Écrivain contemporain acclamé à la fois par la critique et le public, Daniel Pennac a également été, jusqu’en 1995, un professeur à l’écoute de ses élèves. Il répond aux questions de FnacTV et distille de précieux conseils, pleins d’humour et de fantaisie, pour aspirant écrivain, professeur en galère ou lecteur des Malaussène. La facétie n’est jamais très loin.
EDIT : Daniel Pennac est l’invité d’honneur de la 3e édition du Salon Fnac Livres. Le salon se tiendra à la Halle des Blancs Manteaux, à Paris du 14 au 16 septembre 2018. Save the date !
Conseils de romancier
Ne pas perdre son lecteur
Daniel Pennac : « À la fin du tome 1 du Cas Malaussène, j’ai mis un index, car je me suis fait la remarque : « quelqu’un qui ne connaît pas les Malaussène va être complètement perdu là-dedans, avec tous ces noms, tous ces personnages ! ». J’ai donc décidé de le faire, mais j’ai fait la bêtise de le mettre à la fin ! J’aurais dû le mettre au début, justement pour que les gens, lisant l’index, parcourent au fond toute la série vite fait bien fait. »
Suivre ses envies
« Pourquoi j’ai repris les Malaussène ? Parce que j’en avais envie ! Ça paraît bizarre, mais c’est la seule réponse ! J’ai eu envie de les retrouver. C’est une espèce d’envie mélangée, c’est comme une envie de lecture, sauf qu’il faut que j’écrive le livre. J’avais envie de retrouver cette écriture. »
Garder son esprit critique
« Il y a des romans d’autofiction que j’aime et d’autres qui m’agacent. De Montaigne à Annie Ernaux, en passant par Rousseau, j’aime beaucoup. Ce qui m’amuse, ce sont les écrivains qui se prennent pour les seuls détenteurs de la vérité vraie et de la littérature pure ! »
Et puis… Écrire !
« Je n’ai pas d’autre conseil à donner à un jeune écrivain que : « Écris ! Écris ! » Vous savez les gens qui vous disent « j’ai envie d’écrire » sont des gens qui aimeraient avoir écrit. En réalité, dès qu’ils s’y collent et qu’ils s’aperçoivent que c’est un exercice solitaire et de très longue durée, ils abandonnent. Donc, au jeune écrivain, je dirais : « Écris. Vas-y, écris… Prends ton temps, et ne te préoccupes pas de la façon dont tu seras lu. Écris. »
Conseils de curieux
Se nourrir de projets
« J’ai déjà écrit le premier chapitre du tome 2 du Cas Malaussène ! Je n’ai pas d’autres projets en cours… Il faut déjà que je finisse celui-là ! Bien sûr, j’ai des envies, mais bon… »
Découvrir l’OMNI
« Je ne joue pas de l’OMNI. Ma fille oui, moi non. Il n’y a qu’elle qui sache jouer de l’OMNI, avec l’inventeur de l’OMNI. C’est un instrument extraordinaire… »
Conseil de professeur
Gérer le mensonge, gérer la peur
« J’ai beaucoup menti comme mauvais élève. Après, en tant que professeur, j’ai eu beaucoup à faire au mensonge, avec mes élèves. Les élèves mentent. C’est intéressant le mensonge ! Quand vous vous trouvez devant un enfant qui ment, vous avez trois solutions :
1/ Vous faites comme s’il ne mentait pas et c’est désastreux pour lui, parce qu’il va confondre mensonge et vérité, s’il croit qu’il vous a dupé en mentant. Donc il ne faut pas !
2/ Vous moralisez à l’excès le mensonge : « Je ne te crois plus, tu devrais avoir honte ! ». Vous terrorisez votre élève et, là non plus, le savoir que vous avez à lui enseigner ne passe pas.
3/ Vous restez détendu et vous étudiez avec l’élève les raisons pour lesquelles il vous a menti, les circonstances : « tu avais peur ? Il ne faut pas avoir peur. Même si tu te trompes, c’est pas un drame ! Même si t’as pas fait ton devoir, parce que t’avais la flemme de le faire, c’est pas un drame ! Je ne vais pas t’assassiner ! » Il faut absolument calmer la peur du menteur. Le menteur est quelqu’un qui a peur de la vérité telle qu’elle est. Il veut l’habiller. C’est pour ça que les familles mentent tellement… »
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Paru le 3 janvier 2017