
Alors qu’une loi adoptée en début de semaine devrait contribuer à endiguer le fléau, intéressons-nous aux entreprises qui permettent aux démarcheurs de mettre en place leurs arnaques.
C’est une situation que tout le monde connaît. Un appel en provenance d’un numéro inconnu, et ce doute qui s’installe : « Et si c’était important ? » Le fait est que ça l’est rarement et que le démarchage téléphonique est devenu au fil des ans une véritable plaie pour les Françaises et les Français. Si la proposition de loi visant, a minima, à ralentir ce genre de pratiques doit encore être adoptée par le Sénat, elle n’empêchera probablement pas les entreprises spécialisées de tourner en rond.
Déni de responsabilité
Si, depuis 2023, les démarcheurs doivent obligatoirement disposer d’un numéro polyvalent vérifié, ce n’est en réalité qu’un moindre ralentissement dans leur mode opératoire. Pour obtenir leur numéro en « 01 62 », « 04 24 » ou « 03 77 » que vous connaissez sans doute bien, les arnaqueurs font appel à de petits opérateurs télécoms qui leur louent ces numéros. Cependant, la responsabilité des opérateurs est nulle, explique RMC Conso.
Bien sûr, nous ne parlons pas ici des Orange, SFR ou Bouygues, mais bien de petits opérateurs notamment spécialisés dans la téléphonie par Internet (VoIP). Avec leurs sièges sociaux souvent situés à l’étranger et protégés par des lois locales, leur chiffre d’affaires reposerait donc en grande partie sur la location de ce genre d’indicatifs téléphoniques servant au démarchage.
Nos confrères ont contacté Kav El, opérateur israélien spécialisé dans la location de numéros VoIP. Mais, pour son porte-parole (qui n’a pas souhaité donner son vrai nom), l’entreprise ne serait en aucun cas responsable des agissements de ses clients. Pourtant, l’intéressé affirme que cette activité est contrôlée. « Nous effectuons de nombreux contrôles pour nous assurer que l’activité pratiquée par nos clients qui font du démarchage téléphonique est légale. Nous vérifions leur identité, le Kbis de leur entreprise. »
Bientôt la sortie du tunnel ?
Le porte-parole de Kav El regrette par ailleurs que « certains passent entre les mailles du filet », mais assure faire son possible pour s’assurer de la conformité des centres d’appels ouverts grâce aux numéros que son entreprise loue.
Un filet aux mailles très lâches, à en juger par les chiffres communiqués par la Direction générale de la concurrence. En 2023, sur 5 300 contrôles effectués sur des centres d’appels de ce genre, 60 % des entreprises n’étaient pas conformes. Pourtant, les responsables de ces magouilles sont difficiles à tracer, avec des « donneurs d’ordre établis à l’étranger », comme l’explique le rapport de la sénatrice Olivia Richard, à l’origine de la proposition de loi visant l’interdiction du démarchage téléphonique non consenti.
La loi adoptée lundi au Sénat prévoit d’inverser le rapport de force en rendant illégal tout démarchage téléphonique qui n’aura pas été consenti au préalable. S’il devrait efficacement réduire la fréquence de ces appels intempestifs, nul doute que les entreprises spécialisées trouveront d’autres moyens de nous sonner.