
Son film, sélectionné au Festival de Cannes 2025, est un récit indigeste et incompréhensible qui accumule tous les travers de son style.
Wes Anderson, génie de la mise en scène stylisée, est désormais une figure incontournable du 7e art. Depuis plus de 20 ans, ses films se sont imposés grâce à leur style unique réunissant, de surcroît, des castings prestigieux.
Avec The Phoenician Scheme, son nouveau long-métrage sélectionné en compétition au Festival de Cannes, le constat est amer : Wes Anderson est arrivé au bout de ce qu’il a à raconter et même sa mise en scène ne suit plus.

Zsa-zsa Korda (Benicio del Toro) est l’homme le plus riche d’Europe. Narguant les pays et échappant à toutes les tentatives d’assassinats, il va dans la vie comme bon lui semble et seule sa relation avec sa fille – incarnée par la révélation Mia Threapleton – semble lui importer.
Quand l’action politique de plusieurs gouvernements vise à lui faire perdre une fortune, il se lance dans un grand road trip en compagnie de sa fille, nonne de formation, afin de convaincre ses partenaires de lui rester fidèle et d’injecter plus d’argent.
Une écriture indigeste
Dire que The Phoenician Scheme est bavard est un euphémisme. Du début à la fin, les personnages se lancent dans des monologues interminables sans aucune ponctuation, visant à développer, d’après Wes Anderson, des personnalités fortes ou supérieures à la normale. L’effet en devient pénible : tous les protagonistes sont détestables, rien ne ressort de ces logorrhées interminables et le plaisir du spectateur est absent.
C’est le principal problème de The Phoenician Scheme. Wes Anderson a oublié s’il faisait des films pour ses acteurs, pour le public ou simplement pour lui. Telle une fête à laquelle personne n’est convié à part le cinéaste et sa troupe, The Phoenician Scheme se voit de très loin, avec une distance malaisante. Les acteurs talentueux apparaissent puis disparaissent, mais même le plaisir de voir jouer Benicio del Toro, Scarlett Johansson, Tom Hanks ou Benedict Cumberbatch n’est plus. Dans un excès interminable, le réalisateur montre qu’il connaît du monde, mais ne raconte plus rien.
Prisonnier de son propre cadre
Allant avec cette écriture indigeste, The Phoenician Scheme déçoit aussi dans sa mise en scène. Les cadres sont toujours aussi beaux et symétriques, mais le sentiment qui en ressort en devient anxiogène. Wes Anderson semble prisonnier de son propre style. Aucune vie n’émane de ces tableaux millimétrés, aucune place pour l’imprévu ou pour la caméra libérée des contraintes que le cinéaste s’impose.
Les personnages sont étriqués dans ce cadre fermé et jamais le cinéma de Wes Anderson n’a semblé aussi superficiel, immobile et statique. L’inventivité de la mise en scène — entre les maquettes et les compositions colorées et symétriques — est toujours là, mais le résultat cinématographique semble absent. En se perdant dans l’écriture laborieuse et la réalisation caricaturale, Wes Anderson livre son plus mauvais film, totalement dénué d’âme et d’incarnation.

Cela fait maintenant trois films (avec The French Dispatch et Asteroid City) que le cinéaste ne séduit plus. Ce qui faisait sa force s’est transformé en poncifs attendus et éculés. Pourtant, Wes Anderson a su de nouveau émerveiller il y a quelques mois, en réalisant quatre court-métrages inspirés de l’œuvre de Roald Dahl, sortis directement sur Netflix. Sur un format plus court et se basant sur d’autres histoires, Wes Anderson mettait à profit son style pour le meilleur. The Phoenician Scheme en est l’exact opposé et la magie n’est plus.
Même dans ses thèmes le cinéaste est timide. Outre la critique inintéressante du capitalisme, The Phoenician Scheme tente de parler de la famille en développant le lien entre Zsa-zsa Korda et sa fille, Liesl. La famille est l’une des thématiques dominantes de la filmographie de Wes Anderson, mais The Phoenician Scheme ne s’approche jamais de la richesse de La famille Tenenbaum (2001) ou d’À bord du Darjeeling Limited (2007). La distance que met le cinéaste avec le public est bien trop grande.
Lourd, inconsistant et souvent ridicule (de la mauvaise façon), The Phoenician Scheme est un naufrage. Wes Anderson semble prisonnier d’une écriture et d’une réalisation à bout de souffle. En optant pour le faussement complexe (l’intrigue est simpliste, mais apparaît pourtant incompréhensible), le cinéaste passe totalement à côté de son film, tout comme le public.
Partout et tout le temps, les artistes sont confrontés un jour ou l’autre à la nécessité de se réinventer et de proposer des choses nouvelles. Wes Anderson a totalement essoré la formule et le style l’ayant fait connaître. Il semble aujourd’hui nécessaire que Wes Anderson tente désormais de nouvelles choses. En l’espèce et pour The Phoenician Scheme, cela ne fonctionne définitivement plus. Le film est attendu dans les salles françaises le 28 mai 2025.