
Inspirée des romans de Juliette Benzoni, reconnue pour sa rigueur documentaire, la série explore la frontière entre récit historique et liberté romanesque.
Une immersion au cœur du XVIIe siècle : c’est ce que propose la nouvelle production de France Télévisions, Une amitié dangereuse, mini-série en quatre épisodes. À travers le destin croisé de Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, et de la reine Anne d’Autriche, cette fresque historique mêle luttes de pouvoir et confidences intimes. Mais ce récit aux allures romanesques respecte-t-il vraiment la réalité historique ?
Des romans dans leur époque
En réalité, les deux œuvres de Juliette Benzoni (Marie des intrigues et Marie des passions) ont inspiré le scénario. Spécialiste du roman historique, l’autrice décédée en 2016 s’est distinguée par son sérieux documentaire.
Selon Alain Decaux, qui a préfacé l’un de ses ouvrages, elle aurait compilé « 300 livres » et « des centaines de fiches » pour nourrir ses deux histoires, s’appuyant sur les archives, les musées et les correspondances de l’époque pour restituer au plus juste l’atmosphère des cours royales.

Mais plutôt que des biographies, l’écrivaine française propose des histoires incarnées, où les héroïnes – inspirées de figures réelles – évoluent dans un cadre historiquement rigoureux. Marie de Rohan, proche d’Anne d’Autriche, apparaît dans son œuvre comme une femme de pouvoir, stratège, insoumise, au cœur des intrigues du règne de Louis XIII. Une figure à la fois documentée et réinterprétée, fidèle dans les grandes lignes, mais animée par les ressorts du roman.
Une reconstitution soignée
C’est cette matière romanesque qu’Alain Tasma a choisi de porter à l’écran, revendiquant une approche respectant à la fois l’esprit des livres et la réalité historique. « Ce que j’aime beaucoup chez Juliette Benzoni, c’est qu’elle est fidèle à l’Histoire », déclare-t-il dans une interview accordée à Unifrance. Chaque détail a été travaillé pour restituer l’époque sans l’exhiber : les accessoires, les costumes, les décors sont là pour nourrir l’interprétation, et non pour distraire.

Ce parti pris se double d’un soin particulier dans la distribution. Il explique : « J’attache énormément d’importance au fait qu’Anne d’Autriche soit jouée par une Espagnole, avec un accent espagnol – parce que les gens pensent qu’elle est Autrichienne –, que Marie de Médicis soit jouée par une Italienne, que les Anglais soient joués par des Anglais, etc. J’avais envie d’entendre ces accents. C’était aussi la France de l’époque : il y avait des accents. L’Europe existait. »
Une fidélité assumée, mais non figée
Interprète du jeune Louis XIII, Jérémy Gillet nous confirme ce souci d’exactitude dans un entretien : « Alain a fait des années de recherches pour coller au plus près à la réalité ». L’acteur s’est notamment inspiré du film Le discours d’un roi pour incarner le trouble d’élocution du souverain, historiquement avéré.
La série évoque également la célèbre nuit de noces manquée entre le roi et Anne d’Autriche, les tensions avec Marie de Médicis, l’emprise du cardinal de Richelieu et la place ambiguë des femmes dans un univers codifié.

Tout en respectant les faits établis, Une amitié dangereuse introduit un regard contemporain, notamment dans sa mise en scène de la solidarité féminine. Les critiques soulignent parfois une écriture trop actuelle dans certains dialogues ou une vision romancée de certaines intrigues. Mais c’est précisément dans cette tension entre rigueur historique et lecture moderne que cette production semble trouver sa singularité.