Critique

Les Trois Mousquetaires, d’Artagnan : pourquoi faut-il (re)voir le film avec François Civil ?

30 août 2024
Par Lisa Muratore
Louis Garrel et François Civil dans “Les Trois Mousquetaires : d'Artagnan”.
Louis Garrel et François Civil dans “Les Trois Mousquetaires : d'Artagnan”. ©Pathé Films/M6

Attendu sur Canal+, ce vendredi 30 août, Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan revisite la légende des quatre Gascons entre hommage et modernité, dans un film du collectif à la hauteur de ses ambitions. Critique.

Les Trois Mousquetaires est, sans aucun doute, un incontournable de la littérature française. Au moment de sa parution en 1844, le chef-d’œuvre signé Alexandre Dumas connaît un succès immédiat, dont naîtront des suites romanesques, des nouvelles dérivées, ainsi que des adaptations théâtrales. Un siècle plus tard, la passion autour de l’œuvre ne diminue pas et le cinéma s’approprie le texte du père Dumas pour l’essorer à coups de relectures cinématographiques.

De Georges Mélies à Jean Marais, en passant par Paul W.S. Anderson, les cinéastes sont nombreux à s’être emparés des aventures de ces Gascons français et à les ériger comme des monuments de cinéma. En réinventant sans arrêt leur histoire, le septième art a permis aux Trois Mousquetaires de traverser les décennies et les continents, grâce à des adaptations plus ou moins réussies. 

Eva Green incarne Milady dans Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan. ©Ben King

Cette année, c’est au tour de Martin Bourboulon de redonner vie à cette fresque de cape et d’épée. Le cinéaste dévoilé grâce à la comédie Papa ou Maman (2015) s’attaque ici aux aventures de d’Artagnan et à celles de Milady dans un diptyque dont la première partie, centrée sur le soldat incarné par François Civil, est attendue ce mercredi 5 avril dans les salles obscures. 

Un film de cape et d’épée moderne 

Avec ce projet pharaonique – les deux films réunissant un budget de 70 millions d’euros –, le cinéaste et son équipe ont voulu redynamiser les péripéties des mousquetaires. Pour cela, ils ont insufflé un vent de modernité à cette nouvelle adaptation à travers le tournage en décor naturel, une atmosphère chaude et chocolatée proche du western, magnifiée par la photographie de Nicolas Bolduc, ainsi que des séquences d’action et de duels musclées. La scène d’ouverture, tournée en plan-séquence, témoigne instantanément de la vision que la production a voulu offrir à son film, à l’instar du combat entre d’Artagnan, Athos (Vincent Cassel), Porthos (Pio Marmaï) et Aramis (Romain Duris) face aux soldats du Roi Louis XIII (Louis Garrel). 

Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan ne fait pas l’impasse sur l’action. ©Ben King

Si certaines scènes entre d’Artagnan et Constance de Bonacieux (Lyna Khoudri) apportent de la légèreté et l’atout romance du film, ce dernier a fait le judicieux choix d’écarter subtilement les codes kitsch des films de cape et d’épée pour construire une œuvre qui ose le sérieux tant dans sa mise en scène que dans ses dialogues.

Sans jamais tendre vers la caricature, cette stratégie offre du réalisme au long-métrage, là où les aventures des Trois Mousquetaires prenaient des airs de blockbuster fantastique, quasi-futuriste chez Paul W. S. Anderson, ou n’étaient finalement qu’un florilège de couleurs pastel et d’acrobaties abracadabrantes chez George Sidney dans sa version de 1950 portée par Gene Kelly

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Avec Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan, Martin Bourboulon ne lésine pas sur le rythme, et revient à un terrain de cinéma brut dans lequel les scènes d’action sont finalement aussi dynamiques que l’écriture. Le metteur en scène fait le choix d’un parti pris créatif dans lequel la beauté du texte de Dumas, modernisé grâce aux talents des scénaristes, Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, a autant d’importance que le spectacle dantesque offert aux spectateurs.

La richesse des mousquetaires 

Ces derniers prennent leur pied autant dans l’action brutale, parfois sanglante, que dans les échanges entre les personnages. La brillante scène d’exposition durant laquelle d’Artagnan va tour à tour croiser le chemin d’Athos, de Porthos et d’Aramis et les provoquer en duel témoigne de l’intelligence avec laquelle le duo de scénaristes est parvenu, en seulement quelques lignes de dialogues, à dresser le portrait des mousquetaires. 

Vincent Cassel, Romain Duris et Pio Marmaï dans Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan.©Ben King

Le charisme d’Athos, la malice d’Aramis, la bonhomie de Porthos, tout comme la fougue de d’Artagnan sont retranscrites fidèlement et de façon tangible, tant est si bien que ces choix de casting donnent une identité presque méta au long-métrage. On est frappé par la justesse de jeu de la distribution, mais plus largement par l’évidence du casting, et ce qu’il représente au-delà du grand écran. 

François Civil apparaît ainsi comme « l’apprenti » du groupe face à l’ancienne garde du cinéma français. Mais, à l’image de d’Artagnan, le comédien va finir par s’imposer et incarner le premier rôle qui lui est dû, après avoir longtemps été perçu comme le side-kick d’une troupe (Five, Le Chant du Loup…). Vincent Cassel asseoit son aura de leader tel l’iconique Athos, tout comme le charme félin de Romain Duris dans le rôle d’Aramis rappelle à nos mémoires l’inoubliable Arnacoeur (2010). La chaleur de Porthos est, quant à elle, celle d’un Pio Marmaï bon vivant. 

François Civil prend le lead dans Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan. ©Julien Panié

Sans aucun doute, on est loin du rôle de composition. Pourtant, cette distribution apporte une richesse au long-métrage. Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan bénéficie d’un vaste casting, chacun étant issu d’une famille de cinéma et de théâtre différente. Là encore, cette grosse production française parvient à dépasser le simple cadre de la cape et de l’épée pour devenir un objet cinématographique unique réunissant Éric Ruf de la Comédie-Française, impeccable dans le rôle du machiavélique Cardinal de Richelieu, et Louis Garrel dans le celui de Louis XIII, dont la théâtralité du texte n’aura jamais trouvé meilleur partenaire. 

Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan, c’est aussi des destins féminins, une galerie de personnages forts et rusés au sein de laquelle on peut croiser Lyna Khoudri, mais aussi les deux internationales, Vicky Krieps (la reine Anne d’Autriche) et l’envoûtante Eva Green (Milady). 

Bande-annonce officielle des Trois Mousquetaires : d’Artagnan.

Malgré la richesse du film, les enjeux du scénario n’en restent pas moins prenants. Grâce à sa maîtrise du rythme, que l’on avait déjà pu observer dans Eiffel (2021), Martin Bourboulon est parvenu à dépoussiérer Les Trois Mousquetaires dans une réalisation digne des grands récits d’aventure. Là où Le Pacte des loups (2001), de Christophe Gans, présentait une fresque historique tentaculaire, tombant souvent sous le couperet du kitsch, et ce en dépit d’une envergure aussi spectaculaire que celle des Trois Mousquetaires : d’Artagnan, le film porté par François Civil offre une histoire plus cohérente et captivante. 

Une réussite scénaristique qui résulte d’un dosage entre une modernité bienvenue et un respect de l’œuvre initiale. Une épopée qui permet à la France de se réapproprier son chef-d’œuvre de la littérature grâce à ses nombreuses références cinématographiques – on croisera notamment des clins d’œil au space-opera Star Wars, ainsi qu’aux westerns spaghettis – et le savoir-faire de son équipe. En somme, un film du collectif, à l’image de la célèbre devise des mousquetaires : un pour tous et tous pour un.  

Les Trois Mousquetaires : d’Artagnan, de Martin Bourboulon avec François Civil, Vincent Cassel, Romain Duris, Pio Marmaï et Eva Green, 2h01, en salle le 5 avril 2023.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste