Le 12 mai prochain sort en poche Et que ne durent que les moments doux de Virginie Grimaldi. À l’occasion de sa grande sortie en 2020, l’auteure nous a fait le plaisir de répondre à quelques questions. On l’écoute !
Sortie poche : 12 mai 2021
Interview
Quelles sont vos inspirations d’écriture ? Utilisez-vous des anecdotes personnelles ?
Virginie Grimaldi : « Oui bien sûr ! Parfois, des histoires que je raconte dans mes livres me sont arrivées ou sont arrivées à quelqu’un, et d’autres sortent de mon imagination : c’est un peu un mix de tout ça. Quand on écrit, ce n’est pas réfléchi, on invente une histoire mais il y a toujours, en effet, des petits morceaux de nous dedans. »
Quelle est votre routine d’écriture ?
« Je suis quelqu’un de totalement désorganisée, je n’arrive pas à m’astreindre à une routine. J’aimerais me lever tôt le matin, écrire quand je suis seule dans la maison… Mais non ! J’écris souvent à des moments où l’inspiration arrive et m’oblige à m’isoler pour écrire. Ça peut être à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit mais souvent, j’écris la nuit. Quand tout le monde est couché, je suis un petit peu libérée, j’ai l’esprit plus libre et l’inspiration vient plus facilement que la journée où on doit s’occuper de tout le reste.
Pour un roman, il y a plusieurs mois de réflexion, de maturation, de recherche. Quand l’idée arrive, elle se développe toute seule, doucement, et puis ensuite, il y a l’écriture à proprement parler. Pour moi, ça va être entre deux à trois mois d’écriture intensive où je vais écrire dès que j’ai un moment. »
Faites-vous des plans détaillés et des fiches de personnages ou écrivez-vous sur le fil ?
« Un peu des deux. En général, j’ai l’idée, et quand elle commence à devenir précise avec pleins d’éléments, je commence à prendre des notes. Alors je fais des fiches personnages très succinctes et je me lance dans l’écriture en me laissant surprendre.
Je crois que c’était pour mon deuxième roman que j’avais fait un plan très détaillé en ayant l’impression que ce serait plus facile pour moi, puisque le premier avait été écrit au fil de l’inspiration, et en fait, je n’ai absolument pas suivi le plan que j’avais préparé. C’est incroyable, ça ne devient pas du tout ce qu’on avait imaginé ! Depuis, je ne fais plus du tout de plan détaillé. J’ai la fin, en général et encore, parfois, elle arrive en cours d’histoire. »
Avez-vous un conseil pour débuter un livre ?
« Je n’ai pas vraiment de conseils. Pour débuter, il faut se mettre devant l’ordinateur ou une feuille, et écrire en suivant son inspiration. Il ne faut pas penser à ce que ça va donner ni à ce que les autres vont en penser. C’est difficile de répondre à ça. Quand on se pose cette question, c’est qu’on a très envie de le faire mais qu’on n’ose pas. Alors, le conseil, c’est : osez ! Et faites-vous lire par des personnes en qui vous avez confiance, qui vous diront objectivement la vérité. Pendant longtemps je n’ai pas osé et je suis contente de l’avoir finalement fait. »
Avez-vous peur de la page blanche ?
« C’est quelque chose qui me fait peur mais que je ne connais pas… Je veux écrire depuis tellement longtemps qu’il y a plein d’histoires qui se sont accumulées dans ma tête et que j’ai encore plein d’inspiration. En plus de ça, je me rends compte que quand j’ai terminé une histoire et que je me dis : « Je vais me reposer et ne pas écrire pendant un moment », l’inspiration revient parce que j’ai besoin de me raconter des histoires et d’écrire.
Mais j’ai très peur de la page blanche parce que ça doit être difficile d’avoir envie d’écrire mais de ne rien avoir à écrire. On verra… Ça arrivera peut-être un jour quand j’aurais dit tout ce que j’ai à dire. »
Selon vous, quelle est la partie la plus difficile dans l’écriture ?
« On ne va pas se mentir, il y a pire comme métier. Il n’y a pas de partie vraiment difficile mais j’apprécie moins les trois mois où je suis immergée parce qu’écrire est un travail très solitaire et que je n’aime pas être seule. Mais c’est seulement pour répondre à la question parce que c’est aussi quelque chose que j’apprécie beaucoup.
Et dans l’écriture au sens large… Je dirais que c’est ce que je suis en train de faire là : Je dépasse toutes mes limites pour venir à votre rencontre, ça m’angoisse beaucoup, j’arrive en tremblant, c’est toujours très impressionnant. Mais je pense que c’est un peu commun à tous les écrivains, si on écrit, c’est qu’on aime bien être caché. »
N’avez-vous pas été trop frustrée de ne pas avoir pu faire le lancement de votre livre en présentiel ?
« Je suis frustrée de ne pas avoir pu rencontrer les lecteurs en vrai mais je suis contente d’avoir pu faire cette soirée de lancement en virtuel parce que ça a permis à plus de gens d’être là. Dans les soirées de lancement, il y a souvent très peu de lecteurs et surtout des invités alors j’étais contente d’avoir pu partager ça avec le plus grand nombre. »
Avez-vous envisagé des suites à vos romans ?
« Ça m’est arrivé d’y penser mais il faut que j’aie vraiment une histoire à raconter et pour l’instant, il n’y a pas d’histoire qui m’a donné suffisamment envie de l’écrire. Certes, c’est dur de laisser les personnages et parfois, j’aimerais bien les retrouver et donc leur écrire une suite, mais en revanche, on retrouve souvent certains personnages du deuxième roman Tu comprendras quand tu seras plus grande. »
Avez-vous toujours eu envie d’écrire ?
« Oui ! C’est vraiment un rêve de petite fille. Dès que j’ai pu lire et que j’ai rencontré ce plaisir-là, j’ai eu très envie d’écrire. Je disais d’ailleurs que je voulais être écrivaine. C’est un rêve qui m’a accompagnée pendant des années et qui a un peu disparu avec la vie quotidienne, quand il a fallu faire des études, travailler… Et puis il est revenu. »
Vous attendiez-vous au succès du Premier jour du reste de ma vie ? Pourquoi pensez-vous qu’il a autant touché les gens ?
« Je ne m’attends jamais au succès. Même là, quand je vois le départ que prend mon dernier roman, je n’arrête pas de dire : « C’est fou, c’est incroyable ! », j’ai un énorme sourire depuis une semaine. Bien sûr qu’on ne peut pas s’y attendre, c’est extraordinaire : on écrit quelque chose qui nous touche et ça va toucher d’autres personnes. On ne peut pas prévoir ça, il y a une part de magie et d’inexplicable.
« Pourquoi pensez-vous qu’il a autant touché les gens ? » Je ne sais pas, je ne l’explique pas… Peut-être parce qu’on se ressemble avec plus ou moins les mêmes émotions et que celles que je dépose sur le papier vous parviennent. »
Quel est le livre que vous avez préféré écrire ?
« Aucun ! J’ai tous aimé les écrire. Peut-être que pour le premier j’ai pris moins de plaisir parce que je ne pensais jamais qu’il serait publié. Et les autres, ça a été un plaisir immense… Mais pour tous en fait !
On me demande aussi souvent quel est le roman le plus personnel mais ils sont tous très personnels et abordent tous des sujets qui me touchent profondément donc je n’ai pas de préférés, ils sont tous importants pour moi. »
Est-ce qu’il y a un livre que vous écririez différemment aujourd’hui ?
« Je pense que j’écrirais différemment le premier, que vous êtes nombreux à aimer et que j’affectionne beaucoup mais c’était le premier…. J’ai mis moins de mois à l’écrire et c’est d’ailleurs, le plus léger de tous, je l’ai écrit comme une distraction. Je l’aime comme j’aime tous les autres mais peut-être que je changerais quelques passages et la fin. »
Avez-vous fait des études littéraires ?
« Absolument pas ! Je voulais en faire mais il fallait que je gagne ma vie. Alors j’ai fait un BTS en alternance qui me permettait d’avoir un petit salaire, de payer mon loyer et me nourrir. Mais finalement, heureusement que je n’ai pas fait d’études littéraires car ça m’aurait peut-être formatée dans un certain style au lieu de développer le mien. Je crois que les choses n’arrivent pas par hasard. »
Y a-t-il des thèmes que vous voulez aborder dans vos prochains romans ?
« Je ne sais pas, je laisse venir l’inspiration. Il y a plusieurs thèmes que j’ai envie d’aborder mais ils ne s’incrustent pas encore dans mon esprit. J’attends que l’idée ne me laisse pas tranquille et que l’histoire commence à se raconter. C’est assez instinctif. »
Quel est votre livre et votre auteur préféré ?
« Romain Gary est mon auteur préféré de tous les temps, indétrônable, sachant lier humour, sensibilité, sujets profonds. Il me déchire autant qu’il me fait rire. Notamment La vie devant soi qui est mon livre préféré. On nous l’avait fait lire au collège ou au lycée et je n’avais pas du tout accroché… Ce n’était pas le moment car quand je l’ai relu plus tard, j’ai pris une grande claque. Savoir faire rire sur des sujets aussi tragiques, c’est un grand talent. »
Comment faire pour se faire éditer ?
« J’étais persuadée qu’il fallait connaître des gens dans le milieu et qu’en venant de ma petite province, ce serait un objectif que je ne pourrais pas atteindre. Mais j’avais tort : j’ai envoyé mon premier roman à un éditeur et il m’a appelée deux jours plus tard pour le publier.
Il faut écrire votre livre et viser les maisons d’édition qui sortent des ouvrages qui ressemblent un peu au vôtre, même si je déteste caser les livres dans des genres et des catégories. Il y a beaucoup de maisons d’édition qui acceptent les manuscrits par mail, ça c’est génial parce que c’était tellement galère avant de devoir les imprimer, les relier et les envoyer… Et puis ça coûtait beaucoup plus cher. »
Quelle est votre citation préférée ?
La citation de Khalil Gibran dans Le Prophète : « Plus profondément le chagrin creusera votre être, plus vous pourrez contenir de joie. » Elle me parle beaucoup. »
Pouvez-vous nous parler en quelques mots de votre dernier roman, Et que ne durent que les moments doux ?
« C’est l’histoire croisée de deux mamans à deux périodes charnières de leurs vies. La première qui vient de donner naissance à une petite fille et la seconde qui voit ses enfants quitter le nid. »
Est-ce que les personnages principaux de tous vos romans existent dans la vraie vie ?
« Absolument pas. Ils existent dans mon imagination donc j’ai l’impression qu’ils existent dans ma vie, je cohabite avec eux pendant de longs mois et même après, mais non, ils n’existent pas. Je refuse d’emprunter volontairement des caractères ou des sujets à des personnes que je connais, j’aurais l’impression de les piller. Mais je crois que, naturellement, dans mon cerveau, ça fait un mix de tout ça et que mes personnages naissent de cette manière. »
Pourriez-vous écrire un jour un roman dont le héros serait un homme ?
« C’est une question qui revient très souvent et j’en suis très étonnée parce que je pense ne pas me tromper en disant qu’on ne pose pas la même question aux hommes qui écrivent des romans dont les héros sont des hommes. Je parle d’humain, je ne m’interdis pas d’écrire sur des hommes mais je ne m’oblige pas non plus. J’écris sur des personnages qui me racontent leur histoire, homme ou femme, je ne me pose pas la question. Il se trouve que jusqu’à maintenant ce sont majoritairement des femmes, mais ce n’est pas réfléchi, c’est sans doute parce que je suis une femme et que j’en ai la sensibilité. »
Comment gérez-vous le succès ?
« J’ai pris un melon énorme. Je ne me déplace plus qu’avec un chauffeur attitré et je demande à tout le monde de me vouvoyer et de ne pas me regarder dans les yeux. Donc je le gère assez bien globalement. *Rire*
Je suis très heureuse de vivre cette aventure et de pouvoir la faire vivre à tous mes proches qui sont ravis de voir ma tête dans les journaux ou de voir que ça marche bien. C’est une superbe aventure mais je n’y pense pas tout le temps. Ça n’a pas changé grand-chose finalement. »
Des adaptations sont-elles prévues ?
« Oui ! Quasiment tous les romans sont en cours d’adaptation notamment deux qui sont bien avancées : Tu comprendras quand tu seras plus grande et Il est grand temps de rallumer les étoiles. Je suis super excitée, ça va être fou de voir les personnages et les histoires que j’ai imaginées prendre vie à l’écran. Ça va être très émouvant et, en même temps, j’essaie de prendre du recul parce que ce ne sera plus du tout le même objet et la même histoire. C’est toujours différent alors je regarderai ça d’un oeil neuf. »
Le métier d’écrivain permet-il de subvenir financièrement à tous nos besoins ?
« On touche un pourcentage sur chaque livre vendu donc ça dépend du nombre de livres que l’on vend. C’est très variable, on peut en vendre beaucoup une année et pas beaucoup l’année suivante. J’en profite également pour parler du combat que mène les auteurs avec les réformes qui sont passées et qui rendent le métier d’écrivain très précaire. La plupart des auteurs sont obligés d’avoir un métier pour vivre et ne s’en sortent pas, le temps de travail passé pour écrire un livre n’est pas pris en compte dans les à-valoir et on ne touche qu’un pourcentage.. Pourcentage qu’on ne touche que l’année qui suit la parution du livre, soit un an plus tard.
Il faut savoir que l’auteur n’est pas celui qui touche le plus mais ça dépend des frais engendrés. Je crois que c’est le libraire qui touche la plus grosse part mais il a des frais énormes. Et l’auteur est le dernier, donc ça c’est quelque chose, à mon sens, qui doit changer car l’auteur est quand même celui qui crée le contenu. Même si c’est vraiment un travail collégial parce que chaque maillon – les représentants, les distributeurs, les éditeurs, les libraires – fournit un travail énorme pour qu’un livre marche, l’auteur devrait sans doute être un peu mieux considéré.
Alors je suis aux côtés des auteurs qui se battent pour ça et pour avoir des droits sociaux car si ça s’arrête demain, nous n’avons aucun droit derrière. »
© Crédit photo : Alexandra Buisseret
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Paru le 17 juin 2020 – 360 pages