
Après des décennies de lutte pour conquérir le marché des consoles de salon, les différents constructeurs ne semblent plus vraiment en compétition, ayant tous misé sur des stratégies et des publics assez différents. On vous explique tout.
C’est un sujet récurrent depuis la naissance de l’industrie du jeu vidéo : à chaque génération de consoles, une grande guerre publicitaire et commerciale s’engage pour savoir qui va remporter le marché du gaming et ainsi devenir LA machine de référence à dépasser pour les années à venir. Certaines générations ont vu la compétition se concentrer sur un grand nombre de machines concurrentes, d’autres opposer seulement deux mastodontes – à l’image du duel acharné entre Nintendo et Sega dans les années 1990.
En revanche, voici quelques années que la guerre de la plateforme dominante dans le jeu vidéo semble se concentrer sur un nombre stable et restreint d’acteurs. Ces derniers ont tous adapté une stratégie radicalement différente de leurs concurrents et ciblent des publics complémentaires plutôt qu’opposés. Et en 2025, cette tendance s’est accentuée, au point que les plus gros acteurs du marché ne semblent même plus se considérer comme des concurrents directs. Et ce n’est pas le patron de Xbox qui nous dira le contraire, lui qui a clairement affiché son soutien à la Switch 2 lorsqu’elle a été annoncée officiellement par Nintendo.
Des publics captifs et bien identifiés.
Du côté du jeu PC, qui a gagné une base très solide de joueurs depuis la dématérialisation du marché, l’offre est ultradominée par la société Valve, éditeur du service Steam, qui a notamment lancé ces dernières années des machines hybrides entre le PC et la console portable, les Steam Deck. Ces dernières permettent de jouer à sa ludothèque PC sur une machine aisément transportable au prix de quelques compromis techniques, et se sont écoulées à 6 millions d’exemplaires depuis leur lancement, malgré une gamme de prix relativement élevée (de 400 à 700 € selon les modèles).
Steam n’est pas le seul fabricant de consoles permettant de lancer sa collection de jeux PC de la sorte, mais les concurrents du Steam Deck (comme la ROG Ally ou la ROG Ally X d’Asus, que nous avons testée) se cantonnent à un public de niche et de spécialistes de la question. Un quasi-monopole qui confère à Steam une part de marché de plus de 90 % sur les revenus du jeu PC, très loin devant ses concurrents comme Ubi Connect, EA Play ou l’Epic Game Store.

Néanmoins, malgré cette progression considérable du gaming PC, devenu depuis quelques années plus abordable et plus pratique, les bonnes vieilles consoles de salon ont encore un public très fidèle. Cependant, les trois offres principales (la PlayStation 5 de Sony, la Nintendo Switch et les consoles Xbox de Microsoft) ont opté pour le ciblage de publics très différents.
Xbox mise tout sur son catalogue, Sony sur le grand public.
Bien en peine d’écouler en masse les consoles de la gamme Xbox Series dont les ventes sont à la peine depuis des années, Microsoft a récemment assumé un changement complet de stratégie. Impossible désormais de concurrencer Sony sur les ventes de machines (à peine 30 millions de machines écoulées contre 80 millions pour la PS5).
Or, Microsoft a l’avantage de posséder un énorme catalogue de studios allant de Blizzard à Activision en passant par Obsidian et Double Fine, et donc une capacité à produire des titres de grande envergure dans des licences connues. Avec la promesse de pouvoir y accéder facilement sur console et PC via le système du Gamepass, un abonnement à prix modique permettant d’accéder à un catalogue énorme de jeux.
Cette stratégie entamée il y a quelques années a permis de constituer une base d’abonnés mensuels de plus de 35 millions de joueurs, assurant un revenu indépendant des ventes individuelles de jeux pour la multinationale. En 2025 cependant, cette stratégie de « Netflix du jeu vidéo » ne peut pas présenter une croissance infinie et s’est donc doublée d’une volonté très claire de Microsoft d’abandonner sa politique d’exclusivité. L’entreprise propose donc dorénavant un modèle hybride dans lequel ses jeux ne sont plus des « exclusivités » comme au temps de la fameuse « guerre des consoles », mais bien des titres accessibles largement sur un maximum de plateformes. Impensable il y a encore quelques années.
De son côté, la PlayStation 5 de Sony continue de se vendre presque aussi rapidement qu’elle est fabriquée et mise toujours sur une politique de grosses licences exclusives (Horizon Zero Dawn, Astro Bot, God of War, The Last of Us…) très identifiées par un public prêt à payer 80 à 100 € pour un gros jeu spectaculaire. Là aussi, cette offre se complète par l’abonnement à un catalogue (le PlayStation Plus, qui revendique plus de 40 millions d’abonnés) et par quelques sorties de gros jeux vidéo sur PC, mais c’est surtout sur son immense base déjà bien installée de « joueurs de salon » que Sony se repose. Et ce désormais sans être confronté à aucune concurrence sérieuse en la matière.
La Nintendo Switch conserve une image familiale et pratique
Reste donc Nintendo, qui a très récemment annoncé sa Switch 2, dont le lancement se précise pour les prochains mois. Avec 150 millions d’exemplaires vendus et près de 1,5 milliard de jeux écoulés, la console hybride du constructeur japonais, à la fois console de salon et console portable, est devenue l’un des objets technologiques les plus vendus de tous les temps.

Et pourtant, son positionnement avait de quoi surprendre : un processeur graphique nettement moins puissant, une capacité de stockage très limitée, et une incapacité à faire tourner les plus grosses productions du marché. Or, la console n’a jamais cessé de se vendre par millions depuis sa sortie en 2017, et la Switch 2 semble promise à la même trajectoire. Trois raisons expliquent ce succès.
La première, c’est le grand nombre de licences extrêmement populaires possédées par Nintendo et ses studios tiers, assurant au constructeur l’exclusivité sur certaines des plus grosses franchises mondiales : Mario, Zelda, Pokémon, etc. Autant de garanties d’écouler des millions d’exemplaires de plusieurs titres chaque année. La seconde, c’est une image de console « familiale » contenant pléthore de jeux adaptés au jeune public, un segment pratiquement abandonné par la concurrence. La troisième, c’est tout simplement… Parce que Nintendo n’a plus de véritable concurrence sur le marché des consoles portables, les machines de type Steam Deck ou PlayStation Portal étant globalement beaucoup plus chères, plus difficiles d’utilisation et adossées à des catalogues bien différents. Une stratégie qui devrait demeurer similaire avec la Switch 2.
Un marché qui n’offre plus de confrontation directe entre les constructeurs
En somme, les principaux acteurs du marché sont désormais dans des couloirs parallèles et assez peu concurrentiels : Microsoft vend son Game Pass et ses licences, Sony sa console de salon, Nintendo son modèle de console simple et familiale, et Valve règne sans partage sur le monde du PC.
Une situation qui a conduit les principaux dirigeants de l’industrie du jeu vidéo à reconnaître que, faute de combattants déployés dans le même secteur d’activité, la fameuse « guerre des consoles » s’était plus ou moins terminée sans vainqueur ni vaincu. Bien entendu, dans un monde de compétition capitaliste et dans un secteur par ailleurs en proie à de fortes perturbations et à des plans sociaux à répétition, les principaux constructeurs continuent de rivaliser pour capter l’attention d’un maximum de joueurs.

Mais il faut reconnaître que cette compétition ne semble plus devoir passer par des stratégies d’opposition frontale, ni par une lutte pour l’acquisition d’exclusivités ou des changements majeurs dans les stratégies d’acquisition de nouveaux publics. Après 30 ans de compétition acharnée, les principaux acteurs du marché paraissent donc avoir chacun trouvé leur spécialité et leur modèle de développement à long terme.