Critique

Bet sur Netflix : un pari imparfait, mais divertissant

16 mai 2025
Par Sarah Dupont
“Bet”, le 15 mai 2025 sur Netflix.
“Bet”, le 15 mai 2025 sur Netflix. ©Netflix

Netflix a dévoilé ce 15 mai une nouvelle série live-action inspirée d’un manga culte. Réadapté dans un cadre occidental et contemporain, le matériau original donne naissance à un programme inégal dans sa mise en scène, mais captivant par sa tension et son sens du suspense.

Aux premières images, elle ressemble à une simple copie pour adolescents : un pensionnat d’élite, des rivalités entre élèves, une héroïne mystérieuse et des tragédies en embuscade. Pourtant, la nouvelle production de Netflix s’inscrit dans une filiation plus singulière qu’il n’y paraît. Mise en ligne en intégralité le 15 mai, Bet s’inspire librement du manga Gambling School, publié en 2014.

Dans cet univers où le pouvoir scolaire repose sur les jeux d’argent, la série transpose l’école japonaise dans un cadre nord-américain en 2025. Si elle en conserve les grands ressorts narratifs, elle en réinvente les codes à travers l’esthétique et les conventions du teen drama contemporain.

Une héroïne plus lisible, un univers plus balisé

Exit l’Académie Hyakkaō et ses rituels feutrés. St. Dominic’s Prep, son équivalent canadien, accueille les héritiers d’une élite mondiale – PDG, mafieux, criminels – formés à dominer, non par l’intelligence ou le mérite, mais par leur capacité à manipuler et à écraser. Le principe reste inchangé : à l’école, les règles sont celles du casino.

Dans le manga d’Homura Kawamoto comme dans l’anime du studio MAPPA – aussi disponible sur Netflix –, Yumeko Jabami apparaissait comme une énigme. Transfuge élégante, elle bouleversait les équilibres non par désir de pouvoir, mais par pure ivresse du risque. Dans Bet, la protagoniste conserve son prénom et son apparente retenue, mais ses intentions divergent.

Dès le premier épisode, des flashbacks dévoilent un passé familial douloureux et une vengeance longuement méditée. Là où Gambling School laissait planer un mystère volontaire autour de ses motivations, l’adaptation semble choisir l’explication frontale. La tension en pâtit : la folie de Yumeko devient stratégie, sa spontanéité se rationalise, son imprévisibilité se dilue.

Adaptation fidèle ou trahison créative ?

Le récit conserve toutefois certains jalons emblématiques du manga. La confrontation inaugurale entre Yumeko et Mary, rivale du premier épisode, retrouve son intensité d’origine. Autour d’elles, plusieurs figures ont été réécrites. À commencer par Ryan (anciennement Ryōta, incarné par Ayo Solanke), le compagnon de la première heure ; Kira (version occidentalisée de Kirari, interprétée par Clara Alexandrova), présidente du Conseil aux lèvres bleues ; ou encore Runa (Laura Afelskie), toujours énigmatique.

Miku Martineau et Hunter Cardinal dans Bet.©Netflix

À ces adaptations s’ajoutent plusieurs créations originales propres à l’écriture de Netflix. Michael, interprété par Hunter Cardinal, ou Blake, colocataire de Yumeko, ne figurent pas dans le matériau de base. Mais, loin de déséquilibrer l’ensemble, leur insertion élargit l’éventail des dynamiques sociales et laisse entrevoir de nouvelles tensions.

Ces ajouts figuraux s’accompagnent d’innovations structurelles. Les jeux évoluent – pensés pour un public adolescent occidental, familier des réseaux sociaux et des codes du divertissement contemporain –, tout comme les relations de pouvoir. Un système inédit de « maisons », inspiré des enseignes d’un jeu de cartes, organise désormais les élèves en factions, injectant dans l’univers une touche de compétition collective.

Une mise en scène en quête de maîtrise

C’est surtout sur la forme que Bet peine encore à convaincre pleinement. Dès les premières séquences, la réalisation affiche un goût prononcé pour les effets : ralentis surjoués, filtres, incrustations verticales façon TikTok… Cette esthétique, censée refléter un univers adolescent, donne parfois l’impression d’un surcodage visuel mal digéré, où l’image peine à respirer. Certaines scènes gagneraient en intensité en s’affranchissant de ces artifices pour laisser place au silence, à l’attente, à la tension.

Bet.©Netflix

Heureusement, à mesure que la série avance, la mise en scène s’épure. Les confrontations gagnent en densité, les jeux de lumière s’affinent et les décors prennent de l’ampleur. Le cadre scolaire, d’abord lisse, se mue progressivement en arène.

Des jeux cruels, une société sous verre

Cœur battant de la série, les épreuves rythment la progression des personnages et leur rapport à l’autorité. On y retrouve les classiques – poker, blackjack – mais aussi des épreuves plus contemporaines et surprenantes. Ces jeux, conçus comme des révélateurs sociaux, mettent en scène des hiérarchies mouvantes, des pactes temporaires, des humiliations collectives.

Aviva Mongillo et Laura Afelskie dans Bet.©Netflix

Loin des teen dramas bienveillants en vogue sur la plateforme (Sex Education, Heartstopper, Mes premières fois), Bet assume sa brutalité morale. L’adaptation ne cherche pas à aborder de front des sujets de société comme le harcèlement, la santé mentale ou les discriminations. Elle les expose dans leur crudité, sans le vernis d’une dénonciation didactique, la rapprochant de la signature de l’œuvre mère. L’élève malmené n’est pas sauvé, le bourreau n’est pas puni.

Une tension qui rappelle d’autres fictions

Difficile de ne pas penser à Squid Game ou Alice in Borderland, tant Bet s’appuie, elle aussi, sur une logique d’épreuves successives. Mais, à la différence de ses modèles plus radicaux, la série choisit le cadre du lycée et une narration plus accessible, centrée sur des adolescents pris dans un système oppressant. Moins noire, elle joue néanmoins avec les mêmes ressorts : la peur de perdre sa place, l’humiliation publique, l’isolement social.

Bet.©Netflix

Avec cette nouvelle production, Netflix poursuit sa stratégie de déclinaison live-action de grands titres asiatiques. Moins spectaculaire que One Piece, moins viscérale qu’Alice in Borderland, Bet propose un divertissement intermédiaire, calibré, mais assumé, qui pourrait trouver sa place chez un public jeune, friand de récits tendus et codés. Si l’ensemble reste inégal, il parvient à maintenir l’attention et à construire un univers propre. Dans cette école où tout se joue sur le contrôle, Bet avance à pas feutrés, mais la partie est loin d’être perdue.

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