Si l’on en connaît que quelques-uns, plus d’un millier de prix littéraires sont distribués chaque année en France, délivrés par des institutions publiques ou privées, des associations ou encore des académies. Pour en connaître l’histoire et en comprendre le fonctionnement, voici un tour d’horizon des principales distinctions.
Quand l’automne est bien installé, les prix littéraires commencent à tomber. Dans les rayons des librairies, les ouvrages primés figurent en bonne place, reconnaissables à leur bandeau rouge. Si quelques-uns de ces prix sont plus que centenaires et largement connus du grand public, la plupart restent confidentiels. Il faut dire qu’on en dénombre autour de 1 500 rien qu’en France, dont l’immense majorité reste donc dans l’ombre et passe inaperçue.
Le Goncourt, premier d’une longue lignée
Tous n’ont pas la même vocation : si certains récompensent l’ensemble de l’œuvre d’un auteur ou d’une autrice, d’autres sont décernés à un écrit en particulier et d’autres encore attribués aux jeunes talents. Les prix les plus prestigieux contribuent à la notoriété des lauréats et lauréates, mais permettent également de bénéficier de grands tirages, parfois d’une somme d’argent, d’une bourse ou d’un objet d’art.
Jusqu’au début du XXe siècle, la consécration littéraire était l’apanage de l’Académie française. L’institution était pourtant réfractaire aux romans, comme en témoignent les refus adressés à Honoré de Balzac ou Émile Zola, candidat 25 fois entre 1890 et 1898 pour devenir « immortels », sans jamais y parvenir. Pour défendre ce genre littéraire, le prix Goncourt est décerné en 1903, mais trouve son origine une décennie plus tôt, dans le testament d’Edmond de Goncourt en 1892 qui souhaitait donc récompenser « le meilleur ouvrage d’imagination en prose paru dans l’année ».
Le Goncourt, Graal des prix littéraires, est remis par dix membres composant l’académie Goncourt. Ils se réunissent depuis 1914 le premier mardi de chaque mois, sauf en été, dans le salon du premier étage du restaurant parisien Drouant. Début septembre, une première sélection de 15 romans est annoncée. La liste est progressivement réduite à huit, puis à quatre, jusqu’à l’annonce du lauréat au début du mois de novembre. Une récompense de 5 000 francs-or lui étaient à l’origine attribuée, celle-ci s’étant réduite à 50 francs en 1960, puis à un chèque de 10 euros, symbolique, aujourd’hui. Si la somme est modique, le coup de projecteur est, lui, colossal ! Un prix Goncourt se vend à plus de 300 000 exemplaires en moyenne, générant des droits d’auteur de plusieurs centaines de milliers d’euros.
Un prix qui en appelle d’autres
La création du prix Goncourt a influé directement sur celle du Femina en 1904, alors appelé prix Vie heureuse, du nom du magazine où travaillent les 22 collaboratrices l’ayant fondé. Ce prix est une réponse à son aîné jugé misogyne, du fait notamment de son attribution à Léon Frapié au détriment de la favorite Myriam Harry… qui sera donc la toute première lauréate du nouveau prix. Depuis sa naissance, le Femina est attribué par un jury 100 % féminin, composé aujourd’hui de 10 membres. Il récompense un livre écrit en langue française, en prose ou en poésie, sans critère de nationalité ou de genre. Aucune récompense financière n’est attribuée, mais l’ouvrage est promis à de belles ventes – autour de 120 000 exemplaires en moyenne.
Parmi les autres « grands » prix littéraires français, le Grand prix du roman de l’Académie française, créé en 1914, ouvre traditionnellement la saison des récompenses. « Décerné à l’auteur du roman que l’Académie française a jugé le meilleur de l’année » par un jury composé de 12 membres de l’institution, il s’accompagne d’une dotation de 10 000 euros pour le lauréat.
En 1926, le prix Renaudot voit le jour, en réaction, là aussi, au Goncourt. Il est fondé par des journalistes et critiques littéraires qui s’impatientaient de l’annonce du Goncourt. Il est souvent présenté comme le prix réparant les éventuelles injustices de son prédecesseur. Il partage d’ailleurs avec lui plusieurs points communs : le Renaudot est attribué par un jury composé de dix membres, tous auteurs, se réunissant au Drouant, le résultat est annoncé à quelques secondes d’intervalles du Goncourt sur les mêmes marches de l’escalier Ruhlmann. Il n’est en revanche doté d’aucune récompense financière, mais l’ouvrage est imprimé à 220 000 exemplaires.
Encourager des vocations
Parmi les autres récompenses attendues de la rentrée littéraire, le prix Interallié a été créé en 1930 par une trentaine de journalistes qui attendaient les délibérations du jury du Femina. Il met chaque année en lumière un roman de langue française et n’est pas doté financièrement, faisant également de lui un prix honorifique.
Le prix Médicis est, lui, arrivé plus tard, en 1958, à l’initiative de la mécène littéraire Gala Barbisan et du romancier et dramaturge Jean-Pierre Giraudoux. À la différence des autres prix récompensant des auteurs souvent déjà réputés et chevronnés, celui-ci se donne pour mission de « couronner un roman, un récit, un recueil de nouvelles dont l’auteur débute ou n’a pas encore une notoriété correspondant à son talent ». Sa dotation est de 1 000 euros.
Si, à leur création, ces grands prix avaient pour vocation essentielle d’encourager une nouvelle littérature de qualité, ils ont désormais également un réel intérêt économique, comme en témoignent les chiffres de ventes.
L’émergence de prix alternatifs
Pour proposer au grand public des alternatives moins élitistes et parfois plus démocratiques, de nombreux nouveaux prix ont vu le jour au fil des décennies. Le prix des Libraires a ainsi été créé en 1955 : il est décerné par un jury de 2 000 libraires indépendants à un auteur ou une autrice n’ayant pas encore obtenu de prix littéraire majeur. De son côté, Paul-Louis Mignon a fondé en 1975 le prix du livre Inter, attribué avant l’été par un jury composé de 12 auditeurs et 12 auditrices de France Inter, sous la présidence d’un écrivain ou d’une écrivaine renommé·e. Quelques années plus tôt, le magazine Elle lançait son Grand prix des lectrices composé d’un jury de 120 lectrices.
La Fnac est également un acteur majeur des prix littéraires : elle est à l’origine du prix Goncourt des lycéens, décerné depuis 1988 par un jury de 2 000 lycéens et lycéennes qui élisent un·e lauréat·e à partir d’une sélection d’ouvrages établie par les membres de l’académie Goncourt. En 2002, c’est au tour du prix roman Fnac d’être créé : il a la particularité d’être le fruit d’un processus unique en son genre puisqu’il est choisi par un jury composé de 400 libraires Fnac et autant d’adhérents et d’adhérentes, tous et toutes s’étant plongé·e·s pendant l’été dans la lecture de centaines de romans de la rentrée littéraire.
Enfin, en 2022, un nouveau venu rejoint la grande famille des prix littéraires. Il s’agit du Goncourt des détenus, lancé par les ministères de la Culture et de la Justice afin de favoriser l’accès à la culture des publics qui en sont éloignés. Au total, 500 détenus et détenues d’une trentaine d’établissements pénitentiaires participent à cette opération et doivent élire un lauréat parmi une liste de 15 ouvrages sélectionnés par l’académie Goncourt. La première remise de ce nouveau prix aura lieu le 15 décembre prochain. C’est finalement une chance supplémentaire pour un auteur ou une autrice de voir son travail reconnu.
Fin de l’épisode 1. La semaine prochaine : les récompenses, tremplins d’une carrière ?