Entretien

Thomas Goldberg se confie sur sa dépression : “J’étais juste dans l’attente et dans la survie“

03 décembre 2023
Par Agathe Renac
Thomas Goldberg a participé à une conférence sur la Gen Z, la santé mentale et les réseaux sociaux au festival Pop & Psy.
Thomas Goldberg a participé à une conférence sur la Gen Z, la santé mentale et les réseaux sociaux au festival Pop & Psy. ©David Delaplace

Auteur, chanteur, influenceur et acteur, Thomas Goldberg était l’invité du festival Pop & Psy. L’Éclaireur l’a rencontré juste avant sa conférence, pour échanger avec lui sur sa dépression, sa santé mentale et la Gen Z.

Vous animez aujourd’hui une conférence sur la Gen Z, la santé mentale et les réseaux sociaux. Pourquoi était-ce important pour vous de sensibiliser le public à ce sujet ?

Pour poursuivre le travail que je fais sur les réseaux depuis maintenant deux ans. En réalité, ce serait même étrange que je ne sois pas là. Ce festival fait écho à mes interviews chez Dr. Good, mes posts sur les réseaux sociaux et mon livre.

Votre conférence évoque aussi les clichés véhiculés sur cette génération. Lesquels vous énervent le plus ?

J’ai souvent entendu le mot “branleur” : on nous dit qu’on ne bosse plus, qu’on ne fait rien… Mais c’est faux. On ne grandit simplement plus de la même manière. Aujourd’hui, les jeunes se cultivent aussi avec YouTube et beaucoup d’entre eux sont précoces. Des mecs de 13-14 ans font de la musique sur des logiciels que des personnes de 25 ans ne maîtrisent pas. La génération précédente a peut-être du mal à accepter le fait que tout va plus vite avec nous. Ils nous font passer pour des personnes qui ne travaillent pas, alors qu’on bosse sûrement deux fois plus qu’eux.

Les 18-24 ans sont près de deux fois plus nombreux à avoir été directement concernés par un trouble psychologique que les plus de 65 ans (34 % vs 18 %). Ce phénomène est-il le résultat d’une utilisation massive des réseaux sociaux ou montre-t-il simplement que les jeunes sont plus sensibilisés aux questions de santé mentale ?

Je pense que ce chiffre est le résultat de nombreux facteurs. La libération de la parole est plus facile sur les réseaux : tu trouves des safe places, tu rencontres des personnes qui ont les mêmes problèmes que toi…

« Au début, c’était une vodka orange de temps en temps, et à la fin, je m’éclatais la tête en buvant de 17 h à 1 h du mat. »

Thomas Goldberg

Les jeunes ont plus de facilité à parler de santé mentale. À l’inverse, les sexagénaires ont peut-être plus de mal à accéder à tous ces canaux. Après, je pense que le nombre de personnes qui sont en souffrance a augmenté, surtout depuis le Covid.

Il y a quelques mois, vous confiiez sur Instagram avoir été en dépression pendant trois ans. Pourquoi était-ce important pour vous de partager cette épreuve sur les réseaux sociaux ? Étiez-vous anxieux à l’idée de le faire, ou était-ce une sorte de libération ?

Aucun des deux. Je m’en fous. Je n’ai aucune pudeur sur tout ça, donc ça s’est fait ultranaturellement. Au début, j’étais assez réticent à l’idée de partager mon expérience, car j’avais peur que mon message soit en contradiction avec mes vidéos “Tourne ton téléphone”, dans lesquelles j’assure aux personnes qui me regardent que tout va aller bien. Au bout d’un an, je me suis dit que je devais réfléchir différemment et que si je disais à ceux qui m’écoutent que j’ai été au fond du trou, ils réaliseraient que je ne dis pas juste des paroles en l’air.

On me dit souvent que j’ai été courageux de parler de ma dépression sur les réseaux, mais pour moi, ce n’est presque pas un sujet. C’est comme si j’avais dit en story que j’allais voir le concert d’Hamza (rires). Avoir du courage, c’est prendre sur soi ou sortir de sa zone de confort. Moi, je n’ai jamais caché ma dépression et ma tristesse dans mes posts. Je pense que ça me vient aussi de l’éducation de mes parents, qui ont toujours facilité la communication. Chez nous, il n’y a pas de tabou et je ne leur ai jamais rien caché. J’aimerais avoir ce même fonctionnement avec mes gosses. Je pense que ça induit un rapport beaucoup plus sain.

Qu’est-ce qui a déclenché cette détresse émotionnelle et psychologique ?

Le cinéma. Après La Nouvelle Guerre des boutons, de nombreuses opportunités ne se sont jamais concrétisées pour plusieurs raisons (changements d’emploi du temps, piston d’autres acteurs…). Au final, j’ai été confronté à de nombreux faux espoirs durant plusieurs mois. J’avais l’impression d’enchaîner les claques dans la gueule. J’ai accepté la première, la deuxième était un peu plus dure, la troisième était compliquée… Et, petit à petit, le vase a complètement débordé.

« Quand ma mère a eu peur pour moi, je me suis dit : ok, c’est du sérieux. »

Thomas Goldberg

J’ai commencé très tôt dans l’industrie du cinéma et on m’a tout de suite dit : “Thomas, ça va être chaud, tu vas galérer de ouf.” Au début, tu te dis que ces claques sont normales, car tout le monde s’en prend. Guillaume Canet m’avait confié qu’il en avait pris des dizaines, donc c’était plutôt rassurant. Mais, au bout d’un moment, ça m’a fait trop mal, et j’ai décidé de tout lâcher.

Quels ont été les symptômes de cette dépression ?

L’attente et l’inaction. Je prenais beaucoup de cannabis, je jouais énormément aux jeux vidéo et je suis tombé dans une spirale où je geekais toute la journée en fumant. Le temps passait plus vite. Quand j’étais dans des moments d’attente d’une réponse après un casting qui s’était très bien passé, je passais des mois à ne rien faire jusqu’au verdict. À ce moment, je n’étais pas vraiment triste. J’étais juste dans l’attente et dans la survie.

Ensuite, la tristesse est arrivée et j’ai commencé à boire. J’ai l’alcool joyeux, donc je me disais que ça pouvait m’aider. À certains moments, j’étais seul, giga bourré, et je me sentais trop bien. Cependant, je me disais que je devais faire attention à cet état et à cette dépendance. Au début, c’était une vodka orange de temps en temps, et à la fin je m’éclatais la tête en buvant de 17 h à 1 h du mat. Au final, je ne sentais même plus la sensation d’alcoolémie. J’avais juste mal au crâne et j’étais fatigué, donc je buvais de nouveau en espérant me sentir mieux… Bref, je suis tombé dans une spirale d’alcoolisme et j’ai fini par en sortir tout seul, grâce aux antidépresseurs.

L’alcool m’a vraiment fait peur. Tout le monde le banalise, les parents boivent un verre de vin avant de se coucher, les étudiants enchaînent les verres en soirée en se disant que ce n’est pas grave… Mais pourquoi ils font ça ? Plein de jeunes se bourrent la gueule tous les week-ends, voire plusieurs fois par semaine, mais il y a forcément quelque chose de plus profond qui pose problème. Y a un truc qui va pas. On est en France et on dédramatise le sujet, mais dans certains pays, l’alcool est prohibé et c’est la chose la plus grave de la Terre. Bref : faites attention !

Y a-t-il eu un déclic qui vous a poussé à sortir de cette spirale ?

C’est quand ma mère a eu peur pour moi. Elle a presque pensé que j’allais faire une tentative de suicide. À ce moment, je me suis dit : “Ok, c’est du sérieux.” Elle a mis du temps à comprendre que j’étais en dépression parce que je me renfermais énormément, mais quand elle l’a capté, elle m’a très vite parlé d’antidépresseurs. Mon père en avait pris il y a une dizaine d’années et ça lui avait sauvé la vie en seulement six mois. Au début, je pensais qu’antidépresseurs = hôpital psychiatrique.

« Être sensible ne veut pas dire pleurer toute la journée ; ça veut simplement dire qu’on accepte nos émotions. »

Thomas Goldberg

Au final, elle a beaucoup dédiabolisé et dédramatisé tout ça. J’ai accepté d’en prendre et je n’ai rien senti. Ils régulent juste notre humeur. Quand on est très heureux, on l’est un peu moins, et quand on est archi mal, on le sent moins. Ça soulage énormément. Les échecs et déceptions étaient beaucoup moins douloureux. C’est magique. J’en ai pris pendant six mois et j’ai fixé la date d’arrêt de mes antidépresseurs le jour du concert de Billie Eilish, parce que ça avait du sens pour moi.

Avez-vous l’impression que le sujet de la dépression est tabou en France ? L’est-il encore plus pour les hommes ?

Bien sûr ! On est des mecs, on est virils, on ne doit pas dire qu’on est tristes, évidemment. On est dans une société qui diffuse des clichés ignobles depuis des années. C’est comme l’image du père qui ne parle pas à ses enfants ou qui ne pleure pas : l’homme a sa place et ne doit pas faire un pas de côté. On déconstruit ces idées petit à petit, on est sur le bon chemin, mais ça prend du temps. Être sensible, ça ne veut pas dire pleurer toute la journée et être susceptible. Ça veut simplement dire qu’on accepte nos émotions.

Personnellement, je n’avais pas honte d’en parler, car je n’ai aucune honte ni tabou autour de ces sujets, mais j’avais du mal à partager ces pensées avec mes potes mecs. J’ai toujours dit à ma meilleure amie que j’étais en dépression, mais j’ai perdu des amis parce que je me suis éloigné d’eux sans rien dire. Je n’en avais pas envie. Donc mine de rien, il y avait une sorte de pudeur qui est liée à tous ces stéréotypes sociétaux.

Qu’est-ce qui vous rend heureux, aujourd’hui ?

Pour être honnête, je ne suis pas heureux. Je suis en chemin, je suis en progression. Mais ce qui me rendra heureux, ce sera le fait de remplir des salles de concert et de créer de la musique.

Quels films, séries ou chaînes YouTube vous ont touché ces derniers mois ?

The Office, parce que c’est la plus grande série de l’histoire de l’humanité. Elle est nécessaire pour chaque humain qui a besoin de rire. Il faut aussi voir The Morning Show, qui est très importante, qui permet de réaliser, de comprendre tout ce qu’il se passe aujourd’hui et qui possède clairement le meilleur casting possible. En ce qui concerne les films, je pense que Babylone est l’un des plus grands chefs-d’œuvre de l’histoire du cinéma. Je suis aussi allé voir Napoléon il y a quelques jours et c’est un banger. Il n’est pas très fidèle d’un point de vue historique, mais ça fait du bien de voir des gros films américains sur l’histoire de France.

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Pour finir, EGO fait partie des chaînes les plus haut de gamme sur YouTube. Ils font des vidéos ultradocumentées sur les jeux vidéo et c’est super intéressant. Ma dernière recommandation, c’est The Great Review. C’est un nouveau format sur la plateforme, avec des documentaires d’une heure, une heure et demie avec une voix off ultradynamique. On ne s’ennuie pas une seconde et le montage est incroyable.

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Article rédigé par
Agathe Renac
Agathe Renac
Journaliste