Alors que l’idée de métavers fait son chemin, des experts ont participé à une journée de débats sur le sujet lundi 14 novembre.
Le métavers est aujourd’hui encore un concept aussi flou que fascinant. De nombreux événements et conférences s’organisent sur le sujet, que ce soit pour débattre de technologies, de culture, d’économie ou d’éthique. Parmi eux : In the Metaverse, journée organisée par BNP Paribas et le magazine Fisheye, a été l’occasion de balayer plusieurs problématiques au travers de tables rondes et de monstrations artistiques immersives.
Créer pour le métavers
Le métavers offre tout un nouvel univers de possibilités pour les artistes qui s’intéressent au numérique. Cependant, comme nous pouvons le constater avec les tentatives de métavers actuels, en particulier Horizon Worlds, il est encore difficile de se détacher de la simple copie du réel. Cela était également un problème au début de la réalité virtuelle et d’Internet mais, au fur et à mesure, le métavers trouvera probablement, lui aussi, son propre langage et ses propres formats.
Les artistes Cyril Laurier et Maya Mouawad font partie de ces artistes qui utilisent le numérique pour créer des œuvres d’art immersives. Au-delà de la réflexion sur le message à faire passer avec l’œuvre, le défi est de savoir le faire ressentir et de penser la gestion de l’espace pour que finalement, comme l’explique Cyril Laurier, « la technologie disparaisse et le message apparaisse ». Mais les nouvelles technologies elles-mêmes peuvent être des sources d’inspiration : « On est obligés de défricher les outils, de savoir ce qui est de l’ordre du possible. Les technologies disponibles peuvent aussi nous donner des idées. »
Regards critiques sur les promesses du métavers
En introduction de l’événement, le cofondateur de Fisheye, Benoît Baume, soulevait déjà un premier problème de l’écosystème des métavers aujourd’hui : « L’aspect marchand du métavers peut être au bout du chemin, mais il ne peut pas être au début. » C’est en effet l’obsession pour la rentabilité, la monétisation et de potentielles richesses qui dicte beaucoup de décisions sur les métavers aujourd’hui, la spéculation autour de l’immobilier virtuel et la débâcle de Meta face au manque de rentabilité de Horizon Worlds étant des exemples particulièrement marquants. Le docteur en économie Julien Pillot, lui, déplore que les groupes de réflexion autour des métavers soient constitués de « beaucoup d’industriels et peu d’intellectuels », alors que c’est un concept complexe qui nécessite une approche multidisciplinaire.
Éthique et philosophie des sociétés virtuelles
La notion de société virtuelle peut rappeler cette idée de « métavers souverain » à l’échelle française ou européenne, proposée entre autres par la classe politique française. Si ce concept est aussi prévalent, c’est parce que l’Europe a été traumatisée par son incapacité à créer une entreprise ayant l’impact planétaire de Google et à garantir les libertés fondamentales en ligne, ce qui donne l’impression de ne pas être maître de notre destin numérique. Malgré ces inquiétudes, le chef du numérique du ministère de la Culture, Romain Ladessus, a insisté sur le fait que le gouvernement considérait avant tout le métavers comme une question de politique culturelle. Une démarche confirmée en septembre dernier par la création d’un fonds de plusieurs millions d’euros par an dédié aux œuvres immersives.
Éric Sadin, penseur spécialiste du monde numérique, a donné une perspective philosophique sur l’évolution des technologies depuis les années 2000 pour arriver au métavers et sur les risques que cela pourrait engendrer pour l’humanité, en créant une forme d’isolement collectif qui nous sédentarise de plus en plus en amenant le monde à nous et, éventuellement, en substituant à nos perceptions réelles des sensations virtuelles. Cette intervention a été complétée d’une performance théâtrale du collectif 6ml sur le lien parfois fusionnel, obsessionnel ou conflictuel entre l’utilisateur et son avatar, entre le réel et le virtuel.