Décryptage

Tatsuki Fujimoto, un mangaka à découvrir de toute urgence

28 juillet 2022
Par Laurent Frey
Tatsuki Fujimoto, un mangaka à découvrir de toute urgence
©Shueisha

En seulement quelques titres, l’auteur de manga Tatsuki Fujimoto est en passe de devenir un auteur culte. Son œuvre la plus connue, Chainsaw Man, rencontre un succès mirobolant. Avec ses autres créations, il est en train de créer un style unique qui renouvelle le genre.

Il est très probable que vous connaissiez Chainsaw Man. En seulement deux ans, cette série est devenue la petite bombe qui a fait exploser le shonen. Le premier chapitre de la seconde partie du manga, attendue depuis 2020, a été publié le 13 juillet dernier et a battu tous les records sur Shonen Jump+, la plateforme de prépublication en ligne du Weekly Shonen Jump (l’équivalent japonais de Manga+).

Cependant, vous êtes certainement passé à côté des autres titres de son auteur, Tatsuki Fujimoto, un mangaka au style très affirmé, autant dans le dessin que dans le scénario. Avant Chainsaw Man, il avait publié une autre série qui avait beaucoup fait parler d’elle, Fire Punch, mais aussi de nombreuses histoires courtes, publiées en one-shot ou en recueils. Avec toutes ces œuvres, le style de Fujimoto s’est beaucoup dévoilé et il offre une vision du monde tout à fait intéressante.

L’absurde et l’art, deux moyens de survivre à la cruauté du monde

Tout d’abord, il est intéressant de constater que les œuvres de Tatsuki Fujimoto partent souvent d’une base aussi absurde que cruelle. Ses personnages sont en marge, condamnés, dans une certaine mesure. Dans Fire Punch, Agni a le pouvoir de se régénérer, mais un homme avec le pouvoir de lancer des flammes qui ne s’éteignent que lorsqu’elles ont consumé leur cible s’en prend à lui. Puisqu’il se régénère sans cesse, Agni devient un homme enflammé, contraint à passer le reste de sa vie à souffrir des brûlures. Dans une moindre mesure, Denji de Chainsaw Man est lui aussi contraint à vivre une vie à laquelle il aimerait échapper.

Chainsaw Man.©Shueisha

Mais c’est dans ses histoires courtes que le style de Fujimoto est le plus prégnant. Réunies dans les recueils 17-21 et 22-26 (les âges où ces histoires ont été écrites), elles contiennent tous les thèmes qui sont chers à l’auteur : l’apocalypse, la marginalisation des personnes considérées comme des « démons », l’absurdité des comportements humains, mais surtout la puissance de la fiction et de l’art en général.

C’est le cas dans plusieurs œuvres, notamment Fire Punch et Look Back. En grand cinéphile, Fujimoto est persuadé de l’immense puissance que la fiction a sur les masses. Dans Fire Punch, le monde ne connaît plus le cinéma, disparu depuis des siècles. Pourtant, un des personnages, Togata, se sert des codes de cet art pour manipuler la vision qu’ont les gens d’Agni, jusqu’à en faire un dieu à leurs yeux.

Fire Punch.©Shueisha

Dans Look Back, c’est l’art qui dicte la vie de Fujino et Kyômoto, deux amies qui rêvent de devenir mangakas. C’est l’art qui les sauve, ou les tue, selon le point de vue. Ce désir de croire en une force supérieure traverse toute l’œuvre de Tatsuki Fujimoto. Pour ses personnages, ça peut être un moyen de se dédouaner ou de montrer qu’il n’existe aucun autre espoir.

Et au milieu, des personnages pas toujours très futés

Pourtant, malgré cette thématique aussi vertigineuse que touchante, l’auteur ne peut s’empêcher de ramener l’absurde au centre de son dispositif. Ses personnages sont détachés, ils ne comprennent pas toujours ce qu’ils représentent, ni ce qu’ils incarnent aux yeux du reste du monde, quand bien même ce serait un danger immense. Agni ne voit pas que les autres le voient comme un dieu. Dans l’histoire courte La Prophétie de Nayuta, Nayuta ne comprend pas que toute la ville la voit comme un démon assassin.

Fujimoto 22-26.©Shueisha

Comme il l’explique dans l’une des postfaces à ses histoires courtes, Tatsuki Fujimoto n’aime pas les personnages normaux. Ils doivent toujours être uniques. Tout comme ses histoires, avec des pitchs toujours plus alambiqués. Une absurdité qui tient soit du génie, soit de la bêtise crasse, mais vu le niveau de maîtrise de l’auteur, on table plutôt sur la première option.

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