Critique

Amour, foi et chaos du réel dans le deuxième chapitre de Nobody Wants This

23 octobre 2025
Par Sarah Dupont
“Nobody Wants This”, le 23 octobre 2025 sur Netflix.
“Nobody Wants This”, le 23 octobre 2025 sur Netflix. ©Netflix/Erin Simkin

La comédie romantique de Netflix revient le 23 octobre avec une nouvelle salve de dix épisodes. Toujours à la croisée de l’amour, de la famille et de la religion, elle explore les doutes et les fragilités des relations modernes avec un regard juste et un humour toujours affûté, malgré quelques lourdeurs.

Il y a, dans Nobody Wants This, quelque chose de profondément humain, presque inconfortablement vrai. On rit, on s’agace, on s’y reconnaît. La série d’Erin Foster s’est imposée l’an dernier comme l’une des comédies les plus fines et inattendues de Netflix, rareté d’humour où le couple et la foi s’entrechoquent. Joanne, podcasteuse agnostique et désinvolte, et Noah, rabbin progressiste tiraillé entre tradition et modernité, ont mis en lumière les angoisses sentimentales d’une génération qui ne sait plus très bien comment aimer.

Plébiscité (95 % sur Rotten Tomatoes), le programme fait son retour sur la plateforme le 23 octobre avec dix nouveaux épisodes. Il délaisse la magie de la rencontre pour entrer dans le dur : la durée, les compromis, les désaccords – minuscules ou colossaux. Le rire persiste, mais avec une teinte nouvelle, entre mélancolie et réalisme. Ce nouveau chapitre poursuit la comédie existentielle avec ses contradictions, ses fragilités et sa beauté désordonnée.

Le couple comme laboratoire du doute

Dès le premier épisode, la seconde saison retrouve son arme la plus affûtée : le malaise. Ce comique d’exposition – né de maladresses et de silences – reste redoutablement efficace grâce à l’écriture et à la distribution sans faille. Noah et Joanne incarnent deux philosophies du monde : lui, croyant en la mesure, la parole apaisée, le temps long ; elle, plus prompte à la colère, à l’ironie, à l’excès. Ensemble, ils interrogent une question aussi simple qu’inépuisable : peut-on aimer quelqu’un qui voit le monde à travers un prisme radicalement différent du sien ?

Adam Brody dans la saison 2 de Nobody Wants This.©Netflix/Erin Simkin

La religion, omniprésente, mais jamais pesante, est le miroir de ce tiraillement. Nobody Wants This parle moins de judaïsme que de foi au sens large : croire en quelque chose, en l’autre, en soi. Noah, campé par un Adam Brody tout en subtilité, porte cette croyance mesurée, pleine de doutes et d’efforts. Chef spirituel moderne, il est amené à interroger ses réflexes patriarcaux, qu’il expose davantage encore dans cette suite. Son humanité et sa vulnérabilité en font le vrai pilier de la série.

Joanne ou la résistance à l’apprivoisement

Kristen Bell retrouve Joanne, mais la femme indépendante et frondeuse laisse place à une héroïne plus vulnérable, parfois désarmante. Décidée à s’engager, elle incarne le contrepoint de Noah, plus retenu. Ce renversement est l’une des forces de cette suite : il interroge le désir d’engagement et la peur qu’il peut parfois susciter. Joanne veut bien faire, mais trébuche souvent. Sa sincérité n’efface pas ses maladresses ni ses excès, et c’est sans doute ce qui la rend plus humaine – mais, pour certains, plus irritante.

Kristen Bell dans la saison 2 de Nobody Wants This.©Netflix/Erin Simkin

Mais au cœur de son évolution se niche une question plus intime : sa possible conversion au judaïsme. Ce dilemme devient la pierre angulaire de la saison. Joanne oscille entre foi et amour, conviction et compromis : le fera-t-elle ? Et si oui, pour Noah, pour leur couple, pour elle-même ? La série explore ce poids moral, avec l’engagement religieux comme métaphore de l’engagement tout court. Noah, de son côté, n’est pas épargné. Jusqu’où peut-il espérer un tel pas sans renier ses propres principes ?

Des seconds rôles comme miroirs du réel

Autour d’eux gravite une galerie de personnages toujours aussi bien écrits. Justine Lupe, en sœur immature, conserve cet humour cru et la tendresse maladroite propre à la série. Le lien entre elles, plus explosif que jamais, dépasse la simple rivalité : il met à nu les loyautés invisibles, les jalousies et les élans d’amour qui les unissent malgré tout. Une sororité à la fois chaotique et nécessaire.

Kristen Bell et Justine Lupe dans la saison 2 de Nobody Wants This.©Netflix/Erin Simkin

Sasha (Timothy Simons) et Esther (Jackie Tohn) prolongent l’exploration du couple sous un autre angle : celui du mariage et de ses concessions. La série saisit la banalité des tensions sans la surjouer, parle d’usure, de fidélité, de ces gestes infimes qui cimentent ou fissurent une relation. Elle rappelle que les amours « ordinaires » sont, elles aussi, des champs de bataille.

Timothy Simons et Jackie Tohn dans la saison 2 de Nobody Wants This.©Netflix/Erin Simkin

Quant aux seconds rôles inattendus, la savoureuse apparition de Leighton Meester en mère juive, influenceuse et ancienne rivale de Joanne – clin d’œil méta à son mari Adam Brody –, prolonge le sens comique et ironique du programme, introduisant de nouvelles dynamiques sans jamais renverser la table.

Les nuances du réel

Cette deuxième saison n’est pas sans déséquilibres. La relation de Joanne et Noah semble constamment suspendue à un fil, chaque épreuve menaçant de tout faire basculer. À force de remettre leur couple en question, l’œuvre finit parfois par forcer le trait, frôlant ce que, dans la réalité, on appellerait une relation instable.

Kristen Bell et Adam Brody dans la saison 2 de Nobody Wants This.©Netflix/Erin Simkin

Les rebondissements se multiplient, parfois au détriment de la nuance, et le Los Angeles trop lisse dans lequel évoluent les personnages accentue ce léger décalage avec le réel. Mais certains diront que ces excès traduisent aussi la nervosité du couple moderne, incapable de se contenter, toujours tenté de tout reconsidérer.

Nos vies dans la leur

Si elle reprend tous les codes de la comédie romantique, Nobody Wants This s’en détache juste assez pour éviter les clichés du couple parfait. Elle rappelle qu’aimer, c’est aussi composer : accepter les compromis, les doutes, la peur de se tromper de vie. Les moments les plus justes ne tiennent donc pas aux grandes déclarations ni aux élans romantiques, mais à ces gestes minuscules où l’on choisit de rester, malgré tout. Comme le résumait joliment le film Set it Up, « we like because, we love despite ». En d’autres termes, on apprécie quelqu’un pour certaines raisons, mais on l’aime vraiment malgré tout le reste.

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