
Mixer l’italo disco à la douceur de la dream pop ? Telle est la recette du duo suédois Sally Shapiro. Avec leur cinquième album, « Ready To Live A Lie » (sorti le 30 mai 2025 sur l’imparable label Italians Do It Better), ils poursuivent leur exploration électro rétro, toujours portée par la voix mutine de leur énigmatique chanteuse. Interview.
C’est un projet singulier que propose Sally Shapiro. Derrière ce pseudonyme se cache un duo scandinave fan de sonorités eighties. Composé du producteur Johan Agebjörn et d’une mystérieuse chanteuse qui a choisi de rester anonyme, le tandem s’est fait remarquer dès 2006 avec un premier album très réussi, Disco Romance. Son credo : fusionner nappes synthétiques et boîtes à rythmes avec une pop mâtinée de mélancolie. La voix cristalline, presque enfantine de Sally, fait ainsi merveille sur des titres aussi dansants qu’éthérés, ritournelles douce-amères qui racontent les tourments du coeur.
Les deux complices reviennent avec un cinquième album, Ready To Live A Lie, qui reprend leur formule italo-disco délicieusement spleenétique. Nous avons échangé avec Sally Shapiro par mail – mystère oblige – pour en savoir plus sur ce nouveau projet, leurs influences, et cette volonté farouche de rester dans l’ombre, à cueillir des baies en forêt plutôt qu’à fouler les scènes du monde entier.
Comment vous présenteriez-vous à des personnes qui ne connaissent pas encore votre univers ?
Nous sommes un duo originaire de Göteborg, dans le sud de la Suède. Nous faisons de l’electropop. Notre musique mélange la nostalgie de l’italo disco des années 80 avec des influences électroniques plus modernes et des touches de dream pop. Les thèmes que l’on explore tournent autour de l’amour, du désir, de la mélancolie.
Sally, pourquoi avoir choisi de rester anonyme, alors que tant d’artistes rêvent justement de devenir reconnus et médiatisés ?
J’ai un grand besoin d’intimité. J’apprécie que les gens écoutent notre musique, mais je n’ai jamais été attirée par la scène, la vie de tournée ou les horaires décalés. J’aime avoir une vie simple, normale. Je cueille des baies en été et des champignons à l’automne… Et j’ai un boulot tout à fait banal en dehors de ce projet musical.
Vous ne donnez pas de concerts, ne partez pas en tournée. La connexion avec le public ne vous manque-t-elle pas, surtout avec une musique aussi dansante ?
Pas vraiment. Nous avons fait quelques DJ sets en 2008, et c’était agréable de rencontrer des gens qui nous écoutaient. Moi, j’écoute surtout de la musique seule, chez moi ou avec un casque, sans forcément chercher à connaître les artistes derrière. J’espère que nos auditeurs comprennent cela. Et en tant qu’artiste, les quelques messages que l’on reçoit de temps en temps, venant du monde entier, me suffisent largement. Et puis j’essaie de transmettre des émotions très intimes à travers ma voix, et c’est plus facile pour moi de chanter sous un pseudonyme que sous mon vrai nom.
Comment avez-vous choisi le nom de scène « Sally Shapiro » ?
C’est Johan qui l’a proposé. Dans le genre italo disco des années 80, il était courant que le producteur soit un homme et la chanteuse une femme avec un pseudonyme à consonance anglaise, comme Valerie Dore ou Katy Gray. On a voulu s’inscrire dans cette tradition, et « Sally Shapiro » sonnait bien, tout simplement.
Votre collaboration avec Johan Agebjörn est au cœur de votre musique. Comment travaillez-vous ensemble ?
Johan compose la majorité des morceaux, et moi, je donne mon avis au fur et à mesure. Parfois, je suis un peu plus impliquée. Une fois la chanson finalisée, j’enregistre seule, car je préfère être seule pour chanter. En général, je fais deux jours d’enregistrement par morceau. Enfin, Johan s’occupe du mix.
Que vouliez-vous exprimer à travers le titre de l’album Ready To Live A Lie (« Prêt à vivre un mensonge ») ?
On a trouvé que cela résumait bien les thèmes du disque, qui parle beaucoup de se mentir à soi-même ou à son partenaire. Nos chansons racontent des situations humaines, des dilemmes que tout le monde peut traverser. Il ne s’agit pas de défendre ou condamner quoi que ce soit. Mais c’est aussi une façon de parler de notre époque.
Votre musique est empreinte de sons et de synthés des années 80. Qu’est-ce qui vous attire tant dans cette époque ? Quels artistes ou films vous inspirent ?
Johan : J’adore la musique, les couleurs, l’ambiance générale de la culture des années 80. Des films ou séries que je regardais enfant, comme Le flic de Beverly Hills ou Deux flics à Miami, me fascinent encore. Musicalement, je suis très influencé par des artistes italiens comme Valerie Dore, Fun Fun ou Savage, mais aussi par des artistes allemands comme Sandra ou Modern Talking. Quand j’étais petit, je dépensais tout mon argent de poche en disques de ce genre.
Il paraît que vous aimez aussi beaucoup Mylène Farmer ?
Sally : J’ai découvert Mylène Farmer un peu par hasard, grâce à une colocataire qui avait laissé un de ses CD. J’ai voulu écouter par curiosité… et j’ai été séduite immédiatement. Au début du projet Sally Shapiro, j’écoutais souvent Mylène avant d’enregistrer, pour me mettre dans l’ambiance.
Johan : C’est Sally qui m’a fait découvrir Mylène Farmer, et moi aussi, je suis devenu fan. Son univers m’a même un peu influencé dans mes productions, notamment dans la manière dont je traite la voix de Sally avec certains effets.
Vous reprenez le tube Rent des Pet Shop Boys sur cet album. Pourquoi ce titre en particulier ?
Johan : Je suis un grand fan des Pet Shop Boys, et depuis longtemps je voulais faire une reprise dans notre style. Rent s’est imposée naturellement : l’ambiance et les paroles collent parfaitement à notre univers, et on trouvait qu’elle s’intégrait bien dans l’album.
Y a-t-il des artistes ou des genres contemporains qui vous touchent ou vous surprennent particulièrement ?
Sally : J’écoute principalement des vieilles musiques… à part l’Eurovision !
Johan : De mon côté, j’écoute pas mal d’ambient récent, comme 36, Blank Embrace ou Patricia Wolf. Et aussi de la musique contemporaine inspirée des années 80, comme ce que propose le label Italians Do It Better, avec qui on travaille.
Avez-vous d’ores et déjà de nouveaux projets ?
Johan : En ce moment, j’expérimente des influences venues de la musique d’Amérique latine, comme la bossa nova. J’aime son côté lent et mélancolique, et je pense que ça pourrait bien s’intégrer dans l’univers de Sally Shapiro.