Critique

Asteroid City : Wes Anderson retourne aux États-Unis

21 juin 2023
Par Alexia De Mari
Scarlett Johansson dans “Asteroid City”.
Scarlett Johansson dans “Asteroid City”. ©Pop. 87 Productions LLC

Le très attendu onzième film de Wes Anderson a été projeté en sélection officielle lors du 76e Festival de Cannes et sort sur les écrans ce mercredi 21 juin.

Après le Japon pour L’Île aux chiens (2018) et la France pour The French Dispatch (2021), le réalisateur situe l’intrigue de son nouveau long-métrage aux États-Unis. En 1955, Asteroid City, en Arizona, ville célèbre pour son cratère de météorite et ses essais nucléaires, accueille la convention Junior Stargazer qui distingue les travaux scientifiques d’adolescents venus présenter leurs inventions. La visite d’un extraterrestre met la ville en quarantaine…

Une réception en demi-teinte

Très prolifique ces derniers temps, Wes Anderson a fait son retour au Festival de Cannes avec Asteroid City après y avoir présenté The French Dispatch en 2021. Ce onzième long-métrage a divisé au moment de sa présentation en sélection officielle : traduit-il une caricature de lui-même ou est-il l’ultime chef-d’œuvre du réalisateur texan ? Si l’accueil semble mitigé, c’est sans doute parce que Wes Anderson propose une œuvre qui garde les mêmes caractéristiques stylistiques qui ont fait sa renommée – symétrie maîtrisée, couleurs pastel, utilisation de maquettes – tout en complexifiant la narration, quitte à prendre le risque de perdre quelques spectateurs en cours de route.

Steve Carell et Jason Schwartzman dans Asteroid City. ©Pop. 87 Productions LLC

Il s’agit dans ce film d’une mise en abyme : nous assistons à la création d’une œuvre théâtrale, les coulisses sont filmées en noir et blanc et l’histoire tirée de cette pièce de théâtre est filmée en couleur. Le réalisateur a expliqué en conférence de presse que ce choix reflète sa volonté de mettre à l’honneur aussi bien l’âge d’or de Broadway, en noir et blanc, que le cinéma en Cinemascope et en couleur. Les références à la culture américaine des années 1950 s’étendent également à d’autres sphères comme la musique country ou le néo-western.

Le style Anderson

D’un point de vue formel, il est difficile de trouver des défauts à Asteroid City. Si le style reconnaissable du réalisateur peut en agacer certains, les qualités esthétiques du film sont indéniables. L’acteur Jeffrey Wright, qui joue le rôle du Général Grif Gibson, illustre la minutie du travail de Wes Anderson en évoquant en conférence de presse une séquence d’insert qui aurait nécessité 60 prises et quatre heures de travail. Le soin apporté aux décors, aux costumes et à la bande son est irréprochable.

Asteroid City. ©Pop. 87 Productions LLC

Wes Anderson tourne, comme à son habitude, en pellicule. L’image est calibrée au millimètre près, sans pour autant que cette obsession du détail ne prenne le pas sur l’émotion. Le réalisateur maîtrise totalement le style qu’il a forgé au fil des années et ses adeptes ne seront pas déçus. On plonge rapidement dans l’univers de cette ville imaginaire, située en plein milieu du désert. La scène de l’extraterrestre est sans doute l’une des plus belles du film. Ce moment suspendu vaut à lui seul le détour.

Un scénario abscons ?

Une des forces de Wes Anderson est la qualité de l’écriture des personnages. Cependant, dans Asteroid City, les acteurs défilent et il est difficile d’apprécier la complexité de chacun des protagonistes. Mais, une fois de plus, il s’agit d’un casting cinq étoiles. On retrouve ainsi certains de ses acteurs fétiches – Jason Schwartzman, Adrien Brody –, mais également des stars qui collaborent avec lui pour la première fois, comme Scarlett Johansson ou Tom Hanks.

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Les figures représentées sont celles que l’on retrouve régulièrement dans les films d’Anderson : des adolescents surdoués, des adultes paumés, une histoire familiale complexe. Si le scénario tient la route et est complexifié par la mise en abîme de la théâtralité, il aurait été intéressant d’aller au-delà des obsessions habituelles du cinéaste. La direction des acteurs, surtout des enfants et des adolescents, permet malgré tout d’apprécier et d’accepter ce qui se joue sous nos yeux. Nous passons de scènes morbides à comiques avec une remarquable finesse.

L’horizontalité du format scope se confronte à la verticalité du sujet : les extraterrestres qui descendent du ciel, l’enterrement des cendres de la mère de jeunes enfants, la hiérarchie familiale. Wes Anderson peut alors aborder la complexité des rapports humains et poser des questions sur notre existence, sans pour autant proposer de réponse ni juger ses personnages.

Bande-annonce VF d’Asteroid City.

Asteroid City n’en reste pas moins tangible. Après The French Dispatch, Wes Anderson offre un scénario fidèle aux symboles qui ont toujours fondé son univers, et un film finalement plus accessible que son précédent. La patte obsessionnelle du réalisateur, son casting choral cinq étoiles, ses thématiques fétiches, tout est condensé dans cette onzième création originale, abstraite, mais accessible.

Reste à savoir si le réalisateur, en adaptant l’histoire de Roald Dahl The Wonderful Story of Henry Sugar and six more sur Netflix, fera le choix d’évoluer vers toujours plus d’abstraction ou si Asteroid City n’était que le paroxysme de son art ?

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Article rédigé par
Alexia De Mari
Alexia De Mari
Journaliste