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Qui était Lale Sokolov, l’homme qui a inspiré Le tatoueur d’Auschwitz ?

22 janvier 2025
Par Sarah Dupont
“Le tatoueur d'Auschwitz”, le 22 janvier sur M6.
“Le tatoueur d'Auschwitz”, le 22 janvier sur M6. ©Martin Mlaka / Sky UK

Lale Sokolov, survivant d’Auschwitz-Birkenau, a tatoué des milliers de déportés pour survivre, tout en rencontrant l’amour au cœur de l’horreur. Ce soir, M6 revient sur son histoire à travers une série romancée et un documentaire, interrogeant la frontière entre mémoire et fiction.

Réduire l’humanité à un numéro. Cinq ou six chiffres tatoués sur l’avant-bras, effaçant noms, histoires, identités. « Vous n’étiez pas Jacob, pas Salomon, pas Abraham, pas Isaac. Vous étiez un numéro. Et c’était précisément cela le but : faire de vous un numéro, et non un être humain », explique l’historien Gideon Greif, dans un entretien diffusé par France Inter.

À Auschwitz-Birkenau – seul camp où les prisonniers du régime nazi ont été tatoués –, des détenus furent contraints d’accomplir cette tâche déshumanisante. Parmi eux, il y eut un homme : Lale Sokolov. En 2018, Heather Morris, une écrivaine néo-zélandaise, a recueilli son histoire pour la raconter dans un roman intitulé Le tatoueur d’Auschwitz, faisant connaître au monde entier le récit de cet homme tombé amoureux au cœur du camp de la mort.

Avec plus de 14 millions d’exemplaires vendus, le livre est devenu un phénomène international. En 2024, son histoire a été adaptée en série, diffusée pour la première fois en France ce mercredi 22 janvier sur M6. Cette soirée se prolongera à 23h15 avec le documentaire L’histoire vraie du tatoueur d’Auschwitz, qui revient sur la vie de Lale Sokolov.

Le tatoueur des camps

Né Ludwig Eisenberg en octobre 1916 à Krompachy (Slovaquie), Lale Sokolov est déporté à Auschwitz-Birkenau en avril 1942, dans le premier convoi slovaque destiné au camp de concentration et d’extermination. Affecté dans un premier temps à la construction des baraquements, il contracte rapidement le typhus, mais survit. Il attire ensuite l’attention de Pepan, un prisonnier français, tatoueur du camp, qui lui propose de devenir son assistant.

Cette fonction, imposée par les nazis, offre à Lale des privilèges relatifs : une chambre individuelle et des rations alimentaires supplémentaires. Ces maigres avantages lui permettent de venir en aide à d’autres détenus.

Toutefois, ce rôle pèse et pèsera lourdement sur sa conscience, toute sa vie : tatouer les autres détenus ne le protège pas de l’horreur omniprésente et, pire, revient à collaborer, malgré lui, avec une machine de mort organisée. « Les déportés qui devenaient tatoueurs devaient faire le sale boulot à la place des nazis, mais ils avaient des conditions de travail moins dures que les autres détenus qui travaillaient à l’extérieur », explique Johan Puttemans, coordinateur pédagogique à l’ASBL mémoire d’Auschwitz, auprès de La Libre.

Une rencontre au cœur de l’indicible

C’est en juillet 1942 qu’un événement bouleverse sa vie. Il tatoue le numéro 34902 sur l’avant-bras d’une jeune femme de 17 ans, Gita Furman, une nouvelle déportée. Un geste, conçu pour effacer toute identité humaine, qui marque pourtant le début d’une histoire d’amour. Les premiers échanges entre les deux jeunes gens sont furtifs, limités à quelques regards et mots échappant à la vigilance des gardes.

©Martin Mlaka / Sky UK

Selon le témoignage de Lale, recueilli par Heather Morris, leur relation naît dans une précarité absolue, mais constitue pour eux une forme de résistance à la déshumanisation imposée par le camp. Si leur histoire d’amour a été largement romancée dans le livre et la série Le tatoueur d’Auschwitz, elle repose sur des souvenirs confiés par Lale lui-même.

La libération et l’après-guerre

Lorsque le camp est évacué en janvier 1945, Lale et Gita sont séparés. Lale est transféré à Mauthausen, en Autriche, d’où il réussit à s’échapper. Gita parvient quant à elle à s’évader durant un transfert. Après des mois d’incertitude, ils se retrouvent à Bratislava, en Slovaquie. En octobre 1945, ils se marient et prennent le nom de Sokolov, avant d’émigrer en Australie en 1948.

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Là-bas, Lale mène une vie discrète, travaillant dans le commerce textile. Pendant des décennies, il garde son rôle de tatoueur secret. Ce n’est qu’après la mort de Gita, en 2003, qu’il accepte de raconter son histoire. Durant trois ans, il confie ses souvenirs à Heather Morris.

Entre mémoire et controverses

La publication du Tatoueur d’Auschwitz, suivie de son adaptation en série, a permis de faire connaître l’histoire de Lale Sokolov au grand public. Mais ce succès a aussi soulevé des controverses. En tant que roman, l’œuvre d’Heather Morris s’appuie sur des souvenirs personnels sans prétendre à une rigueur historique. « Son témoignage aurait nécessité une confrontation avec d’autres sources », déplore le Musée d’Auschwitz-Birkenau auprès de La Libre.

Ces récits romancés posent une question essentielle : peut-on représenter l’indicible par la fiction sans en altérer la mémoire ? Pour Claude Lanzmann, réalisateur du long documentaire Shoah, la dramatisation des faits frôle l’obscénité. Ce soir, M6 diffuse à la fois la série et le documentaire L’histoire vraie du tatoueur d’Auschwitz. Deux visions pour interroger notre rapport à la mémoire, entre émotion et vérité historique.

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