
Le film avec Angelina Jolie revient sur la dernière semaine de la célèbre cantatrice, Maria Callas, à Paris avant son décès en septembre 1977.
Avec Maria, Pablo Larraín conclut sa série de films consacrés à des femmes historiques et pourtant prisonnières de leur condition. Après la politique dans Jackie (2016) et la royauté dans Spencer (2021), le cinéaste s’empare du monde de l’art et dresse le portrait de Maria Callas, surnommée « La Callas », lors des derniers jours de sa vie à Paris.

En septembre 1977, Maria Callas s’est retirée de l’opéra, estimant qu’elle n’a plus sa voix d’antan. Toujours considérée comme une icône aux yeux du public, elle tente de retrouver son timbre et imagine un retour sur scène. Dans Maria, le réalisateur utilise ainsi les derniers jours de la cantatrice pour revenir sur toute sa vie, à l’aide de témoignages ou de flashbacks. C’est d’ailleurs grâce au récit guidé de Maria Callas elle-même que le film parvient à développer son propos. Grâce à une interview fleuve, l’artiste revient sur les moments les plus importants de sa carrière, sur ses échecs et sur ses relations avec les hommes.

Car si Maria traite de la culture et de l’art, c’est également un film basé sur le rapport qu’entretient Maria Callas avec elle-même et avec ses amours passés. Comme dans Jackie ou Spencer, Pablo Larraín développe le portrait d’une femme forte de l’histoire plongée dans un monde patriarcal.
Un film à distance de son sujet
Si dans Jackie et Spencer, les protagonistes vivaient avec le traumatisme récent ou la peur du monde – offrant à Spencer son allure de film d’horreur –, Maria évolue différemment.
Arrivant progressivement au bout de sa vie, La Callas apparaît forte et déterminée, malgré les regrets. Pablo Larraín adopte ainsi une mise en scène différente, plus retenue, filmant ses personnages de façon lointaine – comme en témoigne la glaçante scène d’ouverture, qui relate le décès de Maria Callas. Un choix scénaristique et scénographique que Pablo Larraín justifie au micro de France 2 : « Maria Callas est devenue à la fin de sa vie l’incarnation des personnages tragiques qu’elle interprétait. » Le cinéaste filme son héroïne comme si, effectivement, elle était encore dans la performance, habitée par les personnages de son répertoire.

Le réalisateur conserve néanmoins un esthétisme poussé. Le Paris de l’époque semble sortir tout droit d’un fantasme, tandis que l’univers coloré et faste de l’opéra ajoute à la beauté picturale du film. Collaborant une nouvelle fois avec le directeur de la photographie Ed Lachman, (Virgin Suicides, Carol), après El Conde (2023), Pablo Larraín joue avec les angles et l’image pour ajouter cette notion de rêve et de témoignage légèrement abstrait.
Maria traite de la fin de vie et la réalité n’est pas toujours ce qu’elle semble. Ce faisant, le cinéaste évite aussi d’offrir un regard trop direct sur son personnage. Il lui laisse ainsi ses parts d’ombre, ses zones de mystère et invite à l’interprétation sans affirmer détenir toute la vérité. Un choix judicieux étant donné l’image insaisissable qu’a entretenue Maria Callas jusqu’à sa mort.
Un grand rôle pour Angelina Jolie
Devant la caméra, Angelina Jolie est quasiment de tous les instants et trouve l’un de ses plus grands rôles. Pourtant, l’actrice n’a pas du tout la même énergie, dans le regard ou dans le comportement, que celle vue sur de vraies d’archives. Le choix de la comédienne pourrait sembler hors de propos, mais, conservant son parti-pris de la libre interprétation, Pablo Larraín préfère résonner avec le vécu d’Angelina Jolie, plutôt qu’avec une ressemblance physique poussée.
Angelina Jolie signe son grand retour avec Maria. Par de nombreux aspects, le récit est celui de deux femmes (Callas et Jolie) qui tentent de retrouver une gloire un peu passée, tout en faisant face à leur popularité. Selon Angelina Jolie et toujours dans une interview accordée à France 2, « le cinéaste sait filmer à la fois l’ample et l’intime », offrant une pluralité dans le jeu. L’actrice semble habitée par le rôle et délivre l’une de ses plus belles interprétations, dans le chant, la tenue physique et l’émotion.
« La voix est au cœur du film », affirme Pablo Larraín. Pour cela, l’actrice a suivi une préparation poussée pour être en mesure d’interpréter elle-même certains chants d’opéra. Une expérience riche pour la comédienne, qui confesse n’avoir pas « pris la mesure de ce que signifiait chanter de l’opéra » avant ce film.
Malgré ses nombreuses qualités, le long-métrage demeure pourtant confus. En condensant la vie de l’artiste et en abordant plusieurs thématiques, Maria évite les écueils du biopic classique, mais devient laborieux dans son déroulé. Pablo Larraín enchaine ainsi les séquences abstraites autour de son héroïne. Ces instants – comme suspendus dans le temps – tentent de nous faire comprendre qui était La Callas, mais ne parviennent finalement que très rarement à convaincre, en raison d’une certaine déconnexion de la mise en scène.
Les moments de vie partagés par la cantatrice dans le « présent » avec son majordome (Pierfrancesco Favino) et sa cuisinière (Alba Rohrwacher) – tous les deux impeccables dans un registre sobre et attachant – sont de loin les passages les plus réussis. Focalisées sur la vie et le relationnel, moins dans l’abstrait et le symbole, ces scènes offrent une réelle sensation de proximité avec La Callas.

En trois films, Pablo Larraín a su rendre hommage à trois grandes femmes du siècle dernier. Chaque fois, le cinéaste opère différemment et se renouvelle. Maria est à la fois le film le plus accessible et le plus distant. Bénéficiant d’une interprétation sincère et d’une reconstitution colorée des années 1970 à Paris, il a toutefois les limites de son sujet.
Traitant de la fin de vie d’une icône, il est trop souvent tourné vers le passé, sans perspective d’avenir ou d’espoir. Le rythme s’en ressent et empêche le biopic d’être autre chose qu’une succession de portraits permettant de comprendre le mythe qu’est La Callas. Mais quel mythe !
Maria, de Pablo Larraín, avec Angelina Jolie, Pierfrancesco Favino et Alba Rohrwacher, 2h03, au cinéma le 5 février 2025.