À la veille de la sortie de Venom: The Last Dance au cinéma, j’ai décidé de m’armer de courage pour visionner les précédents volets qui rencontrent autant de succès qu’ils attirent de critiques acerbes.
Je n’ai jamais spécialement apprécié Venom. En bon fan de Spider-Man, je sais bien que ce personnage, tantôt anti-héros, tantôt carrément vilain, inventé par Todd McFarlane et David Michelinie à la fin des années 1980, bénéficie d’une incroyable cote de popularité. Mais pas chez moi. La grosse brute tout en crocs, en langue et en bave, composée d’Eddie Brock et de son symbiote alien, me laisse de marbre.
Cependant, cela ne m’a pas surpris que Sony décide de lui accorder un film entier, en 2018. Possédant les droits d’exploitation cinématographique de l’univers de Spider-Man et voyant les succès de Marvel au cinéma, le studio aurait été bien bête de laisser passer l’occasion d’offrir un long-métrage à l’un des adversaires les plus appréciés du Tisseur.
Pari réussi ?
En revanche, je ne m’attendais pas à ce qu’il rencontre un tel succès au box-office. Rapportant plus de 850 millions de dollars, pour un budget dépassant à peine les 60 millions, le pari de Sony était amplement réussi et dépassait même les résultats de certains épisodes d’Iron Man, Captain America ou des Gardiens de la Galaxie, pourtant considérés comme des poids lourds du MCU. Je n’ai donc pas été surpris, non plus, lorsque le studio a décidé de lancer la production d’une suite, sans que cela me donne pour autant envie de visionner le premier.
Mais quelque chose a bien fini par éveiller ma curiosité : les critiques de la presse, aussi unanimes qu’assassines, en totale contradiction avec les retours du public. Venom était-il un chef-d’œuvre injustement décrié par pur snobisme ou un produit véritablement médiocre surfant sur la vague super-héroïque ?
Je flairai là un mystère sur lequel il me fallait enquêter et, tel Ben Urich, le fameux journaliste d’investigation du Daily Bugle, j’enfilai mon trench-coat et saisis mon carnet de notes pour me caler devant la télé et rattraper les deux premiers volets de la saga Venom, avant la sortie du troisième, The Last Dance, ce 30 octobre. Qu’est-ce que j’avais à perdre ? Pas grand-chose, à part du temps. Et puis, j’ai toujours apprécié Tom Hardy…
Du monstre de films gores à la mascotte de comédies familiales
De RocknRolla à Taboo en passant par Bronson ou The Dark Knight Rises, Tom Hardy ne m’a jamais déçu. Jusqu’à Venom. On pourrait croire que c’est la faute de son personnage, mal écrit ou mal caractérisé, mais il est pourtant très bien présenté dans la première demi-heure du film.
Un journaliste d’investigation jusqu’au-boutiste, prêt à tout pour débusquer un scoop qui fera tomber les puissants qui oppriment le petit peuple. Un écorché vif dont le succès commence à lui monter à la tête au point qu’il en vient à blesser ceux qu’il aime. Le topo est assez clair et colle bien au personnage inventé dans les pages des comics Marvel.
D’ailleurs, le choix d’avoir situé l’action du film à San Francisco m’a paru être une bonne idée, à la fois fidèle à l’arc narratif Venom: Lethal Protector des bandes dessinées, et permettant de ne pas avoir à se poser la question de l’absence des autres super-héros de Marvel, squattant la plupart du temps les toits new-yorkais.
Mais alors, pourquoi tant de malaise face au héros de ce film ? Tom Hardy l’incarne mal, tout simplement. On dirait qu’il ne sait pas vraiment sur quel pied danser. À sa décharge, cela peut se comprendre. Si Eddie Brock correspond bien à son alter ego de bande dessinée et si le scénario plonge le spectateur dans une origin story aux rouages désormais bien connus du grand public, le ton du film a de quoi laisser perplexe.
Quand Men in Black rencontre Meteor Man
À la base, le duo Eddie Brock-Venom repose sur l’association d’un individu revanchard et abîmé par la vie à une monstruosité extraterrestre digne de la SF d’horreur. Ce cocktail produit généralement un résultat ultraviolent, particulièrement chargé en hémoglobine. Mais le film de Sony a fait le choix de produire une œuvre presque tous publics (déconseillée aux moins de 13 ans aux États-Unis, mais pas en France).
Voilà pourquoi Venom prend vite des airs de buddy movie entre un chômeur souffrant de peines de cœur et un parasite alien anthropophage qui mange des cerveaux sans verser une goutte de sang, mais en faisant des traits d’humour. Ce n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais, mais je ne suis pas déçu, vu que je n’apprécie pas spécialement le personnage de Venom.
En revanche, je comprends mieux le succès populaire du film : il suit une recette un peu fade, mais ultraclassique qui a fait ses preuves en régalant un grand nombre de familles venues passer un moment de détente au cinéma dans les années 1990. De l’action, du rire, des effets spéciaux, un méchant caricatural… J’ai l’impression de me retrouver devant un mélange de Men in Black et Meteor Man.
Très moyen, mais néanmoins vaguement sympathique, Venom n’avait donc pas spécialement besoin d’une suite pour se rattraper. Mais les lois de l’industrie du divertissement étant ce qu’elles sont, il existe bien un Venom 2: Let There be Carnage, que je me devais de regarder. Après tout, qu’est-ce que j’avais à perdre, à part 97 minutes de plus ? Et puis, j’ai toujours apprécié Woody Harrelson…
Venom 2, un véritable carnage ?
S’il faut reconnaître une étonnante qualité à la saga Venom, c’est qu’elle arrive à désacraliser les acteurs que j’estime le plus. Après Tom Hardy dans le premier opus, c’est au tour de Woody Harrelson de subir les affres de la « vénomisation », en perdant tout son éclat dès les premières minutes de ce deuxième film dans lequel il incarne un serial killer psychopathe coiffé d’un affreux postiche roux. Encore une fois, son personnage est assez bien caractérisé, mais Woody Harrelson surjoue un peu trop la folie, au point de transformer le grand vilain du film en meurtrier, certes sadique, mais ridicule.
En revanche, Tom Hardy, lui, semble avoir trouvé ses marques dans la peau d’Eddie Brock. Il faut dire que le ton comique de sa relation avec Venom est pleinement assumé, via, notamment, des disputes de couple dysfonctionnel plutôt marrantes.
Depuis le premier film, le monstre anthropophage de l’espace s’est découvert une vraie affection pour l’humanité, qu’il souhaite protéger (même s’il a bien besoin de manger des cerveaux de temps en temps), tandis que son hôte aimerait retrouver une petite vie tranquille, loin des responsabilités de super-héros.
Une différence exacerbée lorsqu’il est question d’Anne, l’ex-compagne d’Eddie Brock, que ce dernier tente d’oublier, malgré les interventions de son symbiote lourdaud qui fait tout pour les rabibocher. Bref, on reste dans la comédie, même s’il faut bien quelques scènes de massacres sanglants pour justifier le « carnage » du titre. Pour le reste, tout demeure très convenu.
Après avoir découvert ses pouvoirs et noué une relation non consentie avec un alien dans le premier volet, notre héros rejette le changement et son hôte invasif dans le deuxième, avant de devoir admettre que leurs différences les rendent complémentaires et les aideront à sauver l’humanité et la femme qu’ils aiment de la menace d’un grand méchant, totalement fou et plus fort qu’eux. La fameuse dynamique « Je t’aime, moi non plus » qui, là encore, a fait le succès des comédies d’action des années 1980-1990 comme L’Arme fatale ou Rush Hour.
Un dernier pour la route ?
Malgré une touche de plaisir régressif, tout cela ne me donne pas envie d’assister aux prochaines aventures de Venom et Eddie. The Last Dance, qui doit clore la trilogie, continuera très certainement dans la même veine humoristique – même s’il faut s’attendre à de grands moments d’émotions avec peut-être la séparation définitive des deux compères – et je trouve cela dommage.
Le personnage de Venom aurait sans doute mérité une approche à la fois plus classique et plus audacieuse. En respectant l’aspect monstrueux et violent de cet anti-Spider-Man, Sony aurait pu produire un film sortant de l’ordinaire super-héroïque et de ce mélange permanent d’action et d’humour qui a fait la réussite du MCU de Kevin Feige… peut-être jusqu’à l’écœurement.
Cela dit, le succès populaire de ces films prouve sans doute que Sony a bien fait de ne prendre aucun risque en proposant une vision dénaturée et comique du personnage afin de plaire au grand public. Mais même si je trouve ce choix regrettable, je ne comprends pas les critiques intransigeantes adressées à la saga Venom.
Surtout lorsque je vois que d’autres réalisations, bien plus mauvaises, ont été moins mal traitées par la presse, comme en témoignent les notes attribuées sur Allociné. Catwoman, Aquaman, Les 4 Fantastiques de 2015, Black Adam… Toutes ces œuvres m’ont fait passer de bien plus mauvais moments que Venom, qui ne mérite vraiment pas de devenir la risée des productions super-héroïques. J’en viendrais presque à croire que les critiques envers le reste du Sony’s Spider-Man Universe sont injustifiées. Peut-être que je devrais enfin regarder Madame Web ou même Morbius. Après tout, j’ai toujours apprécié Jared Leto…