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Quand l’IA se met au chevet de la médecine

28 avril 2024
Par Florence Santrot
Image d'illustration générée par le biais d'une intelligence artificielle, à laquelle nous avons demandé d'imaginer un robot médecin au chevet d'un patient.
Image d'illustration générée par le biais d'une intelligence artificielle, à laquelle nous avons demandé d'imaginer un robot médecin au chevet d'un patient.

Diagnostic assisté par l’IA, robots chirurgicaux autonomes, nouveaux médicaments et thérapies… la santé a tout à gagner à faire entrer l’intelligence artificielle dans son quotidien.

Révolution majeure en vue pour la médecine. L’intelligence artificielle (IA), qui connaît un développement fulgurant depuis peu, s’apprête à transformer en profondeur le diagnostic, le traitement et le suivi des patients. Des algorithmes sophistiqués, capables d’analyser des données médicales complexes avec une précision et une rapidité inégalées, ouvrent la voie à des avancées inédites. C’est notamment la capacité d’analyse et de traitement de grandes quantités de données par l’IA, qui a déjà commencé, et qui devrait changer la donne dans les prochaines années.

Mais cette révolution technologique s’accompagne également de défis et de controverses éthiques qu’il est nécessaire d’adresser. Comment garantir la fiabilité des algorithmes et la protection des données des patients ? Comment s’assurer que l’IA ne se substitue pas à l’expertise et au jugement humain, mais vient plutôt les compléter ? Autant de questions cruciales auxquelles il faut trouver la juste réponse avant d’intégrer l’intelligence artificielle de manière tous azimuts.

IA et santé
©Lalaka

L’intelligence artificielle, une aide au diagnostic déjà bien présente

C’est d’ores et déjà une réalité : l’IA révolutionne le diagnostic médical. Selon la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), en 2020, quelque 10 millions d’actes d’imagerie médicale (scanner, IRM, etc.) ont été réalisés dans des établissements publics et privés à but non lucratif en France. On estime aussi qu’au cours d’une journée de travail de 8 heures, un radiologue va devoir interpréter en moyenne une image toutes les 3 à 4 secondes. C’est considérable… et la possibilité d’une erreur est grande. Pas étonnant donc que l’IA ait été prioritairement intégrée dans ce domaine. Aux USA, sur l’ensemble des dispositifs médicaux compatibles avec de l’IA autorisés par la Food and Drug Administration, 79 % concernent la radiologie (puis la cardiologie et la neurologie). Début 2024, 38 % des professionnels du secteur déclarent avoir intégré l’IA dans leur processus et 62 % envisagent une mise en œuvre dans les cinq prochaines années.

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Même son de cloche en dermatologie, où l’IA se révèle plus efficace que l’œil humain. Une étude de 2018 a montré une précision de 86,6 % des dermatologues pour diagnostiquer un cancer de la peau (différencier les lésions bénignes de la maladie). L’ordinateur, lui, était capable d’identifier les lésions cancérigènes avec une précision de 95 %. Dans le domaine des analyses génétiques aussi, l’intelligence artificielle a une vraie valeur ajoutée car elles sont très longues à réaliser en raison du volume de données à traiter. L’IA sait passer au crible une masse de données et fournir une liste restreinte de variants responsables de syndromes génétiques. Dans la foulée, un professionnel de santé fera un diagnostic plus rapidement, en ne se basant que sur cet éventail d’hypothèses pré-identifiées.

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Un écosystème en plein essor

Dans l’Hexagone en 2023, on dénombrait 591 start-up qui avaient mis l’IA au cœur de leur business. Parmi elles, 15 % sont dédiées à la santé, selon France Digitale. La HealthTech est le deuxième principal domaine après le stockage data/cloud. Outre les investissements des établissements de santé, l’industrie pharmaceutique a, elle aussi, montré son intérêt pour l’IA depuis quelques années. « L’intelligence artificielle nous a aidé à doubler notre vitesse de développement du vaccin. C’est ce qui nous a permis de déterminer quelles mutations nous devions rechercher et d’accélérer la commercialisation du vaccin contre la COVID-19 » explique Kate Cronin, directrice de marque chez Moderna. Avant d’ajouter que, grâce à l’IA, ils ont pu « décoder le COVID en 48 heures ».

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Identification et sélection de nouvelles molécules, participation aux essais cliniques pour réduire le taux d’échecs et accélérer la mise sur le marché des nouveaux médicaments… C’est dans l’ensemble du cycle de développement d’un nouveau médicament que l’IA peut prêter main forte. Preuve en est avec le tour de force de Sumitomo Dainippon Pharma et de la pharmaTech britannique Exscientia qui ont créé la première molécule assistée par l’IA en 2020. Son processus de développement a été réduit de 5 ans à 12 mois grâce à l’intelligence artificielle. Destinée à traiter les Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC), elle a été testée sur des humains au Japon en 2020.

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L’intelligence artificielle va améliorer les soins de santé ?

C’est la grande question in fine. Jusqu’à présent, la technologie n’a que très peu amélioré ce domaine. Comment un algorithme pourrait-il s’occuper d’un patient ? En réalité, l’IA pourrait intervenir dans la simplification des tâches de « back-office » qui empiètent sur le temps de travail à valeur ajoutée des professionnels de santé. L’intelligence artificielle pourrait intervenir afin de simplifier le flux administratif. On peut imaginer une certaine automatisation de toute la paperasse. L’IA générative est aussi capable d’aider les cliniciens à prendre des notes, à faire des résumés d’études, à conserver les dossiers médicaux aussi complets que possible, à s’assurer qu’il n’y a pas d’erreur de dosage thérapeutique, etc. Cela pourrait même être poussé jusqu’au partage d’information entre services et à la facturation.

L’IA a aussi son rôle à jouer directement auprès du patient pour répondre à certaines questions lorsque le personnel médical n’est pas disponible. Une question sur un médicament tard le soir ? Un besoin de se faire préciser la procédure de l’opération à venir complètement ? Une interrogation sur le régime alimentaire approprié en fonction de son traitement ? Tout cela peut être traité par l’entremise d’un chatbot. Et permettre ainsi de libérer davantage de temps aux infirmiers et aux infirmières, par exemple, pour les soins à la personne. Certains imaginent aussi des robots à disposition dans les hôpitaux et disponibles 24h/24 pour discuter de tout et de rien.

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De nombreux défis éthiques dans l’IA médicale

L’utilisation de l’intelligence artificielle en médecine soulève des préoccupations éthiques majeures, notamment en matière de biais des données. Les algorithmes d’IA, bien que hautement efficaces, dépendent de la qualité et de la diversité des données sur lesquelles ils sont entraînés. Il existe un risque que ces systèmes perpétuent ou exacerbent les biais existants si les ensembles de données ne sont pas représentatifs de toute la diversité des populations. Trop de données sur des personnes à peau claire ou des hommes plutôt que des femmes pourraient peser sur les diagnostics et entraîner des disparités dans les soins de santé. Il est nécessaire de mettre en place des garde-fous pour garantir une équité dans les traitements médicaux.

©Gorodenkoff

Un autre enjeu éthique clé est la protection de la confidentialité des données des patients. Avec l’IA capable d’analyser de vastes quantités de données médicales, le risque de violations de la confidentialité augmente. Il est essentiel de mettre en place des mesures rigoureuses pour sécuriser les données des patients et garantir qu’elles sont utilisées de manière éthique. De plus, le consentement des patients joue un rôle central ; ceux-ci doivent être clairement informés de la manière dont leurs données sont utilisées, des bénéfices attendus et des risques potentiels. Cela nécessite des politiques transparentes et des procédures de consentement qui respectent à la fois les droits individuels et les normes éthiques.

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