Entretien

Du silence à la lumière : Patrick Watson nous raconte son magnifique album, « Uh Oh »

04 novembre 2025
Par Catherine Rochon
Du silence à la lumière : Patrick Watson nous raconte son magnifique album, "Uh Oh"
©Nick Helderman

Privé de sa voix durant quelques mois, Patrick Watson revient avec « Uh Oh », un superbe album folk né du silence et de l’introspection. Le chanteur canadien y invite des voix féminines talentueuses, créant un dialogue poétique entre les artistes. Il nous raconte comment cette épreuve a transformé sa musique et sa manière de composer.

C’est un épisode douloureux, qui aurait pu faire basculer sa carrière. Patrick Watson a perdu sa voix durant trois mois. Probablement l’une des pires épreuves que puisse connaître un chanteur. De ce vide vertigineux, le songwriter canadien – qui a connu un succès viral phénoménal avec Je le laisserai des mots en 2024 – a tiré un terreau créatif fertile, ciselant des chansons pour d’autres voix que la sienne. Finalement, son huitième album s’est transformé en album de duos. Sur le magnifique Uh Oh, Patrick Watson a convié une constellation de voix féminines – de November Ultra à Solann en passant par Charlotte Cardin – pour un dialogue poétique et lumineux. Le résultat ? Un opus entre folk aérien, textures électroniques et silences habités, d’une beauté renversante, véritable pont entre les continents et les genres. 

Nous avons appelé Patrick Watson – alors qu’il courait acheter un café à New York un lundi matin – pour papoter de ce processus créatif unique et de ses inspirations.  

Peux-nous expliquer ce titre d’album un peu énigmatique, Uh Oh ?

Cela vient d’une expression anglophone qui décrit une situation où il est déjà trop tard pour réagir. Imagine : tu es au restaurant, quelqu’un renverse tous les verres, et tu dis « Uh oh ». C’est pénible, mais il n’y a plus rien à faire. J’aimais cette idée d’une réaction douce face à quelque chose de stressant. Chaque matin, quand tu lis les nouvelles, tu ressens un peu ce sentiment-là…

Et c’est aussi lié, je crois, à la perte de ta voix ?

Oui, absolument. Perdre ma voix a été un de ces grands moments « uh oh ». Ça m’a forcé à réfléchir profondément à la communication. Quand tu ne peux plus parler, tu réalises combien les mots sont précieux et combien la parole est une forme d’affection. Parfois, communiquer ne se fait pas seulement avec des mots : c’est comme poser sa main sur quelqu’un, donner et recevoir de l’affection en même temps. Cette expérience m’a profondément influencé dans la manière dont j’écris et pense mes chansons.

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On sent dans l’album une conscience du silence, de l’espace, une forme d’apaisement.

Oui, j’ai essayé de ralentir le monde, de réduire le bruit pour voir les choses plus clairement. C’est comme mettre la vie sur pause pour mieux l’observer. Ce n’est pas une tristesse, c’est une attention nouvelle.

Cet album se distingue aussi par la présence d’invitées. Pourquoi cette envie d’ouvrir ton univers à d’autres voix ?

L’idée n’était pas de faire des duos traditionnels où l’on chante simplement en harmonie. Il s’agissait plutôt de créer un espace où deux histoires peuvent coexister dans une même chanson.

Chaque voix, chaque langue a son propre pouvoir, sa propre texture et sa propre magie. Parfois, ma voix seule n’aurait pas pu exprimer certaines nuances ou certaines émotions. C’est une des meilleures choses dans cette histoire, c’est d’avoir accès à toutes ces personnes très fortes, intelligentes et intéressantes.

Pourquoi avoir choisi exclusivement des artistes féminines (Anachnid, November Ultra, MARO, Charlotte Oleena, La Force, Klô Pelgag, Hohnen Ford, Martha Wainwright, Charlotte Cardin et Solann) ?

Il y a aussi des chanteurs masculins que j’aurais voulu inviter, mais les rencontres se sont faites plus naturellement avec ces artistes féminines. Souvent, c’était une question d’admiration pour leur voix, leur sensibilité ou leur manière de travailler. Chaque collaboration s’est faite spontanément, parfois par un simple message.

L’album fait voyager : on y entend de la bossa nova, de l’électro, des sonorités de la Nouvelle-Orléans. Comment as-tu orchestré ce voyage musical ?

Avec Mishka (Stein, compagnon et collaborateur de longue date de Patrick Watson – Ndlr), on compose souvent en fonction des lieux. On avait seulement deux micros, et cette contrainte a tout guidé. On a gardé une base très acoustique, très pure, puis ajouté quelques textures électroniques. Cette simplicité crée un espace immense pour la voix, qui devient le cœur du disque.

Comment ce son va-t-il se traduire sur scène ?

Pour le concert au Zénith de Paris ce 4 novembre, il y aura beaucoup d’invitées : Solane, Charlotte Cardin, November Ultra, La Force… presque tous les artistes présents sur l’album. Je travaille avec La Force depuis des années, elle est incroyablement talentueuse, capable de transformer les chansons en live tout en gardant leur essence.

Certaines chansons prennent une autre dimension sur scène, certaines structures peuvent changer, mais l’émotion reste intacte. L’idée est de recréer la même atmosphère intime de l’album, même dans une grande salle comme le Zénith.

Quel est le disque que tu écoutes le plus en ce moment ?

Opus de l’artiste Ryūichi Sakamoto, dont je suis fan depuis que je suis jeune. C’est un album de piano solo que j’adore. C’est très simple, très pur, magique.

Et parmi les nouvelles voix, quels artistes aimerais-tu faire découvrir ?

Solann, November Ultra, La Force… Elles sont toutes impressionnantes. La scène française et montréalaise vit un moment fort, et il y a beaucoup de jeunes artistes talentueux.ses à découvrir. Plus largement, je trouve que le centre artistique mondial est en mouvement : des villes comme Mexico ou Paris sont devenues des foyers de créativité et d’expérimentation beaucoup plus stimulants que certaines grandes capitales traditionnelles comme New York. C’est une période passionnante pour l’art, pleine d’énergie, de découvertes et de renouveau.

Décryptage
20 avr. 2022
Article rédigé par
Catherine Rochon
Catherine Rochon
Responsable édito
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