Décryptage

Le western a-t-il encore quelque chose à raconter ?

17 juillet 2024
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Le western a-t-il encore quelque chose à raconter ?
©BrAt82/Shutterstock

Le manque d’engouement du public pour le premier volet de la saga Horizon de Kevin Costner semble confirmer que le mythe de la conquête de l’Ouest n’intéresse plus. Faut-il pour autant arrêter de faire des westerns ?

Avec sa fresque monumentale Horizon, Kevin Costner affiche sa grande ambition : rendre ses lettres de noblesse au western. Car, il faut bien l’avouer, il les a un peu perdues. La preuve, le célèbre acteur et réalisateur a dû hypothéquer une de ses propriétés pour réussir à produire les deux premiers volets de sa quadrilogie, faute de trouver des producteurs qui veuillent bien le suivre sur ce sentier bien moins rentable qu’il y a quelques décennies. Difficile de leur jeter la pierre au vu des résultats pour l’instant décevants du premier film.

À croire que le filon du western s’est tout simplement épuisé à force d’avoir été surexploité. En effet, dans son livre The American West. The Invention of a Myth, l’universitaire américain David Hamilton Murdoch estimait en 2001 que « peut-être que 7 000 westerns ont été réalisés au total depuis The Great Train Robbery, en 1903 ». De quoi gaver le public jusqu’à l’écœurement.

Un héritage vivace malgré un succès en berne

Il faut dire que la conquête de l’Ouest sauvage et le show-business, c’est une très longue histoire. Des premiers dime novels du XIXe siècle aux spectacles du Wild West Show de Buffalo Bill à l’orée du XXe siècle, jusqu’au catastrophique chef-d’œuvre La Porte du Paradis, en 1980, la thématique a su attirer les foules. Mais, justement, après ce film de trop, qui a rapporté 3 millions de dollars alors qu’il en avait coûté 40, le public s’est désintéressé des cow-boys et les maisons de production avec.

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Depuis, deux ou trois films estampillés « western » continuent de squatter les salles obscures, chaque année, avec plus ou moins de succès, mais, comme le regrette le journaliste François Cérésa, on est loin de l’âge d’or des années 1960-1970, « où l’on pouvait sortir 250 westerns en l’espace de deux ans ou à peine plus ».

Le journaliste et écrivain, nostalgique des cow-boys de son enfance, leur a récemment rendu hommage dans Total Western, une véritable déclaration d’amour à ce genre cinématographique véritablement mythique. « Parce que le western, c’est avant tout de la mythologie, c’est du mythe, de la chanson de geste ! », assure-t-il en comparant les aventures des pistoleros à celles du héros de la guerre de Troie ou de la Table ronde. Achille se nomme simplement Johnny et le roi Arthur devient Wyatt Earp, mais les grandes tragédies, les émotions et le souffle épiques sont là, transposés dans les grandes plaines.

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Un cadre idéal pour offrir au 7art une matière digne de dévoiler tout son potentiel, avec des images percutantes. « Pensez à L’Homme aux colts d’or, ce film d’Edward Dmytryk, avec Henry Fonda, Anthony Quinn et Richard Widmark, illustre l’écrivain. C’est encore du mythe. Dans la réalité, on n’a jamais vu un mec qui avait des colts en or. C’est une invention d’Hollywood, mais c’est une invention superbe. C’est formidable, ces colts qui brillent au soleil. Et quand on voit Henry Fonda à la fin du film, avec sa ceinture et ses deux colts en or, qui va à la rencontre de Richard Widmark, on ne peut que se demander ce qui va se passer… »

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Des exemples de ce style, François Cérésa en a des centaines, issus de souvenirs de projections qui l’ont subjugué. Mais il est loin d’être le seul à avoir suivi le duel d’Henry Fonda et Richard Widmark avec passion. Des générations de spectateurs ont été fascinées par l’esthétique des westerns et, parmi eux, de futurs réalisateurs qui ont réintroduit dans leurs œuvres une esthétique qui les a profondément marqués.

Impossible de ne pas percevoir l’influence d’Ennio Morricone, compositeur iconique des westerns spaghettis, dans le générique du Mandalorien composé par Ludwig Göransson.

Et pas besoin de mettre en scène des tuniques bleues et des Indiens pour cela. Que ce soit l’Avatar de James Cameron, la série The Mandalorian ou la dernière adaptation des Trois Mousquetaires, de nombreuses réalisations modernes affichent fièrement l’héritage d’un genre caractérisé par « l’esthétisation permanente de quelque chose qui aurait pu exister, mais qui n’a pas existé ».

Le grand mytho américain

En effet, le western n’est rien d’autre que le roman national des États-Unis, écrit sur pellicules. Une conquête de l’Ouest fantasmée, bien loin de la réalité, comme le rappelle François Cérésa : « Les westerns me plaisent parce qu’ils racontent une légende, mais je trouve l’histoire de l’Ouest américain assez minable, parce que les Américains ont tué les Indiens, ils ont tué les bisons, ils ont tué tous ceux qui les gênaient. Ce n’est pas comme ça que l’on construit un pays. Donc la légende a été créée par quelques individualités, et puis par des gens du cinéma qui ont popularisé cette légende à travers des personnages inspirés de ces individus. »

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C’est typiquement le cas de personnes comme Buffalo Bill, Wyatt Earp et bien d’autres, au passé bien moins glorieux que ce que laissent penser leurs mythes. À l’inverse, d’autres figures ont été écartées du roman national pour coller à l’image d’une nation de héros intrépides… et blancs. C’est ce qui est arrivé à Bass Reeves, premier shérif noir des États-Unis, ou Britton Johnson, dont l’histoire vraie inspira John Ford pour La Prisonnière du désert, où le rôle du héros est occupé… par John Wayne.

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Ajoutez à cela la question du génocide des nations amérindiennes et vous comprendrez pourquoi le western américain a pu s’attirer les foudres du public dès la fin des années 1960. Entre le mouvement des droits civiques et l’opposition à la guerre du Vietnam, le public du monde entier a été forcé de jeter un nouveau regard sur le passé mythifié de la nation américaine.

Le documentaire Black Far West revient sur le rôle méconnu car invisibilisé des populations afro-américaines dans la conquête de l’Ouest.

Le western n’a pas volé sa place au panthéon de la pop culture

Ce mouvement de révision historique a contribué à donner naissance aux (anti)héros des « westerns spaghetti » ou « crépusculaires », des versions un peu moins irréprochables, proprettes et monolithiques que leurs inspirations classiques. Les cow-boys sont devenus plus sombres, plus sales, plus cyniques et, pour continuer dans cette veine, les réalisateurs actuels tentent de vendre leurs aventures comme plus réalistes.

Mais racontent-ils pour autant quelque chose de nouveau ? Rarement. Il faut avouer que l’exercice est difficile quand il concerne un genre qui, en plus de 120 d’existence, a su se réinventer plusieurs fois et raconter des milliers d’histoires, parfois même en plusieurs versions.

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Pourtant, de Kévin Costner à Jacques Audiard en passant par Viggo Mortensen, Quentin Tarantino, Jane Campion (The Power of the Dog) ou encore Nathalie Portman (Jane Got a Gun), ils ont été nombreux ces dernières années à s’y essayer. L’attrait des réalisateurs pour ce genre mythique se perçoit à travers les projets de films ou de séries qui continuent coûte que coûte à sortir, même si la mode est plus aux super-héros en costumes moulants qu’aux shérifs aux étoiles plus ou moins bien lustrées.

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Et c’est sans compter les équivalents en bandes dessinées, jeux vidéo et autres médias produits par des passionnés qui ont envie d’apporter leur pierre à un édifice culturel dont le style a laissé sa marque sur le XXe siècle. Mais a-t-il encore un intérêt pour ce nouveau millénaire ? Peut-être garde-t-il simplement, comme tous les mythes, la capacité de nous émerveiller.

Tout comme les histoires de la guerre de Troie ou de la Table ronde continuent de nous émerveiller malgré leurs parts d’ombre et leurs multiples itérations. Car ces grands récits continuent de véhiculer un souffle épique et tragique qui fait les plus belles légendes du patrimoine culturel mondial, parmi lesquelles siègent assurément celles du Far West.

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