Au Salon Fnac Livres 2019, nous avons rencontré la jeune auteure Cécile Coulon. Avec elle, nous revisitons son rapport à la littérature et à l’écriture, ainsi que ses premiers souvenirs de publication. Entretien !
Quand avez-vous commencé à écrire ?
Cécile Coulon : J’ai commencé à écrire quand j’étais très jeune. J’écrivais comme beaucoup d’enfants des poèmes pour la fête de mères qui étaient très mauvais et j’ai écris ma première histoire en 5ème, je crois, et qui s’appelait Descente 14. C’était une histoire d’adolescents qui habitaient le bâtiment 14 d’une ville de province, mais qu’est-ce qui s’y passait ? Je ne serais pas capable de vous le dire, c’était juste sur le mal-être adolescent et encore une fois, je pense que ce n’était pas excellent comme histoire.
Quel souvenir gardez-vous de votre première publication ?
Ma toute première publication dans une maison d’édition régionale c’était à Clermont-Ferrand. J’étais jeune, j’avais 16 ans et j’en ai donc un souvenir assez flou. Je me souviens de ma grande joie à l’idée de me dire que des gens allaient lire mon roman et en même temps je pense que je n’avais absolument pas conscience de ce qui allait se passer ensuite. Donc c’était juste une grande joie et beaucoup de surprises. Après, quand trois ans plus tard j’ai reçu un appel des éditions Viviane Hamy pour un premier texte en édition nationale, là il y a eu vraiment un moment où je me suis dit : « Ça y est, on passe un cap ». Je ne savais pas du tout ce qui allait arriver à moi et mes textes mais j’étais vraiment heureuse. Je pense que c’est un des moments de ma vie où j’étais la plus heureuse.
Qu’est-ce qui vous pousse à écrire un roman ? Comme la première idée germe ?
Je crois que la plupart de mes romans sont tous nés d’une même idée qui était celle d’un lieu où le personnage principal est généralement un lieu où se déroule l’intrigue. Finalement, les êtres humains sont très secondaires. Comme dans la réalité, j’ai tendance à être extrêmement marquée par des paysages, des endroits et j’utilise ce bouleversement intérieur pour en faire un personnage et ensuite développer une histoire. Donc tout naît toujours d’un lieu.
Avez-vous un roman en gestation que vous aimeriez écrire sans jamais l’avoir fait ?
Oui, depuis longtemps j’ai l’idée d’un roman que je veux écrire, qui est très différent de ceux que j’ai déjà faits car, pour la première fois, il ne s’agit pas forcément d’un lieu mais plutôt d’une sorte de fratrie choisie entre quatre amis. Mais écrire ce roman me demanderait beaucoup plus de temps et sans doute beaucoup plus d’introspection personnelle et je me rends compte que je n’ai pas encore ce courage-là… peut-être que je l’aurai un jour !
Avez-vous des habitudes d’écriture ?
J’écris en courant ! Ça paraît un petit peu bête mais disons que je cours avant d’écrire. Je m’en suis rendu compte assez récemment quand je me suis blessée au genou en courant trop, donc je n’ai plus pu courir pendant six, sept mois et ça a été une catastrophe parce que je n’arrivais plus à écrire. Dieu merci j’étais en correction de mon roman qui vient de sortir donc je n’avais pas besoin d’écrire et raconter une nouvelle histoire. Mais je me suis rendu compte que si je n’avais pas cette possibilité de m’épuiser physiquement c’était mon écriture qui en pâtissait le plus. J’ai beaucoup d’admiration pour les gens qui sont capables de rester devant une table pendant des heures et des heures, moi je ne peux pas parce que j’ai besoin de ce dopant naturel que sont les endorphines à la fin d’une course qui vous donne assez de confiance en vous pour écrire.
Quel est votre premier souvenir de lecture ?
C’est un souvenir de lecture à haute voix puisque je ne savais pas lire. Je pense que mon tout premier souvenir de lecture c’était Motordu. Après, il y avait plein d’histoires dont je me souviens parce qu’on recevait toutes les semaines les Je lis des histoires vraies et ma mère nous lisait toutes les semaines cela jusqu’à qu’on apprenne à lire. Donc mes premiers souvenirs de lectures sont des lectures à voix haute. Et ensuite, mon premier souvenir de lecture personnelle, où j’étais dans mon lit, il y en a deux : Stephen King, Salem, que j’avais adoré, et un deuxième souvenir que je crois beaucoup d’enfants ont lu et adoré : Mon Bel Oranger. Je ne sais plus qui a écrit ce texte mais je me souviens très bien de la couverture du livre et de l’histoire de ce garçon qu’on suit, de ses angoisses, ses déceptions quand les adultes lui mentent. Mon Bel Oranger était un texte très important pour moi.
Si vous étiez un personnage de roman, qui seriez-vous ?
J’aimerais bien être le personnage de mon propre roman. Si on considère que la vie est un roman, ça va je suis bien dedans. Après, rah ! Elle est difficile cette question mais… Balou, dans Le Livre de la Jungle. Je pense que c’est plutôt bien de pouvoir me gratter le dos sur un arbre en chantant, ça me va plutôt bien.
Encore une fois c’est une question difficile parce que je ne sais pas si « auteur culte » ça signifie l’auteur qui vous a le plus marqué dans l’enfance, l’adolescence et la vie adulte, ou l’auteur qu’on découvre un peu tard et qui change notre vie. Donc j’en ai deux : l’auteur culte se serait Stephen King puisque c’est lui qui m’a appris à lire et écrire, et en même temps quand j’ai découvert Marguerite Yourcenar, ça a changé ma vie, ça a bouleversé ma façon de voir mes semblables, de les décrire, de leur parler. Écriture – Mémoires d’un métier c’est une bible pour les jeunes auteurs.
Quel est le livre que vous auriez aimé écrire ?
Elle est hyper difficile cette question parce que j’ai peur d’être très orgueilleuse dans ce que je vais dire. Je crois que j’aurais aimé écrire le livre de Marguerite Yourcenar Alexis ou Le traité du vain combat parce qu’il s’agit de perfection littéraire. Écrire ce texte-là, avec cette écriture-là et cette histoire-là, cette introspection-là signifie qu’on a atteint le point culminant de l’écriture et la littérature. Or, si je ne l’ai pas écrit c’est qu’il y a bien une raison donc j’ai encore beaucoup de chemin à faire. Et puis, je pense qu’il faut faire attention dans l’envie qu’on a souvent d’imiter ceux qui ont bouleversé nos vie, l’imitation est aussi parfois un signe de grande faiblesse littéraire ou d’écriture. Donc il faut trouver l’équilibre.
Avez-vous un conseil de lecture pour quelqu’un qui ne lit pas beaucoup voire pas du tout ?
Oui ! Mon conseil de lecture serait un livre écrit à quatre mains qui s’appelle Et je danse, aussi de Mourlevat et Bondoux. C’est un livre épistolaire sur des mails que s’envoient deux personnages. Le premier est un écrivain qui reçoit un jour une lettre avec une grande enveloppe accompagnée d’un mot qui dit : « S’il vous plaît, n’ouvrez-pas cette enveloppe ». À partir de là, on a cet échange entre deux personnages qui se fait soit par lettre, soit par mail. C’est extrêmement émouvant, bien foutu, très facile à lire et c’est drôle, d’une beauté absolue. Il y a quelques livres comme ça qui sont les livres que j’ai le plus offerts depuis quatre ou cinq ans et celui-ci en fait partie.
Avez quel auteur aimeriez-vous dîner et que lui diriez-vous ?
Je pense que j’aimerais beaucoup dîner avec Rabelais. Il parle tellement bien de la bouffe que ça doit être assez génial de dîner avec lui… et je ne dirais rien parce que j’aurais toujours la bouche pleine !
Avez-vous une citation préférée ?
Il y a deux citations que j’aime beaucoup. La première c’est : « Bienheureux celui qui a appris à rire de lui-même parce qu’il n’a pas fini de s’amuser », ça me plaît beaucoup. C’était un prêtre qui avait dit ça, Frère Genièvre et de son vrai nom Joseph Folliet. Et puis l’autre, c’est la dernière phrase d’Alexis ou Le traité du vain combat : « Je vous demande pardon, non pas de vous quitter mais d’être resté près de vous si longtemps ». Je pense que c’est la meilleure phrase de rupture qui existe.
Quel est selon vous, le rôle de la littérature dans la société ?
Sans doute de mieux la comprendre. Et si on ne la comprend pas, de mieux vivre avec elle et à l’intérieure d’elle-même.
Pourquoi écrivez-vous ?
C’est la question à 1000 euros ça ! Hum… pour deux raisons : d’une part parce que je ne sais faire que ça et d’autre part, depuis l’enfance j’ai toujours eu l’envie de raconter des histoires. Je ne savais pas comment j’allais le faire, j’ai pensé que ça serait au cinéma, peut-être en dessinant mais je me suis vite rendu compte que j’étais nulle en dessin. Mais je savais que j’allais raconter des histoires et j’ai compris assez vite que ça serait en écrivant des romans. C’est ma passion et je pense que c’est beau que son travail soit aussi sa passion. Donc voilà : parce que c’est ma passion !
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Aller + loin :
Discussion avec Valentine Goby autour de la littérature et de l’imagination