Entretien

On a parlé engagement avec Golshifteh Farahani au Festival de Cannes

04 juin 2024
Par Lisa Muratore
Golshifteh Farahani a reçu le Humann Prize 2024 au Festival de Cannes, pendant la 9e semaine du Cinéma positif.
Golshifteh Farahani a reçu le Humann Prize 2024 au Festival de Cannes, pendant la 9e semaine du Cinéma positif. ©ŠICONO CLAST - LYLY FILMS - FRANCE 2 CINEMA - 2024

Présente à la 9e semaine du Cinéma positif, durant laquelle elle a reçu le Humann Prize 2024, Golshifteh Farahani était à la Fnac de Cannes dans le cadre d’une rencontre exceptionnelle. À cette occasion, L’Éclaireur a pu s’entretenir avec l’actrice franco-iranienne afin de revenir sur son engagement à travers l’art.

Vous avez reçu le Humann Prize 2024 durant la 9e semaine du Cinéma positif. Qu’est-ce que ça vous fait de recevoir cette distinction aujourd’hui ? 

Je suis très humble, car j’ai l’impression que ce prix ne m’appartient pas. C’est le symbole de mon combat, mais aussi celui de toutes les femmes du monde. Je le dédie à ceux et celles qui se battent pour la liberté et l’égalité. J’ai l’impression, surtout, de porter le prix pour eux. 

Comment définiriez-vous le cinéma positif ? 

Je pense que l’art est quelque chose qui peut faire bouger les choses. L’art est une énergie. C’est comme l’eau qui coule et le soleil qui brille. L’art est une force qui peut créer des vagues. Le cinéma positif est ainsi un des générateurs de l’énergie de l’art. Il peut avoir une influence énorme sur les gens. Par exemple, j’ai eu l’occasion de voir le film de Camille Étienne, Contaminés – Toxic Bodies, qui a porté le prix avec moi.

Ce film m’a fait réfléchir sur mon comportement quotidien. Pour vous donner un exemple, après la projection du film, mon équipe voulait me maquiller avec du maquillage waterproof, mais j’ai refusé, car ce que le documentaire de Camille dit sur cette pratique m’a fait réfléchir. Certes, c’est un petit exemple, mais ça prouve que les choses peuvent changer au contact de l’art, à chaque niveau. 

Contaminés – Toxic Bodies de Camille Étienne.

Aujourd’hui, on a besoin des masses, on a besoin que le peuple demande aux pouvoirs publics de faire des changements pour le bien des générations à venir. Le cinéma est un bras très fort qui peut faire bouger les choses et influencer les masses. Les activistes peuvent aller crier devant les Parlements, mais ceci n’aura pas autant d’influence sur les masses s’ils ne combinent pas leur action avec le cinéma ou l’art. Le cinéma positif, c’est quelque chose qui peut changer le monde pour nous tous.

Le cinéma doit-il toujours être engagé, selon vous ? 

Je trouve que l’art engage quelque chose, quoi qu’il arrive et quels que soient le vécu, l’émotion et la pensée. Le cinéma évoque les pensées et les émotions qui permettent des changements dans le monde. Ceci étant dit, je ne pense pas que le cinéma doive forcément être engagé. C’est plutôt l’art, en général, qui engage les êtres humains. C’est pour cette raison que ça existe : en tant qu’humain, on aime vivre des émotions et on aime que notre émotion soit évoquée. On aime aussi apprendre, on aime avoir des idées, des pensées.

En tant qu’actrice, êtes-vous plus attirée par des films qui ont des messages ? Est-ce déterminant dans vos choix ? Je pense notamment à votre dernier film Roqya et à son traitement féministe.   

Ce film parle d’une femme dont l’indépendance dérange la société. Elle va vraiment jusqu’au bout de sa conviction et choisit sa dignité, même si cela signifie mourir. Bien sûr, c’est un film assez engagé. Pour ma part, je suis née dans le monde engagé, heureusement ou malheureusement d’ailleurs. Je ne sais pas ce que je dois en penser parfois, parce que, je l’avoue, ça me manque de ne pas être un objet de désir. Je ne peux pas me permettre ce luxe. 

La plupart des films que j’ai faits dans ma vie sont des films engagés. Par exemple, Paterson de Jim Jarmusch peut être perçu comme un film engagé, car il engage beaucoup d’émotions. De la même manière, ma présence dans le film est un engagement. Je crois surtout que l’engagement est une question personnelle : jusqu’à quel niveau s’engage-t-on nous-mêmes dans un projet ? C’est ça qui est important dans la vie. 

Bande-annonce de Roqya avec Golshifteh Farahani.

Quels films longs ou courts vous ont marquée pendant la 9e semaine du Cinéma positif ? 

Je dois avouer que les documentaires m’obsèdent. J’aime beaucoup ce genre et j’en regarde énormément. En parlant de documentaire, j’ai déjà Contaminés – Toxic Bodies de Camille Étienne, qui m’a bouleversée. Il est sublime. Il est très bien fait et n’est pas ennuyeux, car c’est souvent un a priori que beaucoup de personnes ont sur le cinéma engagé. J’ai également appris beaucoup de choses. Je suis très heureuse, car sa présentation m’a permis de rencontrer Camille Étienne. Je crois que c’est le meilleur cadeau que je retiens de cette année au Festival de Cannes.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste