Décryptage

L’attaque des Titans : et si la fin alternative était meilleure que la fin officielle ?

28 février 2025
Par Valérie Précigout (Romendil)
Le film officiel “L'attaque des titans : la dernière attaque”, les 1 et 2 mars au cinéma.
Le film officiel “L'attaque des titans : la dernière attaque”, les 1 et 2 mars au cinéma. ©Hajime Isayama, KODANSHA/Attack on Titan

L’anime s’offre un (ultime ?) baroud d’honneur au cinéma début mars. Mais la diffusion du film La dernière attaque nous rappelle que les polémiques autour de la conclusion de la série avaient eu des conséquences surprenantes.

Après avoir occupé le devant de la scène pendant plus d’une décennie, les titans créés par le mangaka Hajime Isayama semblent avoir bien du mal à tirer leur révérence. Les passions n’ont d’ailleurs pas manqué de se déchaîner autour du final de la saga, engendrant des débats enflammés, au point d’inciter certains fans à imaginer leurs propres conclusions alternatives.

Une fin officielle qui divise

Fidèle au manga, la conclusion de la version animée ne semble pas avoir été au goût de tous, au point de pousser certaines communautés de fans à proposer leur propre vision de ce qu’auraient pu être les derniers instants de l’histoire d’Eren et de ses compagnons.

Trailer du film L’attaque des Titans : la dernière attaque, qui retrace la fin officielle de la série.

Mais, avant d’aborder le cas particulier du projet de fanfiction Attack on Titan: Requiem, il faut rappeler que le film officiel La dernière attaque, qui s’offre deux dates de diffusion début mars au cinéma, ne fait « que » condenser les derniers épisodes de la série. Il devrait donc synthétiser la fin de l’anime en une apothéose de plus de deux heures, tout en relançant les polémiques autour de cette conclusion rejetée par une partie des fans. Mais que lui reproche-t-on exactement ?

Une diffusion morcelée et chaotique

La diffusion de la saison finale de l’anime, morcelée en de trop nombreuses sous-parties, n’a eu de cesse de retarder toujours un peu plus son dénouement. Or, pour apprécier les ficelles de l’intrigue, il est indispensable d’avoir en tête chacune des révélations apportées au fil de la série. D’où la nécessité de revoir les saisons précédentes ou de relire le manga pour ne pas passer à côté d’un détail crucial.

L’attaque des Titans – Saison finale – partie 2 : l’ultime bataille

Impossible, donc, d’aborder les points qui font débat sans évoquer certains éléments clés de l’intrigue. Les spoilers seront par conséquent omniprésents à partir d’ici ! Inutile d’aller plus loin si vous n’avez pas lu la fin du manga ou visionné les derniers épisodes de la saison finale de l’anime.

Des choix contestés

On peut difficilement reprocher à l’auteur du manga le manque de cohérence de sa vision d’ensemble, ni même d’avoir inutilement étiré en longueur une histoire qui reste extrêmement dense, du début à la fin. Mais le scénario n’a, à l’évidence, pas pris le chemin que la plupart des lecteurs attendaient.

©Hajime Isayama, KODANSHA/Attack on Titan

Toujours très humble au sujet de son manga, Hajime Isayama considère d’ailleurs l’anime (auquel il a participé) comme la version définitive de son œuvre. Et face aux critiques émises lors de la prépublication du dernier chapitre, il a même pris le temps de retravailler les toutes dernières pages avant la sortie du dernier volume relié afin d’enrichir sa fin d’une vision à plus long terme – ce qui (selon les fans mécontents) n’aurait fait qu’aggraver la situation.

Une œuvre antimanichéenne accusée de tous les maux

Dans sa dernière saison, L’attaque des Titans impose une vision antimanichéenne qui s’oppose à tout ce que nous avait laissé croire la majeure partie de la série. À Paradis comme à Mahr, il n’y a pas de bon ou de mauvais camp, même pas de bons ou de mauvais individus qui seraient répartis dans chacun des camps. Seulement des êtres conditionnés par ce qu’on leur a asséné comme étant des vérités incontestables.

©Hajime Isayama, KODANSHA/Attack on Titan

Qu’ils vivent à l’intérieur des murs ou au-delà de la mer, tous agissent dans l’unique but de sauver leur patrie. Aux yeux des uns, les ennemis sont ces démons insulaires qui ont fait du monde un enfer en envoyant leurs Titans piétiner la terre, alors que ces derniers sont persuadés de n’agir que pour se défendre. Tout est question de point de vue en temps de guerre.

L’attaque des Titans – Saison finale : désolé

Parqués dans des camps, les Eldiens de Mahr ont-ils d’autre choix que d’essayer de s’emparer du Titan originel et des ressources de Paradis ? Hériter d’un Titan primordial est-il un honneur ou une malédiction pour ces enfants condamnés à une durée de vie maximale de 13 ans ? Utilisés comme des armes de guerre, ils n’ont même pas la liberté d’user d’une volonté propre.

©Hajime Isayama, KODANSHA/Attack on Titan

De façon plus large, faire payer à un peuple les fautes commises par ses ancêtres a-t-il seulement le moindre sens ? Mais cela n’excuse en rien la position extrémiste des « pro-Jäger ». Y voir une apologie du fascisme, comme cela a été parfois le cas, serait un contresens total : l’auteur dénonce au contraire le virage nihiliste de son héros.

Un excès de pessimisme qui dérange

La façon dont le mangaka nous manipule en mettant en lumière de nouveaux enjeux à l’approche du dénouement entraîne une perte totale de repères. Toutes nos convictions sont remises en question, ce qui oblige la série à multiplier les retours en arrière pour combler les vides. En plus de nous donner l’impression d’avoir été dupés tout du long, la fin de L’attaque des Titans affiche un pessimisme effroyable et une noirceur qui dérangent. La souffrance omniprésente est souvent très dure à encaisser, chaque petite lueur d’espoir entraperçue étant immédiatement mise à mal.

L’attaque des Titans – Saison finale : le début de la fin

Les histoires qui se terminent mal sont souvent les plus marquantes, mais elles sont aussi les plus controversées. Car la série va parfois très loin dans le traitement de certains personnages que l’on avait appris à apprécier depuis le tout début. Certains sont au bord du suicide, d’autres sont trahis par des proches ou torturés par leurs propres remords, lorsqu’ils ne finissent pas simplement dévorés par des Titans. L’auteur prévoyait pourtant d’aller encore plus loin en éliminant un à un tous les personnages principaux.

Sacrifier la figure du héros

Le sort réservé à Eren est loin d’être plus enviable. Son rôle central en tant que Titan assaillant, usurpateur de l’originel, le transforme viscéralement. De héros guidé par des motivations justes, il devient le pire ennemi de l’humanité, déclenchant l’apocalypse via le Grand Terrassement. Il le fait pour protéger les siens, mais cette charge inarrêtable constituée de milliers de Titans colossaux déferlant par-delà la mer ravage une bonne partie de la planète et réduit en pulpe des milliers d’innocents. On ne sait alors plus si on doit le haïr ou continuer à croire en ses motivations malgré le génocide sacrificiel qu’il est en train de commettre.

©Hajime Isayama, KODANSHA/Attack on Titan

Toute personne devant être jugée selon ses actes, rien n’oblige heureusement le lecteur à cautionner la vision d’Eren, garçon brisé en proie à une instabilité explosive et une fureur incontrôlée. Mais ses agissements aveugles ne font certainement pas de lui un messie révolutionnaire qu’il conviendrait d’idéaliser, même si une partie du lectorat semblait séduite par cette idée.

C’est d’autant plus évident lorsque l’on réalise que son don de prescience lui a permis de tout planifier depuis le début. En revanche, le fait de pouvoir influer sur le passé entraîne potentiellement aussi son lot de paradoxes, et cette idée n’aura logiquement pas fait l’unanimité.

L’inexcusable génocide

Lors du Grand Terrassement, le choc de voir Eren anéantir 80 % de la planète, en toute conscience et de manière irréversible, est assez comparable à la vision de Daenerys détruisant aveuglément Port-Réal dans Game of Thrones. Ils seront tous deux stoppés et tués par l’être qui les chérissait le plus, mais on sait à quel point cette fin avait été clivante pour les spectateurs.

La volonté nihiliste d’Eren rappelle aussi beaucoup celle de Light, figure toute-puissante du manga Death Note qui s’arrogeait le droit de vie et de mort sur tous ceux qui ne correspondaient pas à son idéal.

L’attaque des Titans – Saison finale : le Grand Terrassement

Eren n’a-t-il donc plus aucune conscience, plus aucune morale, pour aller jusqu’à déclencher l’irréparable ? L’auteur soulève le doute en lui faisant admettre qu’il aurait probablement mieux valu que ce soient les Eldiens qui disparaissent pour mettre un terme à la terreur des Titans.

Mais pas question pour Eren de se résoudre à changer ses plans. À moins que ce ne soit parce que l’avenir est tout simplement immuable ? S’il ne peut plus faire machine arrière, il souhaite intérieurement que quelqu’un l’arrête et l’aide à en finir.

L’épilogue de la discorde

Même l’illusion d’une existence partagée entre Eren et Mikasa ne permet pas de résoudre le dilemme des Titans autrement qu’en tranchant la tête de l’originel. Car la folie d’Eren est si profondément ancrée en lui qu’il aurait préféré raser l’entièreté du monde, juste pour contempler un horizon dépeuplé de toute présence humaine.

©Hajime Isayama, KODANSHA/Attack on Titan

Lorsqu’Armin remercie malgré tout son ami de l’avoir conduit au-delà des murs, conscient qu’ils devront tous les deux expier leurs fautes en enfer, c’est le drame ! Car ce passage (bien que remanié dans l’anime) donne l’impression qu’Armin excuse le comportement génocidaire d’Eren.

Pourtant, il ne fait qu’illustrer la bienveillance innée de celui qui aurait voulu endosser toute la responsabilité de ce malheur. Reste aussi à valider le rôle de Mikasa en tant que libératrice d’Ymir, alors que rien ne nous avait préparés à cette révélation.

©Hajime Isayama, KODANSHA/Attack on Titan

Mais c’est surtout l’épilogue remanié à la toute dernière minute par l’auteur qui achève d’assombrir définitivement son œuvre. Celui-ci laisse entendre que même ce précieux avenir, pour lequel tant de personnes sont mortes et se sont battues, serait voué à la ruine. Que la guerre n’a pas besoin des Titans pour exister.

Et que l’histoire pourrait bien se répéter à nouveau si cet enfant, qui vient de découvrir l’arbre surplombant la sépulture d’Eren, réveillait par mégarde le pouvoir des Titans. Voilà encore un excès de pessimisme bien difficile à digérer pour une partie du lectorat qui estime qu’alors, Eren se serait battu pour rien.

Requiem : la fin alternative non officielle

Faut-il pour autant réinventer la fin de l’histoire ? C’est ce qu’ont notamment tenté de faire les membres du projet Attack on Titan: Requiem, une fin alternative créée par des fans à partir des idées suggérées par le clip du générique de fin Akatsuki no Requiem.

Le clip de l’album Akatsuki no Requiem a servi de point de départ au projet.

Il prend d’abord la forme d’un dôjinshi (manga non officiel), dont les différentes parties sont disponibles en libre accès sur le site du projet, puis d’une première vidéo visible gratuitement sur YouTube depuis le 16 janvier.

Un aperçu de la fin alternative Attack on Titan: Requiem par le Studio Eclypse (FAN-ANIMATION).

À terme, cet épilogue vise à réécrire les trois derniers chapitres en livrant un scénario divergent par rapport au canon de la série. Cette « fan ending » revient sur le péché originel d’Ymir, la grande ancêtre, sans qui les Titans n’auraient jamais vu le jour, mais aussi sur la conviction d’Eren de devoir sacrifier le monde pour mettre fin au cycle de haine. Un raisonnement par l’absurde réfuté explicitement par Armin qui s’insurge de voir des innocents sacrifiés au nom de la liberté.

Les pages d’Attack on Titan: Requiem s’interrogent aussi sur le rôle d’Historia, réécrivent la bataille finale et ouvrent de nouvelles pistes d’interprétation basées sur différentes théories ayant mobilisé de très nombreux fans pendant des années. Et d’autres développements sont à venir.

Le projet de fans Attack on Titan: Requiem.©AoT no Requiem

Le meilleur moyen de clore ce débat est de garder en tête l’autodérision de l’auteur du manga qui imaginait, à la toute fin de son œuvre, une scène parodique mémorable. On y voyait le trio d’amis briser le quatrième mur en commentant la fin si controversée de L’attaque des Titans après être allé voir le film au cinéma.

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