Sorti le 19 septembre au Japon, le film Chainsaw Man caracole en tête du box-office pour la quatrième semaine consécutive. Sa diffusion française, prévue le 22 octobre, s’annonce déjà comme l’un des événements majeurs de l’animation cette année.
Œuvre extrême, Chainsaw Man divise depuis ses débuts : on l’adore ou on le rejette. Difficile, pourtant, de comprendre ceux qui résistent à la brutalité graphique et émotionnelle du manga de Tatsuki Fujimoto. Fulgurant de maîtrise et de rage, il s’était déjà trouvé en MAPPA un « adaptateur » à sa hauteur, pour l’anime diffusé en décembre 2022.
Trois ans plus tard, le studio reprend les commandes, mais choisit un nouveau format : un film, qui arrive sur grand écran en France le 22 octobre. Ce long-métrage de 1h40, centré sur l’arc de Reze, prolonge la première saison tout en ouvrant un nouveau cycle narratif. Une œuvre fiévreuse, qui confirme tout son génie et sa virtuosité.
Amours adolescentes et légèreté
Reze, jeune fille au charme désarmant, fait chavirer Denji, encore pris dans l’emprise trouble de Makima. Cinéma, cafés, sourires timides : la première moitié du film prend des allures de songe adolescent.

Le ton se rapproche des romances de Makoto Shinkai, entre douceur et mélancolie. La mise en scène s’attarde sur ces détails anodins de la tendresse – la pluie sur une vitre, un regard –, comme pour mieux souligner l’éveil émotionnel des deux personnages. Une parenthèse poétique dans un univers où la mort rôde pourtant à chaque plan.
Un chef-d’œuvre d’animation
MAPPA a visiblement retenu les critiques adressées à la première saison : le CGI, omniprésent alors, a presque disparu. Le trait est désormais organique, texturé, fidèle à la plume nerveuse de Fujimoto.

Certains plans rappellent l’adaptation de son one shot Look Back tant l’animation préserve l’expressivité humaine. Les couleurs pastel de la première moitié contrastent avec la fureur chromatique qui suit, et l’ensemble témoigne d’une maîtrise certaine de la lumière et du mouvement.
Descente aux enfers
Naïf serait celui qui espérait un bonheur durable. Car, dans Chainsaw Man, la tendresse n’est qu’un prélude à la perte. À mi-parcours, le film bascule sans prévenir dans le chaos total. L’horreur reprend ses droits et les fans de batailles sanglantes seront servis : l’affrontement final, d’une virtuosité technique saisissante, rivalise avec les plus grandes séquences d’animation récentes.

Si Denji demeure au centre du récit, les personnages secondaires s’effacent. Makima n’apparaît qu’en filigrane, toujours aussi insaisissable, confirmant la complexité de son emprise sur Denji. Power ne fait qu’une brève apparition, tandis qu’Aki gagne, lui, en relief : il forme désormais un duo inattendu avec le possédé de l’Ange. Le protagoniste, lui, s’allie au possédé du Requin pour des séquences d’action aussi absurdes que spectaculaires. Le film ne cherche pas à tout résoudre : il installe Reze comme pivot de la suite.
Le dérisoire et l’extraordinaire
Derrière cette romance tragique se profilent les grandes questions laissées en suspens : que représente vraiment Denji ? Pourquoi le démon-flingue le traque-t-il avec obsession ? Qu’est-ce que le démon-tronçonneuse symbolise-t-il au fond de cet univers en ruines ? Autant d’interrogations laissées ouvertes, comme si le chaos lui-même devenait moteur de sens.

Et c’est peut-être là que réside le génie de Chainsaw Man : dans cette oscillation entre le dérisoire et le sublime, l’amour et la destruction. MAPPA signe un film puissant, à la fois cruel, sensuel et profondément humain.