Pour pallier la censure de certains réseaux sociaux en matière de nudité, les musées de la capitale autrichienne ont lancé une campagne inédite sur la plateforme OnlyFans, un des rares réseaux sociaux à tolérer la nudité.
Les musées de Vienne abritent d’innombrables nus de l’Histoire de l’art, de la statuaire antique aux toiles d’Egon Schiele, Modigliani ou Rubens. Et, depuis plusieurs années déjà, les institutions muséales font face à un problème récurrent : comment transmettre au public leurs œuvres emblématiques sur des réseaux sociaux tels qu’Instagram ou Facebook, lorsque ces derniers pratiquent une politique de censure unilatérale ? Si celle-ci permet d’éliminer efficacement du contenu problématique sur des plateformes où l’âge des utilisateurs est difficilement vérifiable, son fonctionnement algorithmique est régulièrement pointé du doigt par les artistes ou institutions dont une part conséquente de l’activité passe par ces réseaux.
En réaction à ce problème, l’office du tourisme de Vienne a récemment ouvert un compte sur la plateforme OnlyFans, réseau social réputé pour sa permissivité. Créée en 2016, la plateforme permet à ses créateurs de partager tout type de contenu, moyennant un abonnement payant. La pandémie a été un énorme accélérateur pour OnlyFans, qui a vu son nombre d’utilisateurs passer de 7,5 à 85 millions en 2020. En août dernier, celle-ci annonçait qu’elle allait prochainement interdire les contenus « sexuellement explicites » en raison des réticences du secteur bancaire. L’annonce avait alors suscité la colère des créateurs et des créatrices de contenus, qui l’année passée ont engendré plus de deux milliards de dollars de frais d’abonnement sur OnlyFans. Face au tollé, la plateforme est rapidement revenue sur sa décision.
Qu’à cela ne Vienne
Les musées de Vienne sont régulièrement confrontés à la censure de leurs œuvres. En juillet dernier, le compte TikTok du musée Albertina était clôturé suite à la publication d’une oeuvre de l’artiste japonais Nobuyoshi Araki montrant un sein féminin obscurci ; déjà en 2019, Instagram censurait sur le compte du musée une toile du peintre flamand Pierre Paul Rubens pour avoir enfreint les normes communautaires de la plateforme. Même problème aujourd’hui pour l’exposition Modigliani, Révolution du primitivisme, qui présente un certain nombre de nus peints par l’artiste italien, ou encore le célèbre Autoportait (1910) d’Egon Schiele exposé au musée Leopold. Cela ne touche pas que la peinture puisqu’en 2018, une photographie de la Vénus de Willendorf (conservée au Musée d’histoire naturelle de Vienne), vieille de 25 000 ans, avait été retirée de Facebook en raison de son caractère prétendument pornographique.
Helena Hartlauer, porte-parole de l’Office du tourisme de Vienne, a ainsi expliqué dans une interview pour The Guardian que cette campagne n’a pas seulement pour but de relancer un secteur touristique en berne, mais également d’alerter sur les nouvelles normes de censure avec lesquelles nombre d’artistes contemporains doivent composer. « Cette initiative marketing de notre part n’est pas la solution ultime à cette relation problématique entre le monde de l’art et les réseaux sociaux, mais nous voulons défendre nos valeurs et nos convictions (…) Vienne a toujours été réputée pour son ouverture d’esprit », déclare-t-elle. Au-delà du fonctionnement chaotique des algorithmes de modération sur ces plateformes – incapables de distinguer une toile de Rubens ou de Modigliani d’un quelconque contenu pornographique – cette initiative des musées viennois révèle surtout la dépendance économique des acteurs de la culture à ces plateformes qui, sous le poids de leurs règles, exercent finalement une certaine une forme de contrôle.