De retour en France après s’être totalement consacré à sa passion pour le Brésil, Jean-Paul Delfino est au rendez-vous de la rentrée littéraire avec Assassins !, un vingtième roman qui revisite brillamment et avec une évidente arrière-pensée politique le décès brutal d’Émile Zola.
Du Brésil à la France
Émile Zola, sa vie, son œuvre, son meurtre… Le sujet devait être suffisamment important pour que Jean-Paul Delfino sorte avec autant de conviction de sa réserve brésilienne. Après des débuts éclectiques qui lui ont valu très tôt diverses récompenses dans tous les genres qu’il abordait, l’auteur aixois d’origine italienne – comme Zola – s’est follement passionné pour le Brésil. De cette passion viscérale devenue quasi exclusive est née une abondante littérature consacrée au pays carioca, son histoire, sa musique, ses trésors naturels. La surprise est alors grande quand on apprend qu’il s’intéresse de nouveau à la France avec Assassins !, un vingtième roman en forme d’exo-fiction qui relance avec malice la piste criminelle dans l’affaire de la mort « accidentelle » d’Émile Zola.
La dernière nuit d’Émile Zola
Le soir du 29 septembre 1902, Émile Zola se couche aux côtés de son épouse Alexandrine sans se douter qu’un complot ourdi par un attelage hétéroclite d’antidreyfusards notoires est en marche pour l’éliminer. Depuis son lit, alors que le poison invisible qui s’échappe de sa cheminée bouchée commence à faire son œuvre létale, l’auteur de J’accuse ! agonise et se souvient. De sa vie compliquée, de son travail d’écrivain, de ses engagements pour la dignité humaine, de ses désillusions, de son père, immigré italien, ingénieur idéaliste et concepteur d’un système révolutionnaire d’acheminement d’eau potable à Aix-en-Provence qui ne se relèvera jamais de la malveillance raciste de quelques sinistres notables locaux. Au même moment, après avoir réglé les derniers détails de leur crime, les conspirateurs sillonnent la nuit parisienne pour en tirer les premières conclusions…
Fiction historique, roman politique
Écrivain de sensibilité libérale, farouche défenseur du progrès social et sociétal, Émile Zola n’a jamais manqué d’ennemis dans le camp de la droite conservatrice. Mais après sa prise de position véhémente en faveur du capitaine Dreyfus – son célèbre pamphlet accusateur publié dans l’Aurore en 1898 – l’auteur de Thérèse Raquin est plus que jamais dans le collimateur des réactionnaires de tout poil. En cristallisant leur haine sur son nom, il aura fini de fédérer malgré lui toutes les composantes d’une extrême droite qui se retrouve dans un antisémitisme viscéral et une défense agressive des valeurs chrétiennes catholiques. Ce sont ces têtes d’affiche historiques du racisme politique, soldats fanatiques d’un ordre nouveau, que Jean-Paul Delfino convoque dans son roman. On y retrouve aux commandes de l’assassinat de Zola, les tristes sires que sont Maurice Barrès, Édouard Drumond, le fils Daudet, un ramoneur radicalisé et l’inquiétante silhouette du père Stanislas du Lac, tapi dans l’ombre pour cornaquer tout ce beau monde. À travers leurs funestes pérégrinations, qu’il met en regard avec le monologue intérieur d’un Émile Zola qui perd la vie, l’auteur croque avec un évident talent de conteur une savoureuse galerie de portraits pour mieux rappeler en creux ce qu’est l’ADN de l’extrême droite française. Racistes, antisémites, suprématistes, traditionnalistes ou encore nationalistes, tous s’unissent au sein d’un conglomérat haineux qui rêve d’une nouvelle St Barthélémy qui enverrait en enfer l’héritage humaniste des Lumières. En cette période de mutation des vieilles idées fascistes en populisme triomphant, et au-delà de l’hommage vibrant qu’il rend au créateur des Rougon-Macquart, Jean-Paul Delfino donne avec Assassins ! une brillante et salutaire leçon d’histoire politique.
—
Sélection Rentrée littéraire Fnac 2019
Parution le 5 septembre 2019 – 236 pages
Assassins !, Jean-Paul Delfino (Héloïse d’Ormesson) sur Fnac.com
Découvrez leur univers
