Critique

Moon Knight : une identité en éclipse une autre

30 mars 2022
Par Lisa Muratore
Oscar Isaac incarne Marc Spector et Steven Grant dans la série “Moon Knight”.
Oscar Isaac incarne Marc Spector et Steven Grant dans la série “Moon Knight”. ©Disney+

Le MCU s’agrandit. Depuis ce mercredi 30 mars, les abonnés de Disney+ peuvent plonger dans les aventures du troublant Moon Knight.

Pour marquer les premiers pas de Moon Knight au sein de l’écurie, les studios Marvel ont vu les choses en grand. Tout en s’attaquant à la mythologie de l’Égypte antique, entre action et magie, la Maison des idées a réussi à se payer les services d’Oscar Isaac et Ethan Hawke. Le premier incarne Steven Grant, un employé discret d’un musée souffrant de trouble dissociatif de l’identité (TDI), contraint de partager son corps avec un mercenaire du nom de Marc Spector. Face à lui/eux, on retrouve le fanatique Arthur Harrow, un gourou prêt à tout pour accomplir son funeste dessein.

Avec Moon Knight, Ethan Hawke s’essaie à un nouveau registre pour se glisser dans la peau d’un antagoniste. Autrefois habitué à des rôles de jeune premier (Le Cercle des poètes disparus, la trilogie Before Sunrise…), l’acteur américain opère depuis un certain temps un changement de cap intéressant, s’essayant autant aux films indépendants qu’à l’horreur. Avec le show de Disney+, le comédien montre qu’il est prêt à investir l’univers des séries et plus particulièrement celui des créations Marvel. Il incarne avec subtilité un super-vilain obscur et revanchard face à un Oscar Isaac doublement convaincant.

Oscar Isaac face à Ethan Hawke dans Moon Knight.©Disney+

L’acteur récemment à l’affiche de Dune (2021, Denis Villeneuve) parvient à jongler entre deux personnalités, deux accents, deux vies. Un exercice difficile qui confirme son talent, mais qui témoigne surtout d’une inventivité en termes de mise en scène. L’importance des miroirs au sein des décors et les scènes d’action brutalement entrecoupées par les crises du personnage représentent un effort d’imagination et une façon aussi originale que dynamique de filmer la maladie mentale du super-héros.

Quand l’alter ego est une maladie

Après Norman Bates dans Psychose (1960), Tyler Durden dans Fight Club (1999) ou encore Kevin dans Split (2016), c’est au tour de Moon Knight de subir les traumatismes du TDI. Si la question de l’alter ego façon Docteur Jekyll et M. Hyde a déjà été traitée dans le MCU à travers Hulk et Bruce Banner, c’est la première fois que les studios Marvel s’emparent du sujet avec une dualité aussi inédite.

La série inverse également la tendance. Le super-héros est désormais le patient, atteint de maladie mentale. Ce trouble n’est plus l’apanage des super-vilains, mais plutôt une manière de désacraliser le mythe du héros. Par ailleurs, en choisissant de raconter l’origin story de Marc Spector, les studios Marvel poursuivent une trajectoire déjà entamée dans la Phase 4 du MCU. Comme dans WandaVision, Hawkeye ou Le Faucon et le Soldat de l’hiver, l’accent est mis sur des personnages endeuillés et torturés, un portrait qui apporte de la profondeur à l’univers.

Moon Knight aborde de façon originale le sujet des maladies mentales.©Disney+

Dans le cas de Moon Knight, la représentation du TDI est essentielle pour la narration. Cette maladie est un enjeu scénaristique important, notamment en milieu de saison, bien que les premiers épisodes souffrent de longueurs et d’un manque de surprise.

Une série parfois schizophrénique

Ces fausses notes ne permettent pas de s’attacher pleinement à Steven Grant et Marc Spector, ni de comprendre vraiment l’intrigue principale. Elle s’embourbe dans des scènes d’action prenantes, mais répétitives. On le voit notamment dans le passage mettant en scène Gaspard Ulliel, encore une fois mis au service du spectacle. En revanche, pour les abonnés français, et en dépit du rôle secondaire du comédien, c’est avec le cœur serré qu’ils découvriront cette scène, l’acteur révélé par Un long dimanche de fiançailles (2004) signant ici son dernier rôle avant son fatal accident de ski.

De surcroît, les premiers épisodes de Moon Knight ont tendance à nous laisser sur notre faim tant du point de vue de la narration que de l’appréhension des personnages. Malgré une interprétation alléchante, on sent que le potentiel d’Ethan Hawke n’est pas complètement exploité.

Quant à Oscar Isaac, il commet quelques erreurs d’interprétation. La faute sûrement à une direction artistique pas tout à fait maîtrisée, qui aura pour effet de rendre la série totalement schizophrénique. On ne sait pas comment se positionner par rapport à cette nouvelle création. Il y a une véritable bipolarité entre le fait d’aimer son originalité et la déception suscitée par certains ressorts.

Oscar Isaac dans Moon Knight souffre de troubles du sommeil.©Disney+

Malgré plusieurs faiblesses, Moon Knight bénéficie d’une atmosphère unique dans l’univers Marvel. En choisissant pour trame de fond la légende des pharaons, la série Disney+ invite les spectateurs dans un monde encore très peu exploité par le MCU. Cet élément est très important vis-à-vis des décors, le travail des équipes rappelant parfois des films d’action et d’aventure comme La Momie (1999, Stephen Sommers) ou Les Aventuriers de l’Arche perdue (1981, Steven Spielberg).

Prendre pour toile de fond l’Égypte antique et ses dieux favorise également l’inclusion d’éléments horrifiques et violents dans le show, un aspect qui manquait cruellement à l’univers Marvel. Ce dernier ne lésine pas sur l’obscurité de la mise en scène et du personnage d’Oscar Isaac. À ce propos, beaucoup le comparent à Batman, les comics d’origine étant inspirés de ceux sur l’Homme Chauve-Souris.

Ethan Hawke dans Moon Knight incarne Arthur Harrow.©Disney+

Cependant, les studios Marvel parviennent à offrir un super-héros loin du simple copier-coller. Marc Spector est, certes, aussi troublé que Bruce Wayne, mais comparer ces deux protagonistes serait trahir l’essence de Moon Knight.

Il se dégage quelque chose des quatre premiers épisodes. Bien que le diagnostic soit en demi-teinte, le pronostic vital n’est pas engagé. Si l’on s’attendait à plus de surprises, Moon Knight devrait toutefois profiter d’une longue vie au sein du MCU, grâce à son atmosphère unique et son appréhension des maladies mentales. On espère simplement que la fin de saison aura de quoi nous surprendre davantage pour offrir une création aboutie et maîtrisée, qui nous permettra de dire que le super-héros a définitivement réussi son entrée dans l’univers Marvel.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste