Cette année-là, Kirkman cherche également à vendre à son éditeur une autre création centrée, cette fois-ci, sur une invasion de zombies.

Invincible, l’autre franchise à succès de Robert Kirkman.

Privé de films d’horreur durant son enfance, l’auteur découvre La Nuit des morts-vivants de George A. Romero lors d’une soirée, sur une chaîne TV locale de la Fox. Et là, c’est le déclic. Il achète les suites, les regarde tous les jours pendant des mois, et se demande ce qu’il pourrait bien se passer après le film de zombies, et comment les humains pourraient vivre dans un tel monde.

Pour creuser son idée, Robert Kirkman retrouve Tony Moore. Ensemble, ils imaginent le pitch Dead Planet : au XXVIIᵉ siècle, des explorateurs découvrent sur une autre planète un minéral capable de changer les individus en morts-vivants ; lâché sur une planète Terre utopique, il en fait devient un cauchemar pour les survivants. Kirkman veut alors explorer ce qui s’y passerait à différents moments dans le temps, mais Image Comics refuse le projet.

Un pitch rejeté à plusieurs reprises

Le duo ne se décourage pas et Kirkman a l’idée de placer son histoire dans l’univers du film de George A. Romero, dont les droits sont tombés dans le domaine public. Cependant, son éditeur Jim Valentino le convainc d’abandonner cette idée et de créer une licence originale. Ils retravaillent alors une nouvelle fois leur projet et proposent une nouvelle version.

Planches tirées d’un pitch rejeté pour le comics.©Skybound/Image Comics

On découvre pour la première fois le couple Rick-Lori (appelée ici Carol) et la mention de leur fils Carl, mais ce n’est toujours pas la bonne pour Kirkman et Moore. Image leur reproche une introduction assez ennuyeuse. Et même quand le scénariste imagine le réveil de Rick dans un monde rempli de zombies après un long coma, le projet est refusé.

Les décideurs expliquent à l’auteur qu’il n’existe pas de comics de zombie qui fonctionne, et qu’il lui faut un twist. Le scénariste prend alors un risque : il explique qu’il révèlera plus tard dans l’histoire que tout ceci est l’œuvre des aliens qui préparent une invasion de la Terre. Ce mensonge plaît, et The Walking Dead est finalement validé.

The Walking Dead en route vers le succès

En octobre 2003, « le premier numéro voit le jour, se retrouve en boutique et ça prend dès le départ, ce qui était nouveau pour moi, explique-t-il en convention, quelque temps plus tard. Après avoir lu le premier tome, les éditeurs se sont demandé s’il y avait des indices à propos de l’invasion alien. Je leur ai dit que j’avais menti et j’ai entendu : “C’est peut-être mieux comme ça”. »

À une époque où les nouvelles licences trouvent difficilement leur place dans l’industrie du comics, The Walking Dead #1 s’écoule à plus de 7 000 exemplaires. La qualité du titre est saluée et le bouche-à-oreille fait son œuvre.

Premières planches colorisées de The Walking Dead #1.©Skybound/Image Comics

Le numéro 7 (qui marque par ailleurs l’arrivée du dessinateur Charlie Adlard à la place de Tony Moore) est le premier à passer la barre des 10 000 copies vendues, quelques mois plus tard. En 2004, le premier tome, qui regroupe les six premiers épisodes de la série, se hisse dans le top 10 des meilleures ventes d’albums, selon les chiffres de Comichron. Les épisodes mensuels se vendent de mieux en mieux, et chaque nouveau tome cartonne à sa sortie.

En France, la BD connait un premier lancement raté en 2004. « J’avais édité le premier épisode aux Éditions Semic [aujourd’hui disparues, ndlr] et c’était passé complètement sous le radar. Ce n’était pas le bon moment », se rappelle Thierry Mornet, responsable éditorial de Delcourt, dans une interview en 2020 pour Le Point. Le second lancement est le bon, avec la reprise en 2007 de The Walking Dead par l’éditeur français historique, qui deviendra le comics numéro 1 dans l’Hexagone durant de longues années.

Avec la série, le tournant

En août 2009, la chaîne de télévision AMC annonce le développement d’une adaptation du comics supervisée par Frank Darabont, réalisateur de La Ligne verte et Les Évadés. Une première saison de six épisodes est vite commandée.

Kirkman ne pensait pas que son comic book de zombies trouverait une place à la télévision. « Il n’y avait jamais eu quelque chose de ce type à la télé, confie-t-il à Rolling Stone. Les zombies sont des gens qui mangent des gens, donc c’est une série cannibale. Je ne pouvais pas envisager qu’il y ait un show cannibale à la télé ! »

Rick Grimes découvre la ville déserte d’Atlanta après son réveil.©AMC

Même une fois l’adaptation en développement, le scénariste n’était pas complètement serein. « Je savais qu’il suffisait d’une mauvaise nouvelle pour que nos zombies ne passent pas à la télé, se rappelle l’auteur du comics. Après la diffusion du premier épisode, Joel Stillerman [directeur des programmes d’AMC, ndlr] m’a appelé et m’a dit qu’environ 5,3 millions de personnes l’avaient regardé et ma réponse était : Cool… est-ce une bonne chose ? »

La diffusion du premier épisode en octobre 2010 était tout simplement un record pour un lancement de série sur AMC. Petit à petit, le public grandit autour de The Walking Dead et la série devient un véritable rendez-vous télévisuel, avec des records d’audience à plus de 17 millions de téléspectateurs aux États-Unis pour les lancements des saisons 5 et 7.

Des zombies partout

Grâce aux milliers de fans glanés par les aventures télé de Rick Grimes et sa bande de survivants, la BD s’offre un nouveau souffle. Quand AMC lance la série, les quatre premiers tomes retrouvent le top 10 des meilleures ventes. De nouveaux lecteurs débarquent saison après saison et les comics mensuels sont de plus en plus suivis. Ils atteignent un record avec The Walking Dead #100, et plus 335 000 exemplaires écoulés outre-Atlantique en juillet 2012.

Poster pour la saison 1 du jeu vidéo The Walking Dead.©Telltale Games

Pendant presque dix ans, la série et le comics évoluent en parallèle (avec certaines différences notables). The Walking Dead, adapté également en jeux vidéo, multiplie les séries TV dérivées et s’établit comme une franchise majeure dans la pop culture.

Toutes les bonnes choses ont une fin

En juillet 2019, les lecteurs sont sous le choc en découvrant The Walking Dead #193. Sans prévenir, alors que les numéros suivants ont bien été annoncés, Kirkman s’adresse à ses fans dans les dernières pages du numéro, relayées par The Hollywood Reporter : « C’est la fin de The Walking Dead. C’est tout… c’est fini… terminé. »

Le scénariste révèle ainsi la conclusion de son comics phare, rappelant bien que « TWD a toujours été construit sur la surprise, ne pas savoir ce qu’il va se passer en tournant la page ». Trois ans plus tard, c’est avec sa onzième saison que la série TV éponyme se termine.

Couverture de Clementine, renouveau de The Walking Dead en BD. Poster de 2 nouvelles séries TV produites par AMC.©Delcourt/AMC

Depuis sa création, The Walking Dead s’est écoulé à plus de 50 millions d’exemplaires dans une soixantaine de pays différents. En France, le comics a été un véritable ovni, allant concurrencer les plus grands de la BD franco-belge en vendant plus de 5 millions de copies de la série publiée en 33 albums.

Mais la franchise n’est pas laissée à l’abandon. Les lecteurs français ont pu découvrir en novembre dernier Walking Dead – Clementine, dans lequel l’autrice Tillie Walden met en scène le retour de l’ado découverte dans les jeux vidéo TWD de Telltale.

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Le petit écran a également sa dose de zombies avec le lancement successif de plusieurs spin-offs de la série principale. Après Negan et Maggie en mission dans un Manhattan post-apocalyptique dans Dead City et Daryl Dixon en vadrouille à Paris dans son propre show, Andrew Lincoln et Danai Gurira vont à nouveau incarner Rick Grimes et Michonne dans The Ones Who Live, pour des retrouvailles attendues depuis longtemps par les fans.

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