En 2023, les Avengers et les X-Men fêtent leur anniversaire. Malgré des périodes difficiles, les créations de Jack Kirby et Stan Lee sont aujourd’hui deux licences reconnues à travers le monde. Petit cours d’histoire croisée sur les deux équipes iconiques de Marvel Comics.
Depuis le début du siècle, les super-héros se sont imposés comme des figures majeures de la pop culture. Les films X-Men de la Fox (et Spider-Man de Sony évidemment) ont lancé la machine en 2000, avant que les Avengers ne leur volent la vedette pendant la dernière décennie.
Cette dynamique sur grand écran reflète bien l’historique des deux franchises en comics. Liés depuis leur lancement simultané en septembre 1963, les Mutants et les Vengeurs n’ont pas connu les mêmes trajectoires pour atteindre ces sommets de popularité.
Des débuts inégaux
Remontons le fil de ces deux histoires parallèles. Après le succès des Quatre Fantastiques en 1962, Marvel veut un autre comics de groupe. Stan Lee imagine alors avec Jack Kirby une équipe d’adolescents nés avec des pouvoirs et menée par leur professeur Charles Xavier. Il propose le titre The Mutants à son éditeur, qui le refuse, car « personne ne sait ce qu’est un mutant » – mais qui accepte étrangement X-Men.
En parallèle, la Maison des Idées souhaite une nouvelle série avec un héros solo. Daredevil doit voir le jour, mais le premier numéro prend du retard et ne peut pas être envoyé à temps pour l’impression. Pour prendre sa place, Lee propose de rassembler des héros déjà existants, un peu comme la concurrence avec sa Justice League.
Avec son compère Kirby, il crée les Avengers. Pas besoin d’expliquer les origines des personnages, les fans les connaissent et peuvent directement plonger dans des aventures inédites. Dès leurs premières années, les deux séries ne sont néanmoins pas reçues de la même manière.
Loin des hits tels que Spider-Man ou Fantastic Four, Avengers vend bien et trouve son public. En revanche, X-Men a plus de mal. À tel point qu’à partir du numéro 67, en 1970, Marvel arrête de publier du contenu original dans les pages de ce comics, qui ne propose plus que des réimpressions d’histoires.
Pendant ce temps, les Vengeurs connaissent leur premier âge d’or avec les scénaristes Roy Thomas et Steve Englehart. Au début des années 1970, les fans peuvent découvrir de grandes sagas cosmiques comme la Guerre Kree-Skrull ou la saga de la Madonne céleste.
Les X-Men bientôt stars de Marvel
C’est en 1975 que le destin des X-Men va changer à tout jamais. Marvel Comics recommence enfin à publier des récits inédits, avec tout d’abord Giant Size X-Men #1, numéro spécial qui marque l’arrivée d’une nouvelle génération de mutants internationaux : Tornade, Colossus, Diablo et Wolverine (déjà introduit quelque temps auparavant).
Surtout, le scénariste Chris Claremont débarque dans X-Men #94 (renommée plus tard Uncanny X-Men), avec le dessinateur Dave Cockrum. Il lance alors l’un des runs les plus iconiques de l’histoire des comics, qui va durer plus de 16 ans. Il crée des dizaines de personnages, insuffle des thématiques matures qui parlent aux lecteurs et écrit des récits devenus cultes – la saga du Phénix noir ou Days of future past, pour ne citer qu’eux.
Pendant la décennie 1980, la popularité des X-Men ne fait que grandir, jusqu’à devenir l’une des licences phares de Marvel. L’éditeur multiplie les nouveaux comics mutants avec New Mutants, X-Factor ou Excalibur et les crossovers événementiels à travers ses différents titres se vendent comme des petits pains. Leur popularité atteint un sommet historique quand Claremont et le dessinateur star Jim Lee lancent une nouvelle série sobrement intitulée X-Men en 1991.
Son premier numéro devient le comics le plus vendu de tous les temps avec plus de 8 millions d’exemplaires écoulés. Un record répertorié dans le livre Guinness qui n’a jamais été battu. Malgré le départ de Claremont à partir de X-Men #3, les mutants sont parfaitement lancés dans les années 1990 qui seront dominées de la tête et des épaules par leurs séries de comics.
En comparaison, les Avengers font évidemment pâle figure, malgré des ventes en augmentation durant une grande partie des années 1980. À l’aube de la décennie suivante, les chiffres plongent et les récits publiés ne sont pas les plus marquants. Les Vengeurs ne sont plus dans les bonnes grâces des lecteurs et vont mettre un certain temps avant de les regagner.
Entrée dans le XXIe siècle
En 2000, les X-Men (et Wolverine en solo) sont toujours au sommet de la hiérarchie Marvel en comics quand le grand public les découvre avec le premier film de la Fox, neuvième plus gros succès au box-office cette année-là. Quelques mois plus tard, une nouvelle période éditoriale de grande qualité s’ouvre pour les mutants avec la série New X-Men et l’arrivée du scénariste Grant Morrison.
Après avoir dépoussiéré les Vengeurs avec Ultimates, l’équilibre se rétablit entre les deux franchises en 2004. En toute fin d’année, Brian Michael Bendis lance New Avengers, une nouvelle série qui va les transformer en superstars.
Le succès est immédiat et la série devient numéro 1 chez Marvel Comics, juste devant Astonishing X-Men, autre titre mutant récemment lancé. Les deux licences sont des hits et l’éditeur a la bonne idée de publier House of M, crossover culte de l’été 2005 qui se hisse au sommet des ventes. Par la suite, les Vengeurs se maintiennent au sommet et s’établissent comme le cœur de l’univers Marvel. Les Mutants, eux, perdent du terrain.
Quand les deux franchises s’affrontent
2012 marque une étape importante dans l’histoire croisée des deux équipes avec la publication du comics Avengers vs X-Men. Comme son nom l’indique, les deux équipes entrent en conflit dans cette BD événement, à la Civil War, qui rencontre évidemment un grand succès commercial. Place ensuite à Marvel Now, nom donné à la relance globale de nouveaux comics qui a suivi Avengers vs X-Men.
Les deux licences sont toujours aussi présentes et ont même droit à une publication commune, Uncanny Avengers, dans laquelle figurent des membres des deux camps. Alors que l’équipe de Captain America surfe sur sa popularité grandissante auprès du grand public avec les films du MCU, les Mutants n’ont plus la même cote.
Et la chute n’est pas finie. L’ère éditoriale suivante signe le déclin des X-Men. À partir de 2015, le nombre de publications liées à Cyclope, Jean Grey et leurs semblables diminue drastiquement et les titres proposés manquent cruellement de qualité.
Marvel Comics les prive même de leur meilleur représentant quand il décide de tuer Wolverine en 2014. L’éditeur les met alors en concurrence avec les Inhumains et le développement de cette autre espèce à superpouvoir les menace même d’extinction. Cette mise en retrait des X- Men embête et interroge beaucoup de fans.
Pourquoi mettre de côté cette licence ultrapopulaire ? La réponse, jamais réellement officialisée, semble se trouver du côté d’Hollywood. À l’époque, les droits d’exploitation des X-Men sont toujours chez la Fox et Marvel ne semble pas disposé à mettre en lumière des personnages qu’ils ne peuvent pas exploiter dans leur MCU. Les Quatre Fantastiques ont connu le même sort, disparaissant totalement des comics pendant un certain temps.
Les X-Men reprennent des couleurs
En 2019 (et le rachat de la Fox par Disney), les élèves du professeur Xavier font un retour fracassant au sein des périodiques Marvel. Lancé en grande pompe avec le diptyque House of X/Powers of X, le renouveau des comics mutants rencontre un franc succès. Aujourd’hui, les séries perdurent et les X-Men sont à nouveau une licence qui compte en BD.
De leur côté, les Vengeurs ne créent plus l’événement. Depuis plusieurs années, leurs différentes séries ne fédèrent plus autant malgré les relances. Mais, comme beaucoup d’industries, celle du comics est cyclique et il y a fort à parier que la dynamique pour une licence telle que les Avengers finira par changer.