Critique

Lune froide sur Babylon de Michael McDowell : meurtres à l’américaine

17 octobre 2024
Par Robin Negre
La couverture de “Lune Froide sur Babylon”.
La couverture de “Lune Froide sur Babylon”. ©Monsieur Toussain Louverture

Le roman publié aux éditions Monsieur Toussaint Louverture s’intéresse au quotidien bouleversé d’une ville de Floride à la suite d’un violent homicide.

Après la saga Blackwater, Aiguilles d’or et Katie, la maison d’édition Monsieur Toussaint Louverture continue de publier l’œuvre de l’auteur américain Michael McDowell (1950-1999).

Lune froide sur Babylon, le premier véritable roman de l’auteur, écrit en 1980, est ainsi proposé et permet de constater comment le reste de sa bibliographie s’est construit autour de thèmes similaires : la famille, les secrets, la violence et la mort. Entre le macabre et le sensationnel, Lune froide sur Babylone est un livre addictif.

L’histoire se passe en 1980 dans la petite ville de Babylon, en Floride. La famille Larkin, qui habite dans la forêt – remplie de serpents – longeant la rivière du Styx, survit grâce à la récolte et cueillette de myrtilles. Peu de temps avant le début de la saison, Margaret Larkin, 14 ans, est violemment assassinée.

Le reste de la ville s’empare de l’affaire et Babylon plonge dans une paranoïa anxiogène faisant remonter des secrets enfouis depuis longtemps.

Opposer les riches et les pauvres, les vivants et les morts

Trouvant son ton dès les premières pages, Michael McDowell s’intéresse, avec Lune froide sur Babylon, à la condition humaine dans son ensemble. Histoire de sentiments et d’émotions, faisant ressurgir le meilleur et le pire de l’humanité, le roman va à l’essentiel et dresse le portrait d’une famille frappée par le destin et la fatalité dans l’Amérique des années 1980.

Car c’est également la grande force du titre : offrir un regard a posteriori sur une décennie complexe pour le pays. Évolution des sociétés et des technologies, fracture profonde entre les puissants et les précaires, Lune froide sur Babylon est aussi un livre sur la lutte des classes. Alors que les plus riches font tout pour accroître et conserver leur fortune, les plus pauvres tentent de subvenir à leurs besoins comme ils le peuvent. Deux mondes s’affrontent et seule une intervention d’ordre surnaturel peut réparer les torts, et venger les opprimés.

Michael McDowell utilise régulièrement le fantastique pour agrémenter ses œuvres et y ajouter une symbolique puissante. Si Lune froide sur Babylon est avant tout un thriller et un polar, le livre bascule lentement, mais sûrement, vers une histoire de fantômes – à moins que tout ceci ne soit que le fruit de l’imagination de certains personnages ? Le livre joue constamment avec le symbole – l’utilisation des noms « Babylon » ou « Styx » ne sont pas innocents – et avec ce qu’il offre, ou non, au lecteur. Ce dernier apprend vite la vérité entourant le meurtre de Margaret Larkin. La résolution de l’enquête, du point de vue du lecteur, n’est pas le cœur de l’œuvre. Tout en mettant le public dans la confidence, Micheal McDowell conserve une part de mystère et surprend continuellement.

Lune froide sur Babylon est imprévisible. Les actions et les révélations mènent à des conséquences dramatiques et irrémédiables, offrant à la lecture un sentiment total de perte de contrôle. Tout est possible avec l’auteur et tout est possible dans ces États-Unis en proie à la violence et l’horreur.

Une référence de Stephen King

Si Michael McDowell gagne en popularité en France depuis que la maison d’édition Monsieur Toussaint Louverture s’est lancée dans une grande republication de son œuvre – avec des éditions soignées aux couvertures splendides –, l’auteur est une référence aux États-Unis depuis de nombreuses années et a inspiré plusieurs écrivains. Parmi eux, Stephen King, qui n’a jamais caché son admiration pour le romancier et a notamment vanté L’Amulette et Lune froide sur Babylon dans un essai publié en 1980.

Dans Lune froide sur Babylon justement, il est facile de voir en quoi Michael McDowell a inspiré Stephen King. Chapitres courts, écriture incisive et immédiate, horreur visuelle détaillée, présence du macabre dans une ville reculée des États-Unis… Le style et les thèmes abordés entre Michael McDowell et Stephen King sont similaires. Lune froide sur Babylon s’intéresse aux nombreux habitants de la ville, les suit et fait des liens entre leurs histoires. Un récit qui pose un lieu et un temps avec toute ses particularités, et raconte une partie de ce que sont les États-Unis, exacerbant l’horreur, magnifiant la beauté. Un procédé qu’utilisera également King dans ses livres par la suite.

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Découvrir Lune froide sur Babylon en 2024 est un exercice passionnant. Au-delà de la qualité intrinsèque du roman – entre la richesse de ses personnages, l’imprévisibilité de son récit et tout le décorum posé des années 1980 –, le livre renvoie au début de carrière de Michael McDowell et confirme la maîtrise absolue de l’auteur sur ce qui est alors son premier grand roman. Plus de 40 ans après, le talent de l’écrivain et scénariste – il a notamment créé le personnage de Beetlejuice – est acté, et Lune froide sur Babylon s’apprécie comme les prémices d’un style affirmé et d’une voix profonde.

Un grand roman gothique et macabre qui questionne l’humanité – et les États-Unis, redisons-le –, dans la meilleure veine des page-turner les plus addictifs.

Lune froide sur Babylon, de Micheal McDowell, Monsieur Toussain Louverture, 460 pages, en librairie depuis le 4 octobre 2024.

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