Une sélection de romans petit format pour glisser un maximum de livres dans sa valise.
| Croire aux fauves, de Nastassja Martin
Croire aux fauves est un texte magistral, hypnotique et déchirant qui marque la pensée anthropologique autant qu’il secoue les habitudes littéraires. 25 août 2015. Alors que Nastassja Martin s’apprête à escalader le plus haut volcan de la province russe du Kamtchatka, elle tombe nez à nez avec un ours qui l’attaque sauvagement.
Miraculeusement rescapée de la gueule de la bête grâce au piolet qu’elle réservait à son ascension, la peau arrachée, la pommette fracturée, l’anthropologue est traversée par une sorte d’illumination. Comme si au-delà de cet affrontement et de cette mort évitée de peu, l’ours et elle avaient partagé un vertige commun ; comme si, l’espace d’un instant, l’humaine et l’animal n’avaient fait qu’un.
Ballotée dans les hôpitaux russes puis français pour reconstruire un visage symbole de la bestialité, Nastassja Martin ne cesse pourtant de repenser à cette union presque sacrée. Plus qu’un journal de survie, Croire aux fauves est le long poème en prose enflammée d’un séisme intérieur, un cri du cœur pour repousser les frontières de l’animalité, pour repenser ce qui fonde le rapport au monde, aux hommes, à soi.
| L’Invitée, d’Emma Cline
Après plusieurs années à vivre de ses charmes à New York, Alex croit enfin vivre le rêve de toute escort : tomber sur un homme prêt à acheter définitivement sa beauté pour la sauver de sa condition. Simon pourrait être son père, mais il est riche, très riche et lui propose de venir passer l’été dans sa demeure des Hamptons. Une occasion en or d’échapper aux dettes et aux ennuis qui la poursuivent depuis trop longtemps. Croyant appartenir à ce nouveau monde, persuadée de jouir d’une nouvelle liberté, il ne lui faudra que quelques semaines pour se rendre compte que rien n’a changé.
Elle commet une erreur irréparable et est mise à la porte. Mais plutôt que de s’avouer vaincue et de rentrer, elle décide plutôt d’errer dans ce paradis bourgeois avec une obsession en tête : prendre sa revanche. Emma Cline n’est jamais aussi redoutable que quand elle sonne, pour ses personnages féminins, la fin de l’innocence.
| GPS, de Lucie Rico
Le fil d’Ariane. Ariane est en route pour les fiançailles de sa meilleure amie. Pour la guider jusqu’au lieu des festivités, la future mariée lui a partagé sa position GPS, un point qu’elle peut suivre à tout moment sur son portable pour la retrouver. Alors quand, le lendemain de la fête, Sandrine disparaît soudainement et que le point continue, lui, à scintiller et à se déplacer, la narratrice ne sait plus à quel saint se vouer.
Et même la découverte d’un corps calciné ne l’empêche pas de douter. Lucie Rico s’empare des nouveaux usages pour bâtir un redoutable thriller et un récit paranoïaque haletant dans lequel le virtuel fait irruption dans nos vies pour chambouler le deuil des êtres et défier la mort elle-même.
| Lettre sur l’histoire de Joan Anderson, de Neal Cassady
Pendant 60 ans, la Lettre sur l’histoire de Joan Anderson de Neal Cassidy a disparu et l’on pleurait l’évanouissement de l’un des textes fondateurs de la littérature américaine contemporaine. Retrouvée par hasard, en 2014, dans un sous-sol de San Francisco, ce monument nous parvient aujourd’hui en France. Seize mille mots griffonnés à la hâte, comme une pulsion, par un poète sous amphétamine. Avec une prose mystique, une plume habitée par une indomptable fureur de vivre, Neal Cassidy fait le récit d’un voyage initiatique qui le conduit vers sa ville natale, Denver.
C’est là-bas, dans les vapeurs d’alcool et de drogue, qu’il fait la rencontre de Joan Anderson, une femme à la beauté incandescente qui va l’ensorceler. Seize mille mots qui marqueront à jamais l’histoire de la littérature, parce qu’ils vont précipiter la naissance d’un écrivain et d’un mouvement emblématique : Jack Kerouac et la Beat Generation. Neal Cassidy n’aura jamais droit à la même postérité. Ses pérégrinations sous acide, son séjour en prison, sa mort d’overdose à 40 ans : il est une de ces étoiles filantes littéraires pour qui écrire voulait dire vivre, éperdument, les deux pieds dans le présent.
| Les Trafiquants d’éternité I – L’Ambition, d’Amélie de Bourbon Parme
Après le sort funeste du fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette dans Le Sacre de Louis XVII, après le mystérieux renoncement au trône de Charles Quint dans Le Secret de l’Empereur, l’écrivaine et historienne Amélie se Bourbon Parme nous emmène à nouveau dans les couloirs du temps à la rencontre d’une autre figure héroïque du passé.
Premier tome de la trilogie Les Trafiquants d’éternité, L’Ambition raconte avec un savoureux mélange d’érudition et de tension romanesque la jeunesse d’Alessandro Farnese, aristocrate provincial pris dans une guerre d’influence entre Rome et Florence, le futur Paul III, pape méconnu et pourtant emblématique de la Renaissance. Elle rend hommage à un homme brillant, fondateur d’une dynastie dont elle descend directement.
| Et c’est ainsi que nous vivrons, de Douglas Kennedy
Douglas Kennedy n’est jamais aussi bon que quand il puise dans la noirceur du thriller pour brosser l’Amérique à la paille de fer. Cela fait longtemps que le romancier alerte contre le danger qui vient. En faisant, dans Les Hommes ont peur de la lumière, paru l’année dernière, le récit d’un odieux attentat dans une clinique d’avortement de Los Angeles, il portait un remarquable coup littéraire au puritanisme qui gangrène désormais la société américaine et promettait déjà le pire : une nouvelle guerre de Sécession dont le moteur serait la religion.
2045, l’union des États américains a volé en éclat et le pays est scindé en deux. Les grandes villes de la côte est (New York) et ouest (San Francisco, Los Angeles) se sont regroupées et forment une République ambigüe, une société surveillée, mais qui garantit une totale liberté de mœurs. De leur côté, les États du centre, les flyovers, ceux qu’on survole, trop longtemps méprisés, ont pris leur revanche et se sont associés au sein d’une puissante Confédération qui n’a qu’un seul crédo : rétablir les valeurs chrétiennes bafouées par ces lieux de débauche que sont les métropoles mondialisées.
Entre les deux camps, le conflit idéologique fait rage et la tension est à son comble. Alors, quand Samantha Stengel, une espionne de la République, est chargée d’infiltrer la Confédération, elle sait qu’elle se lance dans une redoutable mission. Avec ce roman noir féroce, d’une actualité brûlante, Douglas Kennedy se place dans les pas de Margaret Atwood et continue sa croisade salutaire contre l’intégrisme religieux d’un pays prêt à se déchirer au nom de Dieu.
| État de terreur, d’Hillary Rodham Clinton et Louise Penny
S’arranger avec la vérité pour fabriquer des histoires et les mettre en scène : au fond, les politiques et les romanciers font le même métier. D’ailleurs, ils sont nombreux ces dernières années à franchir le Rubicon et s’essayer à la fiction. En France, Édouard Philippe a publié un polar, Bruno Lemaire une fresque historique olé olé, Marlène Schiappa des romances érotiques assumées. Aux États-Unis, c’est Hillary Clinton qui s’est piquée de littérature avec État de terreur, co-écrit avec la romancière canadienne Louise Penny.
Fraîchement nommée secrétaire d’État, en conflit avec son Président, Ellen Adams est confrontée à une série d’attentats qui touchent toute l’Europe et s’apprêtent à frapper l’Amérique. Du Pakistan à l’Iran, de la mafia russe à une mystérieuse organisation terroriste, un compte à rebours infernal commence pour déjouer les plans d’un redoutable ennemi intérieur. Un thriller géopolitique haletant.