Dans Tout te dire (Stock), Camille Lellouche prend la plume pour raconter son histoire et son combat face aux violences. À l’occasion d’une séance de dédicaces à la Fnac Saint-Lazare, à Paris, L’Éclaireur a pu s’entretenir avec l’humoriste et chanteuse pour revenir sur cette première expérience d’écriture.
D’où vous est venu ce besoin d’écrire une autobiographie ? Pourquoi avoir choisi la forme du livre plutôt que celle d’un album ou d’un spectacle ?
Il y a quelques années, on m’avait déjà approchée pour écrire un livre, mais à l’époque je n’avais pas sauté sur l’occasion. Ce n’était pas le moment. Puis, quand la proposition est revenue sur la table, deux amies, Julia Layani et Élise Goldfarb qui font le podcast Coming-Out, m’ont parlé de la maison d’édition Stock et m’ont encouragée à me lancer dans l’écriture. À ce moment-là, je me sentais plus apaisée pour le faire. Je trouvais que c’était le bon moment. J’avais déjà exprimé ce qui m’était arrivé en musique et par l’humour, mais écrire un livre est un bon moyen d’avoir quelque chose qui reste dans le temps.
D’ailleurs, je dis dans le livre que “les paroles s’envolent, mais les écrits restent”. J’ai trouvé ça intéressant de pouvoir écrire ce qui m’est arrivé ; de raconter mon parcours. J’ai envisagé comme un devoir de raconter mon parcours à la fois professionnel et personnel, les moments durs, et tout ce qui a pu m’arriver de négatif.
Surtout, je veux parler aux femmes du fait d’être naturelle, que l’on est pas obligée de se maquiller, du fait aussi d’assumer plusieurs métiers en montrant que je suis à la fois chanteuse, humoriste et actrice, et que si l’on travaille, on a le droit d’avoir plusieurs casquettes. J’essaie de fédérer tout cela en tant que femme, tout en aimant faire rire, en aimant faire pleurer, en aimant émouvoir. Je voulais aussi raconter ce qui m’est arrivé dans la vie, la violence subie ou les addictions, et montrer que ça peut aussi m’arriver en tant qu’artiste reconnue.
Qu’est-ce qui est le plus dur entre écrire un spectacle, écrire un album ou écrire un livre ?
L’humour ! Dans un spectacle, tu te dévoiles beaucoup et le processus d’écriture est compliqué. Tu peux écrire deux ou trois pages sur un sujet qui te fait rire, relire le lendemain et réaliser que ce n’est pas drôle. Puis, quand tu testes sur scène, il y a des choses où tu te dis que ça ne fonctionne pas, mais ça marche ! Il faut donc développer ces idées. Quand on est sur scène, il faut sortir des vannes qui sont drôles tout de suite. Si ce n’est pas drôle, il faut réécrire. L’humour, c’est du travail constant. C’est différent de la musique, car quand tu arrives sur scène, les gens connaissent déjà tes chansons. Il y a quelque chose qui est moins violent. À la fin, quoi qu’il arrive, on va t’applaudir. Pour un sketch, personne ne va se forcer à rire si ce n’est pas drôle. À la rigueur, on va t’applaudir par respect, mais tu vas sentir que c’est compliqué. Le silence en humour, c’est la mort.
« Les paroles s’envolent, mais les écrits restent. » Camille Lellouche
Vous parlez du processus d’écriture. Comment l’écriture de Tout te dire s’est-elle déroulée ? Comment l’avez-vous vécue ?
Je l’ai vécue à deux, aux côtés de Sandrine Clarac qui est ma co-autrice et biographe. Pendant l’écriture, on se voyait beaucoup, plusieurs heures par semaine, en enregistrant tout sur un dictaphone. Nous voulions garder ma manière de parler. Je voulais aussi une lecture simple pour que l’on comprenne tout ce que je raconte ; que l’on comprenne que c’est moi qui parle.
Pour ce qui est de la construction du livre, comme je parlais beaucoup de ma fille, on s’est dit qu’il serait intéressant que les petits apartés deviennent de véritables adresses à ma fille. Je pense que ça plaît aux lecteurs et aux lectrices parce qu’il y a une intimité dans le livre qui permet aux pères et aux mères de s’identifier. Et quand ma fille grandira, je trouve que ce livre représentera un beau cadeau pour elle.
C’est un roman pour votre fille, pour vous, mais aussi pour des femmes et des hommes. Quels retours vous ont marquée de la part de vos lecteurs et lectrices ?
À la différence de la musique ou de l’humour, je n’ai eu que des retours positifs ! Ils m’ont beaucoup touchée. Je me souviens notamment, à l’occasion d’une séance de dédicaces à Nantes, qu’une jeune femme est venue me voir et m’a dit : “Je viens de finir votre livre et j’ai porté plainte juste après.” Elle devait avoir environ 25 ans et ça m’a beaucoup touchée, parce que quand j’avais son âge, je n’ai pas eu le courage de le faire. J’avais trop peur. Je lui ai dit qu’elle était très courageuse.
« Je voulais aussi raconter ce qui m’est arrivée dans la vie par rapport à la violences subie ou mes addictions, et montrer que ça peut aussi m’arriver, en tant qu’artiste reconnue. » Camille Lellouche
Il y a aussi beaucoup de femmes qui me confient que mon livre leur fait du bien, alors qu’elles sont encore dans des situations violentes. C’est ce genre de témoignages qui me marquent le plus. J’imagine que mon livre donne certaines clés. J’ai en quelque sorte une responsabilité inconsciente.
En parlant de responsabilité, vous qui touchez à différentes formes d’art, à quoi sert-il ? Est-il porteur d’un message ? Est-ce une façon de prendre sa revanche ? Un exutoire ou bien un mécanisme de reconstruction ?
Mon art est principalement un exutoire. J’aime aussi l’idée de pouvoir aider les gens à ressentir des émotions. J’ai la chance de pouvoir exercer un métier qui me permet d’exprimer à la fois la tristesse, la peine, la douleur, l’amour, ou encore la joie, et les gens le reçoivent en tant que tel. C’est ça, ma force.
Tout te dire est le titre d’une de vos chansons. Comment l’avez-vous pensé ? L’idée de faire un parallèle avec cette chanson était-elle claire dès le départ ?
Nous voulions attendre la fin de l’écriture pour trouver un titre. On avait pensé à un autre titre à la base, toujours avec cette idée que l’on souhaitait tout dire aux lecteurs et lectrices. Mais ce titre était en fait déjà pris et c’est là que j’ai repensé à ma chanson, Tout te dire.
J’ai réalisé que ce titre m’appartenait et qu’il résonnait déjà en moi. J’aimais aussi l’idée du tutoiement et de l’intimité que ça crée avec chaque lecteur, mais aussi la résonance que ça a par rapport à ma fille. Je crois que ça fonctionne très bien. Après, quand je dis “Tout te dire”, il doit bien me rester quelques petits secrets que je n’ai pas encore dévoilés [rires].
Chanson Tout te dire de Camille Lellouche.
Ce sera pour un second livre, alors ?
Je crois que je parle de moi à 98 % dans celui-ci. Le reste, je le garderai éternellement pour moi. Ni mon mari, ni ma fille, ni personne ne saura ! Je mourrai avec [rires].
En parlant d’un second livre, cette première expérience vous a-t-elle donné envie de continuer à écrire ?
Oui, complètement ! Mais ai-je le temps actuellement ? Non [rires]. J’aimerais que ce premier ouvrage vive encore un peu, tel qu’il est aujourd’hui.
Quel serait l’angle de votre second livre ?
Si je devais faire un deuxième, ce serait quelque chose que j’ai inventé, ou en tout cas l’histoire de quelqu’un d’autre ; une histoire qui m’a touchée. Ce serait, je pense, toujours assez “cash”. J’adore aussi les nouvelles. C’est quelque chose qui me plaît beaucoup depuis que je suis petite, parce qu’elles peuvent faire deux lignes comme une centaine de pages. J’aime aussi beaucoup décrire les choses. Je suppose qu’il y aura des moments d’émotion forte, toujours, avec beaucoup d’humour aussi, pour respirer.
Ce ne serait pas forcément mon histoire. Ça pourrait être de la pure fiction ou quelque chose que j’aurais aimé réaliser plus jeune. Je n’ai pas encore d’idée précise, mais une chose est sûre : je garderai cette écriture simple qui est déjà dans Tout te dire.
Tout te dire de Camille Lellouche, co-écrit avec Sandrine Clarac, aux éditions Stock, 216 p., depuis le 6 mars 2024 en librairie.