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Sommes-nous prêts à travailler dans le métavers ?

22 octobre 2022
Par Kesso Diallo
Le metaverse, futur lieu de travail pour Meta.
Le metaverse, futur lieu de travail pour Meta. ©Meta

La semaine dernière, Meta a multiplié les annonces au sujet du travail dans le métavers, suggérant qu’il serait aujourd’hui possible et même bénéfique de se tourner vers ces mondes virtuels pour cette partie importante de notre quotidien. Il y a pourtant de quoi rester sceptique.

À une époque où le travail hybride s’est imposé, Meta, ou plutôt son PDG Mark Zuckerberg, veut nous pousser à travailler dans le métavers, ce concept à la définition encore floue qu’il considère comme le futur d’Internet. Lors de sa conférence annuelle, Connect, la semaine dernière, le géant américain a fait le plein d’annonces au sujet du travail dans cet univers de mondes virtuels auquel nous aurons notamment accès grâce aux casques de réalité virtuelle, augmentée et mixte.

Malgré ces effets d’annonce, la réalité à propos du métavers de Meta n’est pas si belle que ça et on peut se demander s’il est vraiment possible d’y travailler… et si nous sommes prêts à le faire.

Des outils et des logiciels pour travailler dans le métavers

Pour le groupe californien, le travail dans le métavers se fera, entre autres, à l’aide de son nouveau casque de réalité mixte, le Meta Quest Pro. Il affirme que cet appareil « a été conçu dans un but de collaboration et de productivité améliorées ». Il permet aux utilisateurs de se retrouver dans des mondes virtuels sans être coupés du monde réel, la vision périphérique restant dégagée. Ils sont ainsi en mesure de voir leur environnement immédiat, sur lequel se superposent des éléments 3D, et d’utiliser leurs clavier et souris physiques pour travailler sur des écrans virtuels.

Le Meta Quest Pro dispose également d’un système de suivi des yeux et du visage permettant aux avatars dans le métavers de répliquer les expressions faciales des utilisateurs. Selon la société, cela donne « un sentiment de présence bien plus fort que les appels vidéo traditionnels » lors des réunions virtuelles, avec des avatars capables d’exprimer des signes non verbaux. Concrètement, lorsqu’une personne sourit, fait un clin d’œil ou lève un sourcil, sa version numérique est censée en faire de même.

Meta a en outre annoncé un partenariat avec Microsoft – l’un de ses concurrents dans le domaine du métavers – pour proposer les services de la firme dans son univers virtuel. Pour commencer, les suites logicielles de l’entreprise (Word, Excel, PowerPoint…) seront bientôt utilisables avec les casques de Meta. De plus, l’application de communication collaborative, Teams, sera directement intégrée dans Horizon Workrooms (salles de travail virtuelles), permettant aux utilisateurs de participer à des réunions immersives et, plus tard, de rejoindre une réunion Teams directement depuis ces salles. Et, dès 2023, les utilisateurs pourront rejoindre ces dernières via Zoom.

Meta cible aussi spécifiquement les architectes, designers et autres créateurs. Dès l’année prochaine, le géant américain va leur permettre de visualiser des modèles 3D dans Horizon Workrooms. La firme collabore avec Adobe et Autodesk, qui édite des logiciels de création 3D, dans cet objectif. Enfin, Meta travaille sur un projet appelé Magic Room, « une expérience de réalité mixte (…) qui permet à n’importe quel groupe de personnes, certaines réunies dans une pièce physique et d’autres à distance, de collaborer ». Elle pourrait être disponible dès 2023.

Un aperçu des Magic Rooms de Meta.©Meta

Entre avantages et inconvénients

Meta nous vend ainsi du rêve, d’autant plus que les avantages du travail dans le métavers sont nombreux. En plus de la productivité qui serait améliorée, les réalités virtuelle (VR) et augmentée (AR) peuvent empêcher les employés d’être distraits, notamment s’ils travaillent dans un open space. Avec la première, ils pourraient rester concentrés en se retrouvant dans un bureau virtuel personnel. Ce serait aussi le cas avec la seconde, avec l’intégration de « séparateurs virtuels » dans le lieu de travail physique. De plus, le fait de pouvoir personnaliser son environnement de travail en VR est un moyen de réduire le stress, avec la simulation d’espaces remplis de verdure par exemple. C’est ce qu’expliquent des chercheurs qui ont voulu étudier les effets du travail en VR sur une longue période dans un article publié en juin.

Ils ont mené une expérience avec 18 participants travaillant pendant une semaine dans un environnement virtuel et une autre dans un environnement physique, pour une durée de 8 heures par jour, avec une pause déjeuner de 45 minutes. Réalisée avec le casque Meta Quest 2, cette expérience a, au contraire, montré les inconvénients de la réalité virtuelle, comme les effets néfastes de cette technologie sur la santé. Deux participants ont en effet été contraints d’abandonner le premier jour à cause de nausées, de migraines et d’anxiété. Les autres ont indiqué une hausse de 48 % de la fatigue oculaire et de 42 % de leur niveau de frustration lors de leur semaine de travail en VR. Ils ont par ailleurs signalé une baisse de 20 % de leur bien-être et se sont sentis moins productifs par rapport à leur semaine de travail dans un environnement physique.

Un métavers avec de nombreux problèmes

En plus de cette étude qui montre que le travail dans le métavers n’a pas que des avantages, les plateformes virtuelles de Meta sont encore loin d’être prêtes. Plus tôt cette année, des employés, dont Andrew Bosworth, le directeur technique de Meta, s’étant rendu sur Horizon Workrooms pour une réunion, ont été contraints de passer sur Zoom à cause de problèmes techniques, a révélé le New York Times début octobre. Horizon Worlds, la principale plateforme en VR de l’entreprise, comprend, elle, de nombreux problèmes de qualité, comme l’a récemment dévoilé le média The Verge. « Les retours des créateurs, utilisateurs, testeurs et de beaucoup de membres de notre équipe dénoncent le poids des petites choses frustrantes, des problèmes de stabilité et des bugs, qui rend impossible pour notre communauté d’expérimenter la magie d’Horizon », a écrit Vishal Shah, vice-président chargé du métavers de l’entreprise dans une note interne datant du 15 septembre, que le média a obtenue.

Le métavers de Meta comprend de nombreux problèmes.©Diego Thomazini / Shutterstock/

Pire encore, même les propres employés de Meta ne sont pas séduits par son métavers. D’après un sondage réalisé en mai auprès de 1 000 d’entre eux, 58 % ne comprennent pas la stratégie métavers de l’entreprise. Ils sont également nombreux à y passer peu de temps. « Pour beaucoup d’entre nous, nous ne passons pas beaucoup de temps dans Horizon (…) Pourquoi n’aimons-nous pas assez le produit que nous avons créé pour l’utiliser tout le temps ? La simple vérité est que si nous ne l’aimons pas, comment pouvons-nous nous attendre à ce que nos utilisateurs l’aiment ? », s’est interrogé Vishal Shah. Dans une autre note diffusée 15 jours plus tard, il a annoncé l’élaboration d’un plan pour « responsabiliser les managers » afin que leurs équipes utilisent Horizon Worlds au moins une fois par semaine.

Les équipements permettant de se rendre dans le métavers peuvent aussi se révéler problématiques. Une journaliste de Bloomberg ayant suivi la conférence de l’entreprise avec le casque Meta Quest 2 a mentionné des douleurs au visage à cause du poids (503 grammes) de l’appareil. Un problème lié à la batterie qui est intégrée au casque, alors que sur le Meta Quest Pro, elle est logée dans l’arceau, soit à l’arrière de la tête. Malgré cette conception, le poids reste un problème, car le nouveau casque de la firme est plus lourd que son prédécesseur (722 grammes). Après l’avoir testé pendant 2 heures, un journaliste du Washington Post a déclaré que l’appareil avait laissé des traces sur son front, mais aussi qu’il souffrait d’un mal de tête. Autre problème : la journaliste de Bloomberg a fait savoir que le casque avait ruiné son maquillage, la poussant à s’interroger sur le nombre d’employés de Meta qui travaillent sur la réalité virtuelle et se maquillent chaque jour.

Si Meta mise énormément sur le métavers et veut nous faire travailler dans cet univers virtuel, en nous faisant croire que ce serait pratique pour le travail hybride, la réalité est nettement moins belle. Au vu des nombreux problèmes, on est encore loin du jour où travailler dans le métavers ne présentera que des avantages.

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Article rédigé par
Kesso Diallo
Kesso Diallo
Journaliste