Critique

Last Train pour III : les nouveaux piliers du rock français ?

01 février 2025
Par Lucyle Espieussas
Last Train dévoile son nouvel album “III”.
Last Train dévoile son nouvel album “III”. ©Rémi Gettliffe

Après Weathering (2017) et The Big Picture (2019), le groupe alsacien revient avec III, troisième album de Last Train et premier en collaboration avec Pias ainsi que leur propre label, Last Train Productions. Un opus plus mature, plus rock, et toujours plus énervé.

« There’s no place I can call home », chante Jean-Noël Scherrer, leader et guitariste de Last Train sur Home, premier titre de III, qui donne le ton pour le reste de ce troisième opus. Car, dès le premier morceau, entre chuchotements et cris, l’artiste semble travailler sa voix de façon plus approfondie, la musique répétant le même contraste, alternant entre slow et sonorités métal. À l’occasion de la sortie de ce nouvel album le 31 janvier et alors que le groupe sera à l’affiche du Hellfest Festival, L’Éclaireur a eu l’occasion de revenir sur sa conception et sur la carrière du groupe avec son chanteur, Jean-Noël Scherrer.

Le groupe alsacien, basé à Lyon et actif depuis 2015, rassemble Jean-Noël Scherrer (chant et guitare), Julien Peultier (guitare), Timothée Gérard (basse) et Antoine Baschung (batterie), et réussit à faire salle comble aussi bien à L’Olympia qu’à La Boule Noire.

La vie de château 

Pour ce troisième album – le III de son titre tentant de rappeler que le symphonique Original Motion Picture Soundtrack n’est qu’un aparté dans la discographie du groupe –, la formation a changé sa façon d’enregistrer. À l’occasion d’un passage express à Paris, Jean-Noël Scherrer est revenu sur le processus de création : « On a enregistré au château de Planchamp en décembre 2023, en Lozère. Ça appartient à un membre de la famille de notre réalisateur, Rémi Gettliffe, il y passait ses vacances, explique le chanteur. C’était un rêve de faire ça, mais on a aussi dû improviser un studio d’enregistrement. En réalité, c’est une demeure pas très bien isolée et on a changé notre façon de travailler. On a l’habitude d’enregistrer live, tous les quatre ensemble, mais cette fois on a fait instrument par instrument, pour donner quelque chose de plus clinique, de plus froid. »

Une sensation que l’on retrouve d’ailleurs sur le viscéral How Does it Feel?, troisième titre de l’album, la voix de tête donnant un rendu particulièrement glacial, lointain, alors que le piano lui répond, jusqu’à la plainte du refrain. « How does it feel to live ? », interroge-t-il, les silences pesant presque plus lourd que la musique sur cette chanson.  

Une pause nécessaire 

En proposant un post-rock quasi absent de la scène hexagonale mainstream, le groupe a su conquérir un public toujours plus large, des petites salles intimistes jusqu’aux premières parties de Johnny Hallyday, Muse, ou encore Placebo en 2017. « On est un peu allés chercher notre public par la force, on a dû faire 500, 600 dates, en passant nos soirées à parler au public au stand de merch après les concerts. Il y a des villes où c’est inattendu, quand t’es Alsacien et que t’as fait dix dates à Brest, ça n’a aucun sens, mais on se dit “Waouh !” », raconte Jean-Noël.

Last Train.©Rémi Gettliffe

En un peu plus de dix ans, les Alsaciens mènent une carrière impressionnante, au point de devoir s’octroyer une pause, pour se reposer. Mais pas trop non plus, prenant le temps au passage d’enregistrer III ainsi qu’Original Motion Picture Soundtrack, « la musique d’un film qui n’existe pas », composé de reprises de leur répertoire en collaboration avec l’orchestre symphonique de Mulhouse, sorti en mai 2024.

« S’arrêter semblait pertinent pour nous à ce moment-là, confie Jean-Noël. Avant le Covid, on était sur une tournée et on faisait partie des optimistes qui n’arrêtaient pas de repousser sans jamais annuler, pendant quasiment deux ans et demi. On est nos propres producteurs, mais aussi nos propres tourneurs, alors c’était une charge de travail de dingue. Mais une fois qu’on a fait L’Olympia et une tournée des festivals, on a eu besoin d’arrêter et on s’est dit qu’on repartirait en tournée dans un an et demi, deux ans, quand on serait prêts. »

Home de Last Train.

Lors de cette pause, le groupe a pris le temps d’essayer de nouvelles choses, comme le montre le très réussi This is me Trying. Sur ce titre, le groupe semble expérimenter encore plus, donnant une certaine mélancolie qui atteint son apogée sur cette chanson, la voix de Jean-Noël se faisant lointaine, distante, engloutie par une musique froide.

« On a essayé de ne pas reproduire des schémas qu’on avait déjà utilisés dans d’anciens titres. C’est vrai que ça me fait toujours bizarre de me voir comme un chanteur, je me considère plus comme un guitariste, éventuellement un pianiste, confie-t-il, avant de prendre conscience de la puissance de sa voix. J’ai réussi à me rendre compte que c’est un autre moyen d’expression qui peut être intéressant, et sur ce disque j’ai essayé d’oser un peu plus la voix de tête, de faire des choses un peu plus scandées et d’autres un peu plus chuchotées. L’interprétation vocale permet de faire beaucoup de choses et c’est un instrument que j’ai finalement un peu plus expérimenté sur ce disque que par le passé. » 

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Trancher dans le vif 

Si III alterne entre chansons lentes, presque orchestrales, et d’autres dans un post-rock ou un rock alternatif plus classique, comme sur All to Blame, l’album se termine par le duo tragique You’ve Ruined Everything/I Hate You. Pendant près de huit minutes, la tension monte crescendo, au rythme de la voix et des riffs de guitare, jusqu’à l’explosion, nécessaire. « L’album symphonique, c’était plutôt un travail de production derrière un ordi. Alors avec III, on a eu besoin de trancher dans le vif avec ce qu’on venait d’expérimenter pendant un an et demi, de faire quelque chose de plus rock, de plus spontané », détaille le chanteur. Entre distorsions et expérimentations, I Hate You assène le coup de grâce d’un groupe à son apogée qui compte bien tout se permettre, ne se refusant ni les titres de huit minutes, ni une tournée européenne et des festivals avant deux dates au Trianon, les 4 et 5 décembre 2025.

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