Superman et Les quatre fantastiques se livrent une bataille dans les salles obscures cet été. Quelques jours après la sortie du film Marvel, l’heure est au bilan. Qui a remporté le duel estival ?
Après le « Barbenheimer » de 2023, l’été 2025 nous offre un nouveau duel. En effet, en présentant leurs aventures super-héroïques au beau milieu du mois de juillet, les studios DC et Marvel ont dégainé une battle inédite. Dans le coin gauche, Superman de James Gunn ; dans le coin droit, Les quatre fantastiques : premiers pas de Matt Shakman. Deux propositions estivales rafraîchissantes, sorties à quelques semaines d’écart, qui remettent sur le devant de la scène la « rivalité » entre Warner (DC) et Disney (Marvel).
Toutefois, qui de l’Homme d’acier ou de l’équipe menée par Reed Richards remporte, à nos yeux, le duel ? La nouvelle itération de James Gunn de l’un des super-héros les mythiques de l’univers DC est-elle parvenue à convaincre ? La nouvelle équipe Marvel a-t-elle permis à Kevin Feige de redorer le blason de son écurie ?

Retour aux sources
Pour le comprendre, il faut d’abord remonter aux origines de ces projets respectifs. Quelque temps après The Suicide Squad (2021) et l’épilogue des Gardiens de la galaxie (2023), James Gunn prend la tête du département DC chez Warner. Sa première décision ? Rebooter Superman, après l’échec du DCEU, les polémiques autour de Justice League (2017) ainsi que la Snyder Cut (2021).
Le réalisateur oblitère tout et entend relancer la machine grâce à l’un des super-héros les plus emblématiques des comics et du grand écran. Un geste fort et symbolique qui montre la volonté de DC et de Warner de faire table rase du passé tout en honorant leur héritage. Même son de cloche du côté de chez Marvel qui, en peine depuis la fin de la Saga Infinity, tente de trouver ses figures de proue ; celles capables de prendre le lead dans le prochain film Avengers annoncé, Doomsday.

Si Thunderbolts*, au printemps 2025, représentait un premier espoir pour les studios Marvel, le blockbuster sur Les quatre fantastiques pourrait venir parachever la refonte de Kevin Feige. En tout cas, en convoquant à nouveau cette famille, le patron des studios Marvel mise sur les personnages les plus anciens de son catalogue et revient aux sources des comics imaginés, en 1961, par le duo mythique Stan Lee et Jack Kirby.
Au cœur des films
Cet été, les deux studios ont donc fait le choix de se tourner vers leur passé. Un retour aux sources bien pensé dont l’effort est davantage marqué du côté des studios Marvel. En effet, en privilégiant des décors réels, grandeur nature, ainsi qu’un ADN rétrofuturiste, Matt Shakman est parvenu à imposer une véritable direction artistique. Bien que la mise en scène peine parfois à convaincre – la CGI n’est décidément jamais très loin chez Marvel –, Les quatre fantastiques se distingue de Superman en termes d’atmosphère propre.
De son côté, la mise en scène de James Gunn a du mal à convaincre. Si certains passages –notamment en slow motion – sont bien pensés et apportent une certaine inventivité, on attendait plus du reboot sur le Kryptonien. Ainsi, le cinéaste américain revient à ce qu’il sait faire et ce qu’il avait proposé sur The Suicide Squad ou la série Peacemaker (2022), sans vraiment surprendre. Les couleurs, les ressorts scénaristiques ou encore les dialogues bourrés de dynamisme… James Gunn propose une vision personnelle de l’Homme d’acier. Si cela permet d’assurer une continuité dans sa filmographie, l’entrée dans la nouvelle ère DC avec Superman aurait, très certainement, mérité une direction artistique inattendue, à la hauteur du personnage qu’elle met en scène et à l’image de ce que Zack Snyder avait offert avec Man of Steel en 2013.
Ceci étant dit, Superman apparaît très riche, notamment en clins d’œil aux comics originaux. En effet, le film n’hésite pas à convoquer Krypto, Supergirl, mais aussi Green Lantern et à proposer des itérations aussi intéressantes que drôles, là où Marvel cultive (parfois à outrance), le mystère autour de ses héros.
David contre Pedro
Toutefois, les enjeux scénaristiques ne sont pas les mêmes pour les deux films. Car là où Superman est avant tout une porte d’entrée dans le nouvel univers DC, Les quatre fantastiques a pour but d’introduire l’Homme élastique, la Femme invisible, La Torche ainsi que La Chose, tout en insérant leur histoire dans le grand schéma de Doomsday. Si les deux blockbusters reposent sur des ressorts éculés – une origin story évacuée, un grand méchant à défier et une résolution heureuse –, Les quatre fantastiques a pu compter sur le teasing de Thunderbolts* dans sa scène post-générique et pose de vrais enjeux pour l’avenir du MCU, notamment en ce qui concerne Franklin Richards – le fils de Reed Richards et de Sue Storm. Là où Superman est, pour le moment, obligé d’exister par lui-même.

Fort heureusement, le charisme de son interprète change la donne. Trouver le bon comédien pour incarner le super-héros venu de Krypton était l’un des principaux challenges du long-métrage. Pour ce faire, James Gunn a misé sur David Corenswet, apparu dans plusieurs séries télévisées et quelques longs-métrages indépendants. À première vue, un acteur loin d’être bankable, mais qui, grâce à son talent et son investissement, est parvenu à donner vie à un Clark Kent puissant, forcé de remettre en question sa destinée.
De son côté, Lois Lane (Rachel Brosnahan) est toujours cette journaliste chevronnée du Daily Planet, tandis que Lex Luthor, incarné par Nicholas Hoult, est plus sadique que jamais. Avec ce nouveau long-métrage, James Gunn a bien veillé à respecter le lore de l’univers DC. Un choix qui montre son attachement aux comics et qui apparaît d’autant plus impressionnant que Superman est finalement un film fourre-tout. En effet, le scénario, bien que rock’n’roll, repose sur plusieurs narrations imprégnées de l’humour « gunnien » et propose une réflexion sur les misfits modernes, en laissant de côté le caractère plus intime du super-héros.
Ceci étant dit, les scènes d’introspection ou encore celles aux côtés de Lois Lane comptent parmi les plus réussies. David Corenswet tire ainsi son épingle du jeu avec Rachel Brosnahan, bien que l’émotion fonctionne davantage du côté des Quatre fantastiques. En abordant la maternité, la vie de couple, ainsi que la vie de famille, le film Marvel offre l’opportunité aux spectateurs de s’attacher davantage aux personnages. Jouant avant tout la carte du sentimentalisme – et en dépit de son humour et de sa légèreté bienvenue –, le blockbuster de Matt Shakman apparaît plus sombre et son scénario plus contenu.
Le film n’en reste pas moins d’une grande facilité du côté de ses rebondissements et de sa résolution. Par ailleurs, et bien que l’alchimie fonctionne entre les quatre protagonistes, la firme aux oreilles de souris a fait le choix de caster des comédiens populaires. Parmi eux, Pedro Pascal, l’Internet boyfriend que tout le monde s’arrache. Après Materialists et Eddington (sortis également au mois de juillet 2025), l’acteur incarne, dans Les quatre fantastiques, Reed Richards, un scientifique aux capacités hors normes et au corps élastique. Si son simple nom sur l’affiche et la campagne de communication infaillible orchestrée par Marvel devraient suffire à convaincre le public de se déplacer en salle, force est de constater que l’interprète de Reed Richards n’est pas pleinement irrésistible. Malgré une émotion convaincante, on lui préféra la noirceur de Joe dans The Last of Us (2025) ou encore son mutisme dans The Mandalorian (2019).
Ceci étant dit, l’acteur partage l’affiche avec un casting qui fonctionne. Ebon Moss-Bachrach apporte la vulnérabilité de The Bear à La Chose, Joseph Quinn et son cynisme infaillible nous font beaucoup rire, tandis que Vanessa Kirby éblouit grâce à sa force et sa sensibilité. Son personnage, Sue Storm, est d’ailleurs le cœur de ce long-métrage d’ensemble et parvient à tirer son épingle du jeu en personnifiant la crainte et l’espoir d’une mère.

Face à elle, une Surfeuse d’argent – Shalla-Bal, incarnée par Julia Gardner, qui sert de héraut à Galactus –, preuve que Marvel souhaite se réinventer et convoquer des personnages qui n’étaient pas encore apparus dans l’univers. Une anti-héroïne terrifiante, mais fascinante, qui permet d’explorer la notion de sacrifice dans le film.
Et le box-office dans tout ça ?
Du côté des salles de cinéma, il faut croire que Les quatre fantastiques a réussi ses premiers pas. Durant son premier week-end d’exploitation, la nouvelle équipe Marvel a rapporté 118 millions de dollars dans les salles américaines et 100 millions de dollars à l’international. Soit un premier week-end à 218 millions de dollars, selon Allociné. Quelques semaines plus tôt, Superman était parvenu à récolter 122 millions de dollars lors de son premier week-end. Toutefois, le long-métrage de James Gunn n’avait pas connu un aussi gros démarrage à l’étranger, en ne rapportant « que » 95 millions de dollars en provenance de 78 autres pays.
Aujourd’hui, Les quatre fantastiques sont parvenus à déloger Superman en tête du box-office. Preuve que le film a de quoi davantage convaincre que son concurrent ? Il est vrai que, grâce à sa direction artistique, son casting ou encore les thèmes abordés, le long-métrage de Matt Shakman représente une proposition cinématographique plus inédite que celle de James Gunn, cet été. Sans oublier la musique de Michael Giacchino, compositeur du score original, Les quatre fantastiques est aussi la preuve que les studios Marvel n’ont pas tout à fait fini d’offrir des blockbusters innovants, avec du caractère.
Ceci étant dit, il ne faut pas oublier que Superman s’inscrit avant tout dans un spectre cinématographique plus grand que l’origin story de l’Homme d’acier proposée par James Gunn. Métaphore éculée sur la guerre et amoncellement d’histoires auront peut-être coûté la victoire au super-héros venu de Krypton. Si pour nous, le film Les quatre fantastiques est le grand gagnant de ce duel, nul doute que Superman reviendra plus fort que jamais, et que la « guéguerre » entre Marvel et DC n’est pas près de s’arrêter.